A Veszprém Megyei Múzeumok Közleményei 10. (Veszprém, 1971)
Nagy László: A veszprémi tobakok
laissaient pas volontiers entrer ces vendangeurs de cotin dans leurs forêts, puisque ceux-ci y faisaient beaucoup de dégâts en bois, en gibier, et n'apportaient pour ainsi dire aucun profit. Plus tard, au début du 19 e siècle, le cotin aussi est devenu article de commerce, objet de spéculations. Son prix augmentait rapidement. Les villageois aussi s'occupaient déjà de sa cueillette. Les marchands — et aussi les «tobak» — achetaient le cotin vert aux villageois. Ils fanaient, séchaient les branches à leurs greniers, et ils utilisaient une machine à pédale spéciale — d'ailleurs utilisée un peu partout — pour broyer et décortiquer les grains. Les apprentis et compagnons doués exécutaient une véritable «danse de tobak» sur cette machine, sans se servir d'une barre pour s'accrocher ou d'un bâton pour se soutenir. (Fig. 34—36.) Les «tobak» de Veszprém ne préparaient leur jusée de cotin ni en le faisant cuire, ni en l'ébouillantant. On mettait le cotin dans l'eau chaude, puis on semait du cotin aussi sur les peaux. Pendant le long travail du tannage, il passait une quantité suffisante de la matière tannante de la poudre de cotin dans l'eau chaude. Le tannage commençait par le foulage. On mettait de la jusée de cotin dans l'auge de foulage, puis on y mettait les peaux et, s'accrochant à une barre, on les foulait nus pieds. D'après les représentations des monuments de la corporation des „tobak» de Veszprém et de Székesfehérvár, nous pouvons reconstruire des formes différentes de l'auge c'est-à-dire plusieurs procédés du foulage. Pour cette opération on utilisait des demi-tonneaux, mis sur madriers, mais aussi des auges, creusées dans un tronc. Pour se retenin on fixait une barre à des pieux enfoncés dans la terre, ou à l'auge-même, ou bien aux branches de deux arbres, ou on se retenait en s'aggrippant à même les branches. Le foulage se faisait en général en plein air. On peut supposer que les maîtres aisés, surtout en hiver, foulaient dans la cuve en béton de l'atelier. (Fig. 37—40, 67.) Le foulage a duré 4, même 5 heures. Après, pour que le tannage, la conservation de la peaux soit encore plus efficace, et que la jusée perce et traverse mieux les pores de la peau, on employait le «tannage en sac». On cousait les bords de chaque peau foulée avec du raphia, puis après les avoir remplies de jusée de cotin par l'ouverture laissée sur la partie des pattes, puis ces ouvertures recousues, on mettait les peaux dans l'auge dite «de remplissage» où elles étaient pressurées sous une planche lestée de pierres ou de briques jusqu'à ce que la jusée ne soit passée à travers la peau. (Fig. 44—51.) On répétait plusieurs fois ce pressurage. Après, en défaisant la couture (Fig. 52), on lavait les peaux au ruisseau Séd (Fig. 53). A la base de ses expériences personnelles en Transylvanie, l'auteur donne la description détaillée du «tannage en sac»; pour cette opération on utilisait des auges en bois oblongues et rectangulaires à Veszprém aussi. Conformément aux dimensions de l'auge on y mettait deux ou plusierus peaux à la fois. f) Le chamoisage, consécutif au tannage, dernière phase de la technologie «tobak» aussi, était une opération très simple et de courte durée, si c'était du maroquin non teint, pour doublure que l'on préparait. Pour que le cuir tanné se défroisse et devienne souple, on le travaillait sur métier avec la «béquille». (Fig. 54—55.) On peut supposer —quoique nous n'en ayons aucune preuve — que l'on employait à ce travail aussi la machine à glacer, fixée à la solive de l'atelier. Les «tobak» de Veszprém teignaient leurs cuirs de Cordoue et maroquin en noir, en rouge ou en jaune. La charte de la corporation prescrivait la préparation de tels cuirs comme oeuvre maîtresse, avant l'admission du compagnon à la corporation. Malheureusement, nous ne disposons pas de données concernant leurs matières colorantes, ni à leur procédé de teindre les cuirs. Il est pourtant très probable qu'ils consacraient beaucoup de soins à ce travail, et ils connaissaient sans doute les matières colorantes les plus répandues et les plus faciles à trouver qu'employaient tous les maroquiniers et corroyeurs de l'époque. Pour teindre en noir, ils utilisaient sans doute du fer rouillé, avec coction de croûte de pain; la coction de pomme sauvage (Malus silvestris) et d'herbe à cent goûts (Artemisia vulgaris) teignaient en rouge, et celle de nerprun vert (Rhamus infectoria, auct. Rh. tinctoria W. et K;) et d'anthémis (Anthémis tinctoria) en jaune. Puisque dans leurs documents l'aun n'est nulle part mentionné comme leur matière tannante, il faut supposer qu'ils ajoutaient à leurs matières colorantes de l'acide gallique ou de la coction de cotin pour rendre plus forts le rouge et le jaune. Ils employaient certainement tous les deux procédés bien répandus de la coloration, celui qui se fait avec la brosse, et l'autre où on trempe le cuir à plusieurs reprises dans la matière colorante. Mais ils pouvaient appliquer aussi la méthode «de sac» où l'on faisait suinter la liquide colorante à travers le cuir cousu en forme de sac, comme à la procédure du tannage «au sac». Mais cette fois-ci, on ne pressurait pas les «sacs», on les roulait seulement ça et là dans les auges. Conformément à l'état du cuir, durci et ratatiné après la teinture, on l'applatissait, retirait avec une queurce (en pierre ou en verre) ou avec une étire en métal (fer, cuivre) sur une table ou tablette (Fig. 66), on lui rendait sa souplesse avec la «pantoufle» dont la semelle était en liège, ou avec la paumelle (Fig. 56). Puis c'était le tour de l'opération la plus importante de la mégisserie : le glaçage. C'est le glaçage qui renforçait les couleurs vives des cuirs, leur prêtait de chaud éclat. Au commencement le glaçage se faisait sur le chevalet de glaçage avec un petit bâton en bois dur: on étalait le cuir sur le chevalet, une boule de fer accroché à son bord tombant, en le serrant avec le genou au chevalet. Quand on a fini le glaçage de la partie qui couvrait le chevalet, on relâchait la pression du genou et le poids de la boule faisait glisser le cuir. Et l'on continuait ce procédé jusqu'à ce que le cuir ne fût glacé tout entier. Quand on n'y travaillait pas, la boule était accrochée à un bout du chevalet. A Veszprém le glaçage appelait «brossage», (en Bulgarie: frottage), le chevalet était «cheval de brossage» (en Bulgarie: âne de frottage), le petit bâton s'appelait «bois de brossage», et le poids que l'on accrochait était «la boule de brossage». Les outils de brossage figurent souvent sur les monuments des corporations des «tobak» de Veszprém et de Székesfehérvár. Vu leur grande importance, l'auteur les décrit et les présente minutieusement en donnant leurs analogies hongroises et étrangères. (Fig. 57—61.) Le chevalet de glaçage, fut remplacé par la «machine de glaçage» fixée à la solive, attachée au plafond de l'atelier et montée d'un cylindre de verre que l'on pouvait pousser d'avant en arrière et d'arrière en avant. (Fig. 62—63.) Sur l'essentiel, c'est selon le même principle que fonctionnait la première machine de galaçage à la vapeur. (Fig. 64.) Puisqu'au cours du glaçage les grains du cuir s'applatissaient, on le faisait passer de nouveau à la «pantoufle» et à la paumelle. La mégisserie finissait par cette opération. g) La technologie du maroquinage et celle de la fabrication du cuir de Cordoue ne montraient nulle part grande différence, ainsi à Veszprém, s'il y avait différence, celle-ci était due à la qualité des peaux crues (épaisseur, état tondu ou en laine), à la destination du cuir (empeigne, doublure teinte ou sans teinture), à l'équipement technique de l'atelier, aux possibilités financières du maître et aux matières premières disponibles. Ce sont ces mêmes conditions qui déterminaient la renommée et le rang international de certains pays, régions, même de certains ateliers ou maîtres. Leur position sociale, que nous connaîtrons dans la deuxième partie de l'étude, explique pourquoi les «tobak» de Veszprém ne figuraient pas parmi les corroyeurs et maroquiniers remarquables, mondialement reconnus. 4. Le métier des «tobak» était d'origine osmanli, tout comme la maroquinerie et la corroierie en Europe aux 18 e et 19 э siècles, fait dont témoignent leurs technologies. Mais tandis qu'en Europe ce sont des espions industriels qui font connaître ces technologies, les Hongrois — surtout sur le territoire de l'obéissance ottomane — les apprennent directement des Turcs y installés, ou des artisans d'origine balkanique, travaillant à la turque. A Veszprém, selon la tradition orale, un captif turc, qui a failli mourir pendu, a appris aux habitants le métier de «tobak». 236