Korner Éva - Gellért Andor szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 5. szám (Budapest, 1965)
BÉLA BARTÓK VU PAR LES BEAUX-ARTS Figure admirable de la musique du 20 e siècle, Béla Bartók a inspiré tant de tableaux, de dessins, de gravures, de statues, de reliefs, de plaquettes, qui manifestent à leur tour tant d'intentions et de talents artistiques divers que leur inventaire et leur analyse doivent passionner tous les admirateurs du génial musicien. La tâche e3t d'ailleurs hautement importante et de pressante actualité, car il y a, dans le nombre, des ouvrages dont le lieu de conservation est inconnu, aussi bien des historiens dos beaux-arts que par ceux de la musique. Notre étude se proposa d'englober, dans toute la mesure du possible, toutes les représentations de Bartók, y compris les plus humbles, ainsi que toute information qui s'y rattache, pour peu qu'elle soit susceptible de présenter quelque intérêt au point de vue de la biographie du maître. Il va de soi qu'au moment d'entreprendre notre travail, nous sommes dans l'obligation, dans nombre do cas, de mettre à contribution la documentation jusqu'à présent réunie par les biographes de Bartók, afin de mieux définir la situation historique de ces représentations et de vérifier les constatations établies par les historiens d'art. En dehors de problèmes artistiques proprement dits, nous serons donc appelés à nous poser des questions concernant soit la nature des attaches entre Bartók et l'artiste, soit es que la représentation étudiée en révèle, soit encore co que lo reste de l'œuvre de l'artiste en a exprimé. Bref, il s'agira aussi de savoir dans quelle mesure les représentations picturales et graphiques qu'il a inspirées expriment, au-delà d'une ressemblance censée exister entre le modèle et le portrait, l'âme de sa musique. On ne sera donc pas surpris de nous voir traiter de représentations de Bartók n'ayant qu'une ressemblance très lointaine — et encore ! — avec leur modèle, mais investies, de par leur style, d'un intérêt puissant, voire d'une fascination qu'elles doivent à leur affinité avec l'esprit de la musique de Bartók. Les considérations qui précèdent sont loin de tendre à affirmer que les représentations d'un caractère plus abstrait sont d'un intérêt plus grand que celles qui reflètent fidèlement l'aspect extérieur de leur modèle; évoquant, plus haut, certains problèmes artistiques proprement dits, nous avons voulu, au contraire, insister, par là-même, sur le problème de la ressemblance de l'aspect extérieur. Nous avons voulu souligner que les unes et les autres auront droit à un intérêt égal. Nous tenons pourtant à marquer que notre attitude n'est pas celle de ceux qui, soit par le passé, soit actuellement encore, s'en tiennent au critère exclusif si l'ouvrage a été fait ou non sur le vif, autrement dit s'il est ou non verifiable à la faveur des portraits photographiques de Bartók. Le premier des ouvrages de ce genre, catalogués par l'histoire des beaux-arts, vit le jour en 1904, à Vienne. Son auteur fut le peintre et artiste décorateur István Vedrődy— Vogyeráczky (Fig. 49.). 1 János Jajczay 2 est le premier, dans notre littérature récente,1 à citer et l'auteur et l'ouvrage, qu'il juge très intéressant et fort révélateur quant au caractère et à l'esprit de Bartók. Au lieu de nous attarder ici à la psychologie du portrait, nous nous bornerons à constater que ce dernier rend avec fidélité la jeunesse et l'énergie de Bartók, âgé alors de 23 ans. Il présente par ailleurs plusieurs particularités remarquables, à commencer par le fait qu'il a été approuvé par Bartok lui-même. Le maître écrivit, en effet, dans le coin gaucho supérieur du portrait, les quatre premières mesures do sa première Suite pour Orchestre op. 3, suivies de son nom, du lieu et de la date. L'indication «op. 3» se rencontre aussi sur un portrait plus récent do Bartók, où elle a été portée non par le maître, mais par l'auteur du portrait. En ce qui concerne l'appréciation do ce dernier, l'on ne saurait, certes, faire abstraction du caractère et du style de l'op. 3; nous tenons pourtant à étudier d'abord la date et le lieu indiqués de la main de Bartók. Jajczay écrit, en effet, à ce sujet que Bartok porta cette indication sur la toile en 1905, de retour des Concours Rubinstein de Paris, «sûr de lui-même, conscient et énergique», blessé, en quelque sorte, dans son amour-propre. Coinmo il s'agit d'indications écrites par Bartók lui-même, nous nous sommes fait un devoir de vérifier le bien-fondé des commentaires ajoutés par les historiens d'art. Commençons par le lieu et la date précisés par Vedrődy. En 1904, année de la naissance de ce portrait, Bartók entretenait des rapports étroits avec la vie musicale de Vienne. La Sonate pour Violon de sa jeunesse avait été présentée en février 1904 par le violoniste viennois Rudolf Fitzner; au mois de novembre de la même année, son Quatuor à cordes avec piano fut joué par le Quatuor Prill . L'accompagnement, ou, plus exactement, la partie de piano, était exécuté par Bartók lui-même. 4 En 1904 encore, il composa son opus 1, intitulé Rhapsodie pour piano et orchestre. Il s'en servit pour concourir au Prix Rubinstein, dont les récitals eurent lieu à Paris, en 1905. Bartók prit part aussi bien au concours de compositeurs qu'à celui réservé aux pianistes. Ce dernier fut adjugé à Backhaus; les