A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 3. szám. (MNG Budapest, 1980)

parmi les historiens d'art desquels on aurait pu attendre un jugement plus clair et un examen plus profond de l'évolution de l'art de leur temps, il y en eut qui se tin­rent ostensiblement à l'écart de l'œuvre et firent des ré­serves, et il y en eut même qui allèrent jusqu'à émettre des avis nettement défavorables. Pour illustrer cette mani­ère de voir, voyons ce qu'écrit C. von Lützow, dans le Zeitschrift für Bildende Kunst, en 1892, dans un article concernant le Kunsthistorisches Museum qui vient juste d'ouvrir ses portes au public. 46 « Seules les lunettes de Makart méritent l'admiration du critique ; celles-ci, dit-il, font naître dans le visiteur le profond regret que Makart, par sa mort prématurée, n'ait laissé qu'une esquisse pour le grand tableau du plafond de l'escalier. « L'Apothéose de l'Art » de Munkácsy, qui a pris la place qu'aurait dû occuper le tableau de Makart : « Apollon répandant la Lumière », ne remplace malheureusement pas cette création perdue à jamais. C'est une « grande machine » sans âme et sans grandeur, dont les couleurs crayeuses portent à peine la trace du talent indiscutable de Mun­kácsy comme coloriste ». Le jugement de Lützow fut visiblement influencé par différents facteurs. D'une part, le projet de Makart était, dans sa conception, beaucoup plus accessible, il comportait moins de problèmes, il ne plaçait le public devant aucune difficulté, il se rattachait organiquement aux œuvres antérieures de l'artiste ; d'au­tre part, lorsque fut inauguré le Musée — six ans après la mort du maître — la peinture de Makart était incontestée. Les tableaux des lunettes et les belles esquisses qui a­vaient été faites étaient déjà connus du public depuis 1885, date de l'exposition commemorative Makart, laquelle avait été organisée non loin du Musée, dans la Maison des Artistes (Kunstlerhaus). 47 Par contre, ces années-là Mun­kácsy se trouve à un stade de son évolution qui — sans parler du nouveau qui perçait déjà, mais qui était inconnu à la plupart de ses contemporains — pouvait, à de nom­breux points de vue, donner l'impression d'une période critique. liges avait déjà signalé que les gens étaient habi­tués à un certain Munkácsy, à celui qui avait peint « La cellule d'un condamné à mort » et les toiles du même genre, à son « Milton », aux grands tableaux du Christ, et en raison de ces vues étroites, ils se refusaient à suivre le peintre dans de nouvelles voies. 48 Déjà son « Mozart » avait produit une impression assez faible sur le grand public ; pour le tableau de plafond, il devint encore plus manifeste que « la critique et le public se trouvèrent dés­orientés quant à Munkácsy » . Y contribua beaucoup le fait que le tableau de plafond de Vienne, en tant que thème pictural, jurait avec les autres. « Munkácsy, pein­tre d'allégories avec des génies qui flottent dans les airs, des palmes qui ondulent et une architecture fantaisiste? C'était absolument impossible à l'imaginer ainsi » — écrit liges, dans sa monographie parue en 1899. « Le peintre réaliste qu'est Munkácsy veut, somme toute, décorer un plafond de cent mètres carrés, peindre des allégories? » demande Sedelmeyer dans son livre publié en 1914 49 Lui aussi, comme liges, était contemporain de Munkácsy et son ami ; l'un et l'autre le connaissaient bien, aussi pouvaient-ils répondre aux questions qu'ils posaient : c'est toujours avec une « grande volonté », un sens de la réalité et un sérieux inexorable que Mun­kácsy considérait les tâches nouvelles — celle-ci comme n'importe quelle autre — et à la fin il en venait à bout. Malonyai, un troisième «intime » de l'artiste, son secré­taire pendant un certain temps, qui possédait une très belle étude que lui avait donnée le peintre — un dessin à la plume du génie de la Gloire — à, dans une biographie de deux volumes (1907), publié la reproduction de ce dessin, mais il n'a consacré que quelques lignes insigni­fiantes au tableau de plafond. 50 Au cours des décennies qui suivirent, cette œuvre fut encore moins appréciée ; E. Hajos constitue une rare et heureuse exception : dans son étude « Munkácsy à Vienne » (1936), elle émet un jugement vraiment positif : elle qualifie l'œuvre de « ma­gnifique performance » . 51 La plupart des biographies de Munkácsy traitent, séparément de son œuvre, le tableau de plafond de Vienne, et si elles en font mention c'est seulement par égard à l'intégralité, car il arrive aussi qu'elles n'en parlent même pas ; quant aux spécialistes de la question Munkácsy, qui se sont occupés sérieuse­ment de ce thème depuis les deux dernières décennies, leur avis est de nuance nettement négative. Nous men­tionnerons tout d'abord L. Végvári qui, par ses nombreux travaux et surtout par son catalogue des œuvres pictura­les et graphiques de Munkácsy, s'est acquis des mérites. 52 Végvári est sans doute celui qui connaît le mieux l'évolu­tion artistique du peintre, il est au courant de tout ce qui entoure la genèse du tableau de Vienne comme per­sonne avant lui ; les problèmes fondamentaux de ce tra­vail — la contradiction entre le naturalisme et le monu­mental dans la peinture de l'époque — ne lui sont pas étrangers. Dans son ouvrage paru en 1952, le tableau de Vienne est ainsi défini : « une création plutôt convention­nelle, mais la composition est assez bien résolue » — re­connait-il exceptionellement ; dans la monographie qu'il publia en 1958, il ne considère pas ce tableau comme appartenant aux mieux réussis, tandis que dans une édi­tion en allemand beaucoup plus courte (1959), il con­vient, avec une certaine condescendance, de ce que cette œuvre témoigne d'une « excellente technique » et il ad­met que, « malgré ses lacunes . . . elle peut être classée parmi les meilleures compositions monumentales de l'époque ». Cette « reconnaissance » tardive n'est pas aussi intéressante que les « lacunes » remarquées par Végvári : selon lui, Munkácsy a peint une fresque et non un panneau, il trouve que la composition n'est pas la continuation de la structure de la cage de l'escalier, que l'architecture en trompe-l'oeil (qui fit sensation lors de

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