Korner Éva - Gellért Andor szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 5. szám (Budapest, 1965)

Parmi les études qui datent de la fin des années 1910, on trouve beaucoup d'autoportraits. Outre la représentation des traits physiognomoniques — exigence dominant encore à l'époque — ce sont les souvenirs atroces d'une jeunesse de misère qui marquent ces autoportraits. Derkovits sait déjà rendre les traits les plus caractéristiques, quoique la pose du peintre se regardant dans le miroir manque encore de souplesse. Un apprenti menuisier voulant devenir peintre à tout prix apparaît sur ces dessins. De 1918 à 1921, à côté d'une nouvelle série de portraits dessinés au crayon et à l'encre de Chine, nous trouvons aussi des eaux-fortes et des huiles. L'artiste qui connaît bien désormais les finesses techniques de l'art graphique, a encore des difficultés dans les toiles, et lutte contre les réminiscences. Dans cette période ce sont avant tout les coloris de Károly Kernstok qui l'influencent, mais précisé­ment dans ses autoportraits, il tente d'imiter la pose des couleurs de Van Gogh, son idéal. 2 Parmi ses autoportraits, au point de vue du contenu, le plus simple est celui au chapeau, daté de 1920, fait au crayon et en cuivre. Le visage creusé dans lequel des yeux noirs et tristes jettent leur lumière, se détache sur un fond sombre. La géométrie rigide de la figure est atténuée par le chapeau, un chapeau mou, au bord abaissé, celui de l'hom­me pauvre 3 (Fig. 20.). Derkovits, tel que l'eau-forte nous le présente, est l'homme portant son fardeau de tous les jours, l'homme connaissant le chômage et la pauvreté. L'autoportrait de 1921 en eau-forte est conçu d'une façon toute différente 4 (Fig. 18.). La tête énergique, d'un modèle plastique, révèle un homme conscient, réfléchi: un artiste éclairé, averti, sûr de son importance, l'homme dont les contemporains diront que malgré ses études rudimentaires, il s'intéressait aux domaines les plus lointains do la civilisa­tion, assistait à des conférences sociologiques, littéraires, s'occupait de problèmes politiques et musicaux, et faisait preuve d'un jugement surprenant si, rarement, il exprimait ses pensées par la parole dans des cercles d'amis. C'est ce Derkovits quo présente l'eau-forte. Et quelque chose de plus. Il est intéressant d'observer que les lignes partant des quatre coins du fond et convergeant vers le centre du visage, deviennent de plus en plus nettes, puis elles s'effacent entièrement, de sorte qu'un halo encercle la tête, détail qui, outre la représentation consciente, fait allusion à l'acceptation d'un rôle pour ainsi dire cultuel. De ces années datent encore deux autoportraits du même genre. L'autoportrait solennel à la barbe 5 (Fig. 19.) vu de front, évoque la représentation ancienne du Christ amène, tandis que l'autoportrait en eau-forte à la mitre d'évêque 6 se revêt avec une brutalité presque offensive des signes d'iconographie religieuse. L'artiste se représente en costume ecclésiastique, les mains jointes; le visage reflète une forte concentration, les yeux fixes, les doigts serrés convulsivement témoignent d'une forte tension intérieure. Le large faisceau de lumière atteint le champ du tableau au-dessus de la figure, en éclairant la mitre à la faucille et au marteau qu'encadre l'étoile à cinq pointes. Derkovits se représente dans le rôle du prophète do la lutte menée pour la société nouvelle?. A cette époque ce n'est pas seulement lui qui donne dans l'expression de ses rapports personnels avec le socialisme une interprétation religieuse à ce dernier. En raison de la forte tradition des formes de conscience religieuse, on peut observer des analogies curieuses avec les formes d'expression des monvements religieux. Dans l'art, nous constatons souvent qu'un contenu nouveau s'exprime par des images qui remontent au moyen âge. Pour ne mentionner que ceux qui sont les plus proches de Derko­vits, pensons au Sermon sur la Montagne de Bertalan Pór, ou au carton de l'Humanité (daté de 1919) de Béla Uitz, rappelant au point de vue du thème et de la composition les représentations du Jugement dernier. Où Derkovits a-t-il pu prendre ce mode d'expression symbolique '! Récemment encore la critique 7 parlait de l'influence de l'école Kernstok, en traitant l'eau-forte en question avec les paysages de Derkovits datant de la même époque. A notre avis, Derkovits a pu emprunter l'idée d'un tel rôle aux artistes activistes, dont les manifestations dans la presse 8 ne lui avaient point échappé, quoiqu'il n'eût de relations personnelles avec aucun d'eux. Parmi les artistes activistes c'est surtout Béla Uitz et — dans ses œuvres figuratives des années 1920 — János Kmetty qui soulignent l'attitude presque prophétique du peintre.

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