Korner Éva - Gellért Andor szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 5. szám (Budapest, 1965)
prix du concours des compositeurs ne furent pas décernés. Bartók reçut un diplôme, qu'il voulut renvoyer à St.-Pétersbourg, entre les mains de Lipót Auer, musicien d'origine hongroise et animateur du concours. 5 Dans la lettre qu'il écrivit à sa mère au début d'août 1905, Bartók déclarait notamment: «Je n'ai pas gagné le concours des exécutants, ce qui n'est ni étonnant, ni affligeant, mais ce qui s'est passé autour de la distribution, plus exactement de la nondistribution, du prix des compositeurs, c'est révoltant.» Tout porte à admettre que Jajczay se servit de ces déclarations de Bartók, pour affirmer, dans son commentaire, que, de retour de Paris à Vienne, Bartók écrivit énergiquement et sûr de lui-même les premières mesures de la Suite et la date du 21 mai 1905 dans le coin supérieur gauche du portrait. La lettre de Bartók à sa mère que nous venons de citer date du commencement d'août 1905; s'il est impossible de fixer le jour précis, il peut être établi qu'elle est de deux mois et demi environ postérieure à la date du portrait. Cet écart important entre la date du portrait et celle de la lettre était d'autant plus important qu'à cette époque, Bartok informait sa mère avec rapidité et exactitude. Pour tirer au clair ce problème, il fallut donc revoir toute la correspondance de Bartók en 1905, ainsi que tous les détails biographiques de sa jeunesse. Ce ne fut point peine perdue, car ces lettres abondent d'informations qui nous intéressent au premier chef. Précisons pourtant, avant d'aborder leur étude, qu'après avoir offert, en février 1905, un récital autonome à Vienne, Bartók passa la première partie de l'été à Vésztő et dans la puszta voisine de Szilád. 6 Il se rendit ensuite à Paris, où le concours Rubinstein s'ouvrit le 3 août. Au milieu du mois, les résultats étaient acquis. Bartók resta à Paris pendant un certain temps encore. L'hypothèse de Jajczay, selon laquelle les indications portées sur le portrait auraient été inspirées à Bartók par l'issue décourageante du concours Rubinstein est donc fausse, ne fût-ce qu'en raison de la date. Cela ne diminue pourtant en rien son mérite d'être le premier à porter à la connaissance du grand public le portrait de Bartók par Vedrődy, jusqu'alors à peu près inconnu, avec une importante documentation qui s'y rattache. Pour en revenir à la correspondance de Bartók, on y trouve notamment ce qui suit. Dans la lettre qu'il écrivit à sa mère le 10 septembre 1905, il résume ses impressions parisiennes, décrivant les édifices de la rive droite de la Seine, notamment le Louvre. Dans celle du 15 août 1905, adressée à Irmy Jurkovics, il y revient d'une manière plus détaillée: «... je puis vraiment parler — fût-ce brièvement — des trésors d'art sans nombre que j'ai vus jusqu'à présent. Quelle joie que de découvrir au musée, les uns après les autres, des chefs-d'œuvre bien connus de reproductions, la Joconde, les Madones de Raphaël, les portraits si connus de Mme Vigée-Lebrun, les jeunes mendiants de Murillo etc., etc. Je peux dire qu'aucune peinture ne m'a guère fait ressentir une impression aussi profonde que les grands Murillo du Louvre. Sans parler de leurs nombreuses autres perfections, dont les reproductions donnent d'ailleurs une idée, l'harmonie dos couleurs de ces tableaux est d'un effet ensorceleur, comme un coup de baguette magique. Pour moi, cela fait partie des «effets» que j'ai éprouvés, par exemple, au cours de la représentation du Tristan, du Zarathoustra, au premier concert de VVeingartncr à Berlin, cette année à Vienne, au récital Beethoven de Dohnányi, ou encore il y a 4 ans, le jour où j'aperçus pour la première fois la Stephanskircho de Vienne. Aujourd'hui, je suis allé voir un tas de peintures impressionnistes au Musée du Luxembourg. Mais le moyen d'écrire de tout cela !» 7 Le jeune Bartók, âgé de 24 ans alors, écrivait ces phrases mêlées à des messages intimes et très importants. Il n'y a guère lieu de leur attribuer une importance particulière en elles-mêmes, pas même quand on sait l'influence décisive que devait exercer sur l'évolution de ses jeunes aimées l'audition tie Zarathoustra, en 1902, à Budapest et en dépit du fait que les historiens de la musique considèrent ces lettres comme la preuve de l'étendue et de la richesse de la vision du monde de Bartók. 8 L'hommage rendu à Murillo ne nous apporte pas davantage un élément nouveau. Quand on pense, par contre, qu'un historien des beaux-arts 9 s'est permis, tout récemment encore, d'affirmer, dans les colonnes d'une de nos revues, que Bartók ne s'y entendait pas en matière de beaux-arts, ou, tout au moins, qu'il ne s'y intéressait pas, la connaissance de ces lettres permettra de lui opposer une certaine réserve, bien que l'auteur s'y réfère à un artiste contemporain et excellent connaisseur tie Bartók. Nos réserves pourraient, on outre, s'étayer de la splendide collection de céramiques du maître, conservée actuellement aux Archives Bartók de Budapest et dont chaque pièce ferait honneur à un musée. La collection fut certes réunie par Bartók folkloriste, mais n'y fallait-il pas un goût sûr et un intérêt intense ? Signalons enfin que les mêmes Archives Bartók conservent ses magnifiques collections d'entomologie, de minéralogie et de botanique, dont le matériel a été classé par lui avec une méthode impeccable au point de vue scientifique et avec un goût extraordinaire, à celui de la présentation. Pourquoi ne pas admettre, dans ces conditions, qu'il fût capable de s'assimiler, à sa manière, les trésors d'art qu'il avait vus, alors que l'étude des origines du premier portrait qui le représente apporte déjà des éléments propres à nous convaincre qu'il n'a jamais été indifférent à l'égard des monuments d'art qu'il lui a été donné de contempler. Mais revenons-en au portrait, pour reprendre notre analyse. Le visage ne présente aucun élément caractérologique susceptible de se rattacher à l'op. 3, ou à des compositions antérieures. Le vêtement mérite d'être considéré attentivement. Le jeune Bartók y porte un nœud papillon