A Veszprém Megyei Múzeumok Közleményei 10. (Veszprém, 1971)
Nagy László: A veszprémi tobakok
3 a) S'ils avaient un grenier bien aéré, les «tobak» pouvaient travailler toute l'année. Autrement, leur activité dépendait de l'époque de l'abattement des bêtes. On abattait — comme en Transylvanie — les brebis et les moutons après la tondaison, de juin à octobre, et les agneaux de mars à la fin mai. Mais le «tobak» pauvre ne pouvait vaquer à son métier qu'au cas où il a fait l'acquisition d'une somme d'argent ou s'il avait l'occasion d'acheter des peaux vertes aux conditions avantageuses, à crédit dans la plupart des cas. b) Ils commençaient la mégisserie — comme les tanneurs en général — par le trempage. Les peaux crues, séchées — celles enlevées selon la méthode utriforme après avoir été éventreés — étaient liées par dizaines ou douzaines à un pieu et trempées dans dans l'eau du ruisseau Séd. Après le trempage, elles étaient mises les unes sur les autres. Il est probable que — comme en Transylvanie — pendant le trempage on les a retirées, plusieurs fois pour les nettoyer des bribes de viande avec le racloir sur le tronc. Il est possible que plus tard — surtout ceux qui habitaient loin du ruisseau — aient procédé au trempage dans des cuves. Même ils pouvaient préférer cette méthode au trempage dans l'eau du ruisseau, puisque dans les cuves la température de l'eau était réglable, donc la méthode pouvait être plus efficace et moins dangereuse. Au commencement les maîtres préparaient eux-mêmes leurs racloirs tranchants, couteaux sourds, ou grattoirs, en ajustant de vieilles faux. D'abord ils avaient un seul outil universel, utilisé au planage aussi bien qu'un délainage, tout au moins on l'affilait si c'était nécessaire. (Fig. 11.) La différenciation de ces outils commence avec la production de couteaux en acier. Le torsoir avait deux partie: le tronc et ses pieds disposés en X. L'ensemble de ces deux parties s'appelait torsoir. La matière et la forme du tronc ont également changé au cours des siècles. Le type le plus ancien était le tronc rond (Fig. 12, 24). De cette forme a évolué le tronc scié en deux dans le sens de sa longueur (Fig. 13), et après la forme encore plus légère, où le demi-tronc était creusé. (Fig. 14). Le type le plus récent — apparu à l'époque de l'industrie usinière — est construit de planches courbées vers le dehors, ajustées et fixées par trois plattes par en dessous, et couvertes de fer-blanc lisse. (Fig. 15). c) Après le trempage, aussi les «tobak» débourraient les peaux avec plainage. Pour que la chaux n'endommage pas la laine facile à vendre, ils enduisaient de chaux le côté chair, puis pliaient les peaux en double, le côté laineux en dehors et en faisaient des tas. Quand l'activité de la chaux a eu son effet, on poussait la fine laine de mérinos sur le torsoir avec une faux émoussée, et on arrachait la longue laine de ratzkas sur une planche appuyée contre le mur. Les peaux ainsi mettoyées de laine ont été mises dans des tonneaux enfoncés dans le sol pour qu'elles soient exposées encore une fois à l'effet du lait de chaux, puis on les épurait de la chaux, dans des tonneaux troués, immergés dans le ruisseau Séd. Après on nettoiyait de nouveau leur côté chair, on planait le côté laineux avec une faux limée, en enlevant les poils et la crasse, puis on relavait encore les peaux soit dans le ruisseau, soit dans une cuve. Comme les tanneurs en général — les «tobak» aussi mettaient sans doute les peaux tondues ou au pelage sans valeur directement aux tonneaux dans du lait de chaux ayant servi, donc plus fort, et ils les en retiraient plusierus fois, pour pouvoir remuer la chaux tassée. Pour ce procédé — que l'auteur décrit avec tous les détails, d'après ses expériences en Transylvanie — on se sert outre le brassoir, d'une barre de levage c),a), d) de serrage, de pinces et de tennailles. Il est possible que les «tobak» pauvres de Veszprém aient exécuté tout suels et aux mains nues, ce travail qui demande trois personnes. Ils protégeaient les mains contre la chaux par la couche de jusée collée aux mains. Ces peaux au pelage sans valeur, tout comme celles de la meilleure qualité, après avoir été nettoyées de poils et raclées, ont été remises au lait de chaux des tonneaux, puis après épurage dans l'eau de ruisseau ou des cuves, on les raclait de nouveau, on les planait et lavait. Il est probable qu'au cours des temps les «tobak» de Veszprém ont utilisé de différentes matières et des plaineries différentes pour plainer. Probablement ils n'employaient plus la charrée simple. Mais ils mêlaient, sans aucun doute, au lait de chaux de la cendre passée au crible. Plus tard, sous l'influence du tannage chimique, on mettait à la chaux, pour la rendre plus forte, de «l'aurum» (une sorte de combinaisons sulfurées). On peut supposer qu'au commencement la plamerie n'était qu'un trou, creusé dans la terre (Fig. 18—19), plus tard on enfonçait un tonneau, garni peut-être, comme en Transylvanie de nos jours, de «coussins», sur lesquels les peaux étaient jetées. (Fig. 20—21.) Ces plameries — installées généralement à découvert — ont été remplacées, aussi à Veszprém, par les cuves en béton des ateliers, où l'on mettait des planches pour y étendre les peaux. d) Pour épurer la peau complètement de la chaux, pour empêcher sa malfaisance et pour assouplir le cuir gonflé et endurci par la chaux, il faut le tanner. Les «tobak» pour préparer leur jusée utilisaient l'excrément de chien. Généralement c'étaient les apprentis qui ramassaient l'excrément dans des seaux en bois, à l'aide d'une pincette (préparée d'une frette recourbée) (Fig. 24—26). Ceux qui avaient honte de ce travail mettaient des noix ou des fleurs dans leur seau, audessus des excréments, et dissimulaient la pincette sous leur tablier. Jadis les apprentis n'en avaient point honte, même les compagnons ayant mis le tablier jaune aux bandes vertes allaient en ramasser, mais on en achetait aux enfants, aux bohémiennes aussi. L'excrément ramassé, après être séché, a été broyé, puis mouillé dans l'eau; après l'avoir fait lever, on y a mis les peaux pour une nuit. On appréciait surtout l'excrément blanc, car l'acide phosphoreux qui s'en dégageait, dissolvait mieux la chaux, rendait la peau plus souple. Il est très probable qu'avant le trempage — tout comme les corroyeurs et maroquiniers de Transylvanie, mais surtout ceux de Bulgarie — les «tobak» de Veszprém pour que la jusée s'imbibe mieux dans les peaux, les ont pietinéesdans les cuves. Il est possible qu'ils aient fait tourner — coudrer — les peaux, en les remuant avec une planche à coudrer. Mais ce procédé n'était caractéristique ni aux «tobak» ni aux maroquiniers ou corroyeurs. (Fig. 41—42). Il fallait donner grande attention à la préparation de la jusée. Si elle était trop condensée, elle pouvait brûler les peaux, tout comme le lait de chaux trop épais. D'autre part, si la manipulation n'était pas égale et suffisante, des taches restaient sur les peaux après le traitement. Il n'y a pas trace de ce que les «tobak» de Veszprém aient employé — auprès de l'excrément canin — d'autres ingrédients (sons, figure, miel, raisin) pour préparer leur jusée. e) Comme aux 18 e et 19 e siècle les maroquiniers et corroyeurs presque partout les «tobak» de Veszprém utilisaient le cotin pour tanner leurs cuirs. Évidemment, eux aussi savaient par expérience que le cotin est le meilleur des plantes tannantes, puisqu'il ne colore pas le cuir, et en permet ainsi la teinture claire, sans souillures. Des différentes espèces, c'est le Rhus continus L. qu'ils utilisaient, car c'est la seule espèce qui croît en Hongrie, et l'on en trouve en abondance dans le Bakony et à la contrée du Balaton, autour de Veszprém (Fig. 27—30). Le Rhus coriaria L. ne pouvait leur parvenir que par l'intermédiaire du commerce (Fig. 31). Puisqu'ils ne devaient par aller loin pour cueillir du cotin, — il poussait dans le voisinage immédiat de la ville aussi — s'ils se contentaient d'une petite quantité, ils allaient eux-mêmes, avec quelques confrères et journaliers cueillir les branches feuilles, ou les feuilles seules. Les maîtres aisés ont loué quelquelfois plusieurs milliers d'arpents de forêts aux grands propriétaires, et ils «moissonnaient», «vendangeaient» avec 70—80 journaliers. Les branches feuillées étaient séchées comme le foin, fanées, puis mises en meule, après on les laissait broyer en faisant piétiner des chevaux dessus, ou en les battant au fléau, en en triant les branches inutilisables. Après on mettait la matière des feuilles broyées en balles pour la transporter à leurs ateliers. Mais ces entreprises, vu les salaires journaliers élevés, coûtaient un somme considérable, et à cause des averses fréquentes en été (on cueillait de juin à septembre) il y avait beaucoup de risque. D'autre part les grands propriétaires ne 235