dr. D. Fehér Zsuzsa - Pásztói Margil szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 1. szám (Budapest, 1959)
représentent la bourgeoisie avec une ironie mordante. La valeur artistique du premier réside surtout dans la création frappante de types, la richesse des nuances Fondées sur le contraste du noir et du gris, le beau rythme des taches réparties et son caractère monumental, l'effet de fresque qui en résulte, et tout cela sur un tableau mesurant 29 cm x (32 . Le « Marchand de Poissons » est Tune des pièces les plus remarquables parmi les compositions satiriques. (Nous en parlerons également en analysant les dernières acquisitions.) Par leur thème, on peut rattacher encore à ces oeuvres la « Dame » 2C (Fig. 28.) et « l'Homme au Téléphone» 27 (M. B. —A. 1950), peints en 1931. Dans ces tableaux, Derkovits fait, pour ainsi dire, le portrait de la classe bourgeoise même. Le premier tableau mérite surtout une attention particulière. La « dame » à la lorgnette est une figure authentique des calés, une expression si fidèle de son type qu'il ne lui manque que la parole. Pourtant, la représentation n'est pas naturaliste. La volonté d'économie de dire le plus possible avec le minimum de moyen et la sûreté de style sauvent Derkovits de tomber dans le naturalisme. La dame au sourire affecté, les taches rougoâtre et ocre de ses cheveux et ocre jaune de son buste et, au second plan, la silhouette blanche et noire de « Monsieur » plastronnant, fumant son cigare, composent une unité d'image et de pensée parfaite. Le dessin léger n'est accentué, très peu, que là où les caractères extérieurs ou intimes demandent à être soulignés. C'est un réalisme d'un genre nouveau, un réalisme moderne, le développement résolu de ce que Goya avait commencé et que les réalistes critiques du XIX e siècle ont porté à un haut degré. Dans la peinture, c'est la même texture de réalisme que Van Gogh et Toulouse-Lautrec ont enrichie de couleurs vives et dont le fil plus beau a été abandonné par Picasso, vers 1905 et repris de nouveau maintes fois, depuis par, lui-même. En 1930 et en 1931, Derkovits exécute toute une série de tableaux et de dessins qui reflètent la tension sociale aiguë de l'époque. Notre collection n'a pas en sa possession que peu de ces pièces et elle a besoin d'être complétée. 28 Elle détient pourtant une oeuvre capitale sortie de la grande manifestation ouvrière du 1 er Septembre 1930 à laquelle Derkovits a aussi pris part. La toile, d'un grand effet dramatique est intitulée « Pour le Pain» 29 (G. M. B. 1948) (Fig. 27.) Elle est l'une de ses peintures les plus dynamiques et les plus expressives. On la mentionne quelquefois sous le nom de la «Terreur» aussi. Elle est également infiniment sobre. Son sujet pourrait être annoncé par un témoin oculaire imaginaire parlant d'une voix étranglée par la douleur : « Le gendarme l'a abattu à coup de crosse ... il est tombé par terre . . . son sang s'est répandu sur le sol . . . sur la crosse et sur un morceau de pain qu'il a laissé échappé de la main. . . après, le gendarme a mis l'arme au pied ..." En effet, sur le tableau, en haut et à droite, on voit une paire» de bottes coupées un peu au-dessus de la cheville, entre les bottes une crosse, à côté d'elles, à gauche, dans le coin, un ouvrier tué, on aperçoit à peine sa poitrine découverte ; la tête, avec la bouche ouverte s'appuie sur la terre boueuse, le sang s'écoule sur la crosse et un morceau de pain qu'on a laissé tomber. L'ensemble des couleurs gris-blanchâtre du tableau donne la sensation de la brume de l'hiver glacial (d suggère la, désolation de la vie humaine au temps où la terreur régnait en maître. Les taches sombres des deux bottes et la crosse évoquent le pouvoir oppresseur et vindicatif. Sur le tableau il n'y a que deux couleurs chaudes : le sang vermeil et le pain aux reflets d'or. La vision stupéfiante ne prêche pas la résignation mais elle excite à la révolte ; elle est une accusation contre le pouvoir de la bourgeoisie, sonne l'alarme et appelle les prolétaires au combat. Pour montrer que cela fut bien la pensée de Derkovits, on peut citer la note poétique écrite par lui probablement en 1932. :i " L'écriture en est cahotante, heurtée, elle n'a rien de la légèreté qui caractérise les coups do pinceau de Derkovits, mais les paroles écrites dans ces caractères cassés, rappelant la motte de terre brisée, résument sa pensée avec la même clarté, et d'une manière tout aussi concise, que le font les couleurs et les 26. Gyula Derkovits (1894-1934) : La voie est libre. 1929. Derkovits Gyula (1S94-1934): Szabat] az út. 1929.