A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 3. szám. (MNG Budapest, 1980)
musée, où il ne trouva personne. Au ministère, il n'y avait personne non plus. Le baron Hasenauer n'était pas à Vienne : il avait été appelé d'urgence à Budapest, et il ne reviendrait que le soir ou le lendemain. Munkácsy retourna donc au Musée, mais il n'y trouva que l'échafaudage et un grand désordre, et il vit que tout était loin d'être terminé. S'il avait su que les travaux n'étaient pas plus avancés, il n'aurait pas envoyé son tableau à Vienne. Malgré tout, le tableau était déjà au plafond, mais étant donné qu'on avait collé dessu « une toile » pour le protéger pendant les opérations de la mise en place, on n'en voyait presque rien ; dans son impatience, Munkácsy essaya de détacher une petite partie de la couverture de protection, mais c'est seulement lorsqu'elle fut bien soulevée qu'il put juger de l'effet. L'impression est bonne, écrit-il, bien qu'il ne soit pas encore possible de porter un jugement définitif. Quelques retouches seront nécessaires, ajoute-t-il, mais il est content d'avoir pu voir le tableau, et il espère que le 18 ou le 19 il sera de nouveau à Paris. La lettre suivante, écrite le lendemain, fait apparaître qu'il brusque son voyage de retour. Les bagages sont prêts, Munkácsy va prendre son train pour Paris. Il n'a plus rien à faire à Vienne, dit-il ; Cugnier (qui vraisemblablement est arrivé avant dans la capitale autrichienne afin de fixer le tableau) reste pour continuer le travail : il ne devait s'agir que de choses insignifiantes. Ainsi, la version reprise plusieurs fois et fort répandue, selon laquelle Munkácsy n'aurait terminé le tableau de plafond qu'à Vienne, une fois mis en place, est complètement dénuée de fondement. De retour à Vienne, Hasenauer, qui n'avait pas encore vu le tableau de plafond, fut très satisfait. Voici comment Munkácsy résume son opinion : « En vérité, ce travail est du plus bel effet et tous les soucis que nous nous sommes faits à propos de la perspective architecturale n'étaient absolument pas fondés . . . maintenant ils peuvent venir ceux qui parlent de tremblement de terre et de cataclysmes (Munkácsy pense à certains critiques de Paris qui, au Salon, ont vu le tableau non pas à sa véritable place, au plafond, mais accroché au mur) et ils verront que mes colonnes tiennent mieux debout et mes figures plus sûrement sur leurs jambes qu'eux ... ils verront que j'aurai du succès, et que je me suis tourmenté pour des riens » . Angeli aussi (c'est Heinrich von Angeli, peintre de genre et portraitiste renommé, professeur à l'Académie de Vienne depuis 1876) s'est rétracté quant aux doutes qu'il avait émis à Paris, au sujet de l'architecture du tableau, et a entièrement reconnu les mérites de l'œuvre. 40 La dernière tranche des honoraires, les 18 mille gulden qui restaient furent payés le 2 octobre 1890. Le même jour, la maison Mincard-Kollarsch reçut 439 gulden « pour avoir recouvert la surface du plafond et pour avoir collé le tableau ». 41 Lorsque Munkácsy était à Vienne, les 16 et 17 septembre, il est certain que les lunettes de Makart n'étaient pas encore mises en place, puisque c'est seulement le 25 février 1891 que le peintre Victor Jäger reçut la somme de 180 gulden pur le nettoyage et le vernissage des tableaux. 42 Par contre la question se pose de savoir quelle était la situation en ce qui concerne les tableaux des champs dits triangulaires. La commande en avait déjà été passée au groupe de peintres Matsch—Klimt le 28 février 1890, les travaux de préparation devaient être en cours. Il va de soi qu'il n'avait pas été possible de commencer la peinture à même le mur avant que les travaux du plafond ne fussent terminés. Le travail en fut payé deux semaines à peine avant l'inauguration du Musée, ils reçurent la somme de 14 mille gulden. Munkácsy n'était pas présent à la cérémonie ; 43 il séjournait alors en Hongrie, où il consacrait toutes ses forces à son œuvre tardive et gigantesque : « La Conquête Arpadienne du Pays ». La veille du grand jour, voici ce qu'il écrit de Terebes à sa femme : 44 « Je regrette de ne pas pouvoir être là, mais le voyage de Vienne aller-retour et ensuite celui de Paris seraient trop pour moi » . L'ATTITUDE DE LA CRITIQUE D'ART. MODE ET IMPORTANCE DES TRAVAUX PRÉPARATOIRES COMME SOURCE DE LA CONNAISSANCE Le tableau de plafond de Munkácsy au Kunsthistorisches Museum — autant que l'on accepte que la critique d'art reflétait l'opinion — n'éveilla dans le public ni l'approbation ni l'enthousiasme que l'on aurait attendu d'une œuvre marquante placée dans un lieu d'une telle importance, et surtout émanant d'un artiste d'une telle renommée. Les informations quotidiennes qui parurent à l'occasion de l'inauguration du Musée ne prennent qu'accessoirement connaissance du tableau ; vis à vis de cette œuvre, ils se montrent très superficiels et embarrassés comme le note avec justesse F. W. liges, premier biographe de Munkácsy, liges le connaissait personnellement, et son livre parut encore du vivant de l'artiste. 45 En ce qui regarde la peinture du tableau de plafond, la plupart des informations données par la presse se réduisent à des renvois aux prédécesseurs et aux préfigurations, avec une longue liste d'artistes depuis Le Tintoret et Veronese jusqu'à Delacroix, Delaroche et Baudry, en passant par Tiepolô (c'est Baudry qui avait décoré le plafond du foyer de l'Opéra de Paris). Parmi les spécialistes qui s'occupaient sérieusement de Munkácsy et qui respectaient son art,