A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 3. szám. (MNG Budapest, 1980)
rangée qui, du côté gauche, tend vers le haut. Sur l'esquisse en couleur Wertheimer, nous trouvons, serrés dans le coin étroit, trois objets : sur le bord gauche, le limon de l'escalier ; derrière, la grande toile dressée se terminant en pointe ; et derrière Léonard de Vinci, le très haut socle. Entre ces trois éléments géométriques, on trouve aussi un homme à barbe, un peintre sans doute. Mais ici, le socle qui est derrière Léonard de Vinci n'est qu'un élément de décor mobile, mis là pour augmenter l'illusion, ce n'est plus, comme sur l'esquisse précédente, l'endroit où œuvre Veronese, ce n'est plus un escabeau de peintre dont il est pourtant « sorti » (sur l'esquisse Wertheimer, le socle est surmonté d'une forme rappelant une pyramide tronquée ; qu'il nous soit permis de mentionner de nouveau Veronese, c'est peut-être « l'Adoration des Bergers » se trouvant à Venise dans la Cappella del Rosario de l'église SS. Giovanni e Paolo, qui a éventuellement inspiré Munkácsy). Sur l'esquisse en couleur suivante (celle de Harkányi), le limon de l'escalier a disparu ou plutôt il forme avec le balcon un ensemble architectural noveau ; le socle qui est derrière Léonard de Vinci est moins haut et il a été placé à côté de la toile, ce par quoi il est mis en rapport direct et logique avec celle-ci ; dans la ligne finale tourmentée, nous reconnaissons à peine Veronese, mais dans l'esprit de Munkácsy l'idée est en train de prendre corps. L'esquisse Friedmann apporte enfin la solution : un retour à l'idée originelle positive, à la place du socle devant la toile, on retrouve le véritable échafaud de peintre, consistant en un haut soubassement et en une plateforme munie d'une rampe, sur lequel travaille maintenant le peintre Veronese dans une position hardie, le bras tendu tenant une large palette. Par ailleurs, à droite de l'échafaud a pris place une nouvelle figure qui s'ajoute au groupe central et regarde ; ce groupe central se trouve de nouveau quelque peu relevé, de sorte que l'élève assis tout à fait devant, sur la marche, apparaît presque en entier, Titien, légèrement plus en arrière, se voit jusqu'aux genoux, et le deuxième élève — qui est le plus éloigné du fond — devient une demi-figure. Toutefois, la vue de dessous en perspective ne peut pas en soi expliquer le rapport de « grandeur » entre Titien et ses élèves. Sans doute faut-il prendre en considération le fait que l'artiste a imaginé une situation spatiale particulière : sur le plan médian, une sorte de podium de travail, moyennement profond, y est assis un élève, y sont postés les deux modèles, et un peu plus en arrière et un peu plus bas, le maître et l'autre élève debout. Sur la gauche du tableau, la grande toile singulièrement inclinée joue un rôle décisif dans la création de l'espace : les esquisses précédentes nous en ont montré plusieurs nouvelles variantes. L'esquisse Friedmann reprend la variante (abandonnée une fois) : une énorme toile extrêmement large, un peu plus de face, qui s'étend jusque derrière l'élève assis du groupe central et qui dresse haut sa pointe. Troisièmement, considérons l'architecture de la coupole : d'une part le projet joint, d'une manière très schématique, l'idée d'une corniche réunissant tout autour les colonnes et l'idée d'une loge isolée (avec le pape) ; pour les colonnes et la corniche, nous trouvons différentes variations, une fois, même le motif de la colonne accouplée accompagnée d'une corniche en saillie. Bien que la loge du pape, telle un balcon, soit fortement en saillie, elle reste quand même partie intégrante de l'édifice, grâce à la rampe qui fait le tour et surtout grâce à la corniche qui couronne l'ensemble. D'autre part, il faut constater que malgré les indications schématiques, la coupole — maintenant dans son état fermé, solide — a aussi beaucoup gagné au point de vue de la spatialité, les arcs-doubleaux sont bien plus puissants et l'ensemble de l'édifice semble plus massif ; des voûtes latérales ont été esquissées, les fenêtres semicirculaires se sont réduites ; par contre l'ouverture circulaire du sommet s'est considérablement élargie et a été poussée vers le haut, si bien qu'elle se trouve coupée par le bord supérieur du tableau, ce qui lui confère de la profondeur, une certaine monumentalité (rebord inférieur d'une lanterne ronde). Le véritable centre de la composition est devenu, dans le large espace de la coupole, la figure du génie qui flotte. Le développement de ce motif se voit clairement sur les nombreuses esquisses. D'abord en s'appuyant sur des choses vues (pensons aux exemples de la peinture vénitienne de Veronese à Ricci et à Tiepolo) le génie arrivait de côté, en volant dans une position diagonale très accusée ; maintenant, c'est venant d'en haut qu'il pénètre dans l'espace, presque à la verticale, les bras étendus — quel contraste avec la figure montant péniblement l'escalier ! Il est la plus grande figure du tableau, et il le domine dans sa robe solennelle rouge brun qui flotte autour de lui ; y contribuent aussi les autres figures qui l'accompagnent : à gauche, dans une robe claire, l'autre génie qui vole, la « Renommée », à droite, devant la jambe tendue de la « Gloire », un putto et, des deux côtés, d'autres figures sommairement indiquées. En outre, il semble que l'extérieur de l'ouverture de la coupole soit peuplé de petits êtres célestes ailés. Le putto que l'on voit à gauche en haut de la coupole (qui se présente telle une tache claire) a déjà sa place dans le tableau, le putto de droite est indiqué par des taches claires et obscures ; dans la partie la plus éloginée du ciel, au dessus des nuages, on remarque un ange tenant une trompette. Les projets examinés jusqu'ici montrent que, depuis le début, Munkácsy s'est efforcé d'obtenir dans son œuvre un effet d'ensemble qui fasse illusion. Certains