Radocsay Dénes - Gerevich Lászlóné szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 16. (Budapest 1960)
BOSKOVITS, NICOLAS: Un „Christ de Pitié" bolonais
de la représentation symbolique, donc le type grégorien. La représentation du Christ se transforme elle aussi : les yeux clos s'ouvrent à demi, les mains croisées sur la poitrine se déplacent, et naît un nouveau type de tableau qui survivra longtemps, surtout à Venise, sous la brosse des Bellini et des Crivelli. 0 Quant au développement de la composition, il semble caractéristique que le détachement, le groupement naturel des personnages s'accomplit pour la première fois à Florence et ses environs, tandis que les peintres de l'Italie du Nord conserveront relativement longtemps le type de la S. Croce in Gerusalemme. C'est ce type que présente aussi notre tableau qui semble donc plus conservateur que les modèles florentins, alors que sa composition est plus serrée et mûre que celle des Vénitiens (fig. 31).En examinant le modelé des figures, nous sommes frappés par la conception sèche et linéaire, quelque peu byzantinisante, du corps du Christ, par les proportions allongées de la tête, le nez long et le traitement des cheveux ; ces traits évoquent une création intéressante de la seconde floraison de l'école de Rimini, le Christ de Pitié du Musée de Moulins (fig. 32). 8 Ce tableau conserve encore beacuoup de l'effigie (i Le relâchement du type grégorien peut être bien observé dans les tableaux de prédelles du Trecento florentin. On pourrait citer comme exemplele polyptyque de Niccolô di Pietro Gerini au Musée du Vatican (repr.: Van Marie, R.: Italian Schools of Painting. III. La Haye, 1924, fig. 354), ou le tableau d'autel de l'église S. Martino a Mensola de Florence (oeuvre d'un disciple d'Orcagna de 1391 ; repr.: Mitteilungen des Kunsthistorischen Instituts in Florenz, VIII, 1959, p. 247). Dans ces tableaux les trois figures ne sont pas encore réunies en groupe, et la Vierge et Saint-Jean ne font que saisir les mains, jusqu'ici raidement croisées, du Christ. On voit les figures intimement enlacées du Christ et de la Vierge sur le tableau du « Master of the Accademia Annunciation » autrefois dans la collection de F. C. Smith de Worcester (repr.: Worcester Art Museum Annual III, 1937 — 38. p. 23), tandis que le petit panneau florentin (?) de Strasbourg (Musée des Beaux-Arts de la Ville de Strasbourg. Catalogue des peintures anciennes. Strasbourg, 1938. p. 122, n» 209) présente un groupe de trois personnages plein de verve. On rencontre la version la plus achevée de la composition dans la célèbre « Piètà » de Giovanni da Milano à l'Académie de Florence repr: Van Marie, R,: op. cit. IV, fig. 113). — On retrouve la description très spirituelle de la ligne de l'évolution menant aux Bellini — bien que son point de départ se soit avéré erroné — dans l'étude de P a n o fs k y, E., intitulée « Imago Pietatis » (Festschrift für M. J. Friedländer. Leipzig, 1927. p. 261 et suiv). 7 Une version caractéristique, delà composition exécutée dans l'Italie du Nord, est visible dans le triptyque de l'Académie de Venise (cf.: M o s c h i n i — M a r c o n i, S.: Gallerie delPAccademia di Venezia. I. Rome, 1955. p. 18, et notre tableau 31), qui de notre point de vue est intéressant déjà du fait qu'il présente à l'état fermé les « arma Christi». On trouve une solution de caractère analogue dans le tableau d'autel de l'église Ognissanti de Curzola, un dérivé provincial du XV« siècle de la peinture vénitienne (repr.: Van M a r 1 e, R.: op. cit. VII, fig. 274), et finalement le Christ de Pitié de la Casa Ilorne de Florence, peut être classée lui aussi dans ce groupe. L'arrangement de ceux-ci rappelle décidément notre tableau, sauf pour la réunion des personnages qui est plus éventuelle et relâchée, aussi la figure de Saint Jean manque-t-elle sur le tableau mentionné de la Casa Home. (Panofsky a regardé ce tableau comme un prototype du XIIL siècle, il est cependant, selon la recherche actuelle, un travail du XIV siècle. Cf.: Garrison, E. B.: Post-war Discoveries II. Burlington Magazine LXXXIX, 1947, p. 211); Je tiens à remercier ici M. Vittorio Moschini pour la photographie du triptyque vénitien mentionné, qu'il a bien voulu m'envoyer). 8 Selon B e r e n s o n, B. (Italian Pictures of the Renaissance. Oxford, 1932. p. 43) ce tableau est une oeuvre tardive de Giovanni Baronzio. C'est également dans le cercle de Baronzio que Brandi avait placé le tableau à l'exposition du Trecento, réalisée à Rimini en 1935. (Cf.: Brandi, C: La pittura riminese del Trecento. Rimini, 1935. — Catalogo délia Mostra) J'exprime ici ma gratitude à M. Michel Laclotte qui a bien voulu m'envoyer la photographie du Christ de Pitié de Moulins.