H. Bathó Edit – Kertész Róbert – Tolnay Gábor – Vadász István szerk.: Tisicum - A Jász-Nagykun-Szolnok Megyei Múzeumok Évkönyve 12. (2001)
Rainer Babel: Comment documenter la politique de protection francaise á l'époque moderne: une reflexion
Alors, soyons heureux de pouvoir au moins recourir aux travaux de nos érudits du XVIIIe siècle qui ont balisé la route et n'oublions pas que leurs recueils sont en tout cas le résultat d'un travail fastidieux. Pourtant, ces mêmes recueils sont loin d'être complets et quiconque base ses recherches en la matière sur des archives, aura le plaisir authentique de l'historien qui trouve des traités peu ou pas du tout connus et dont les textes ne sont, par conséquent, pas accessibles dans les recueils existants et qui ne sont ni mentionnés ni résumés dans des inventaires tels que le „Vertrags-Ploetz". Dans ces cas, il est vrai, qu'il ne s'agit pas de traités „de première importance" sur le plan général, mais on conviendra que l'importance d'une source pour l'historien est fonction de son sujet; alors qu'un traité „moins important" peut toujours prendre une importance capitale dans un certain contexte. Reprenons la question d'une documentation/édition à la lumière de cette situation: on ne dispose que d'éditions incomplètes et insuffisantes des traités conclus entre les souverains européens à l'époque moderne, surtout pour l'époque qui s'étend jusqu'à 1648. Pour l'époque qui va de 1648 à la fin de l'Ancien Régime, les choses se présentent certainement mieux grâce aux „Consolidated Treaty Series", déjà mentionnées, mais ici aussi, on est loin de toute perfection. Laissons donc nos idées vagabonder un peu: Les historiens des relations internationales n'ont-ils pas intérêt à réfléchir à une grande entreprise de publication de ces textes fondamentaux que sont les traités, entreprise comprenant si possible tous les traités et accords conclus entre les souverains de la chrétienté depuis l'aube des temps modernes au moins jusqu'à 1648 et peut-çtre même au-delà, accompagnée d'un appareil critique et de commentaires scientifiques? Si la réponse est affirmative, il est évident que cela dépasserait largement les capacités d'un chercheur isolé et ne pourrait être conçu et mené à bien que comme projet de collaboration internationale entre des hommes et des institutions. Dans une telle entreprise, on devrait certainement penser à plusieurs séries qui seraient consacrées à la documentation des relations bilatérales telles que - à titre d'exemple - la France et l'Empire (en distinguant bien sûr l'Empereur et les Princes de l'Empire), la France et les principautés italiennes, l'Angleterre etc. Des séries consacrées aux traités d'envergure multilatérale seraient également les bienvenues. Si on concevait un tel projet, la tâche légitime de l'Institut Historique Allemand en France consisterait indubitablement d'abord à publier des traités concernant la France, l'Empereur et les états de l'Empire. Il s'agirait de reprendre ce qui a déjà été publié, de contrôler et de compléter ces textes par tous les exemplaires des textes conservés dans les archives. De plus, il s'agirait de saisir tout ce qui n'a jamais fait l'objet d'une publication. Du côté français, on aurait l'avantage considérable de disposer de fonds de copies comme la collection de Brienne au Département des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale. Nous devons cette collection à un grand robin du XVIIe siècle, Antoine de Loménie, sieur de La Ville-aux-Clercs, secrétaire d'état sous Henri IV et Louis XIII, qui a fait copier des milliers de pièces parmi les papiers d'Etat conservés au trésor des chartes. Dans cet ensemble, destiné à l'instruction du fils de Loménie, le futur comte de Brienne, on trouve des recueils de traités précieux englobant plus au moins la totalité de ce que les rois de France avaient conclu avec les autres souverains de l'Europe entre 1500 et 1630. Au moins pour le XVIe et pour les premières décennies du XVIIe siècle les textes de la collection de Brienne, copiés d'après les originaux du trésor des chartes, pourraient donc servir de première base à la présentation des textes ainsi que de fil directeur inestimable pour le contrôle de la totalité du corpus. Mais ne nous y trompons pas: Même une mine de renseignements comme la collection de Brienne ne couvre qu'une certaine période et ne réduirait que partiellement les difficultés d'une entreprise qui viserait à une édition ou réédition des traités à l'échelle européenne. Vu l'envergure de la tâche, vu les capacités de travail de beaucoup de chercheurs qui seraient absorbés et ainsi détournés d'autres tâches, vu tous les problèmes d'organisation et de financement, les risques auxquels cette entreprise serait exposée à chaque minute, on peut se demander à juste titre si une telle édition „idéale" correspondrait à l'investissement énorme qui serait nécessaire sur le plan du travail humain et des capitaux financiers. Poursuivons donc notre interrogation dans une direction différente. Pourrait-on donc faire autrement, choisir un autre type de publication des traités, qui nécessiterait peut-être moins d'infrastructure, qui serait plus adapté aux possibilités d'un chercheur seul? On peut certainement penser à établir des éditions partielles, traitant d'une seule relation bilatérale ou d'une période bien choisie et définie pour documenter, à l'aide des traités et conventions, certaines phases et les problèmes des relations internationales de l'époque moderne. Mais dans ce vaste domaine, que constituent les relations internationales, ne serait-ce pas aussi un but légitime que de présenter un certain type de source en se laissant guider par une idée directrice définie d'avance, par exemple celle de la protection? C'est peut-être ainsi, en documentant avec cohésion un problème singulier, qu'on arrivera à ouvrir des perspectives nouvelles pour l'étude des relations internationales à l'époque moderne. Ces relations ne se laissent pas réduire à la seule action diplomatique ou politique proprement dite qui reste pourtant un élément important - mais doivent également çtre analysées dans des perspectives différentes en tenant compte des problèmes de mentalité, d'idéologie, de perception mutuelle des partenaires d'action: Il s'agit de saisir tout un processus de décision dans ses multiples aspects. Comment donc concevoir un projet d'édition pour qu'il tienne compte de tout cela et pour qu'il jette les bonnes bases pour de futures recherches sur la protection? Dans notre monographie, nous n'avons pas l'intention de franchir l'époque du cardinal de Richelieu. Mais il est clair que la protection en tant que fait des relations internationales à l'époque moderne - même si elle doit d'abord être étudiée dans des cadres bien limités et cohérents - n'est pas un phénomène qui disparaîtrait avec la mort du Cardinal. Des états créent des relations de protection entre eux durant toute l'époque moderne: le fait qu'encore Emer de Vattel consacre quelques pages de ses „Droits des gens", parus autour de 1750, à ce phénomène en témoigne suffisamment. Si nous nous bornons en plus dans notre monographie à la protection octroyée par les rois de France - donc à un phénomène de la seule politique extérieure française - cela ne veut pas dire qu'il n'existait pas de relations de protection ailleurs. Serait-il donc possible de penser à une édition des traités de protection aussi complète que possible, et sur le plan chronologique, et sur le plan géographique dans le but d'encourager des recherches plus poussées et plus exhaustives à l'avenir? A première vue, c'est certainement une idée attirante. Une édition de ce type permettrait d'abord de considérer le problème de la protection sur un plan élargi permettant la comparaison des relations de protection, et dans l'espace et dans le temps. Réunir des traités de protection établis durant la période du XVe au XVIIIe siècle devrait ainsi aider à mieux comprendre les mutations des rôles du protecteur 360