Az Eszterházy Károly Tanárképző Főiskola Tudományos Közleményei. 2003. Sectio Romanica. (Acta Academiae Paedagogicae Agriensis : Nova series ; Tom. 30)

TEGYEY GABRIELLA: « Anne , scripteur des Mandarins ». Les registres de l'oeuvre beauvoirienne

24 Tegyey Gabriella Jumelages De nos analyses il résulte que les confl.its des deux personnages centraux apparaissent comme une double crise intellectuelle et vitale : pour Henri, il est question de concilier l'art et Taction, pour Anne, il s'agit de choisir entre la vie et la mort. II s'ensuit qu'Anne répéte, sur le registre vital, les dilemmes d'Henri : une fois de plus, l'adoption de l'alternance des formes narratives se trouve justifiée. Quoique Les Mandarins — écrit fonciérement limpide — ne propose pas de rupture radicale avec le récit traditionnel, Beauvoir y recourt ä un certain nombre de techniques neuves et novatrices. L'une de ses particularités réside dans l'heureux jumelage du public et du privé : en effet, sans le récit d'Anne, le roman n'offrirait rien d'autre qu'un « document » et vice-versa ; privée des tournoiements du texte hétérodiégétique, l'histoire de l'héroine resterait une aventure banale. A la premiere « voix » — celle d'Henri 3 1 —, surgie dans le chapitre I, répond la voix d'Anne dans la partié finale, les deux affirmant le triomphe de la vie. 3 2 Entre le début et la fin, tout un parcours se dessine, durant lequel les personnages ne cessent pas d'hésiter entre le refus et l'acceptation de leur situation. Le journal d'Anne fait ressortir toutes sortes d'imitations, de reprises, d'échos et de développements par rapport au récit ä la troisiéme personne — la répétition, fondement des Mandarins, reléve done, nous l'avons montré, du pouvoir d'Anne, seripteur du roman. Cependant, ce procédé est loin d'etre une simple technique : grace ä la répétition, le narrateur réussit ä montrer la mouvance inexplicable de l'existence humaine, sa variété, ses enjeux, ses doutes, voire sa « vérité » : ainsi compris, le livre de Simone de Beauvoir, n'offre-t-il pas, tout comp te fait, « quelque chose comme l'art de la fugue » ? 3 3 31 Le terme de « voix » n'est pas pris ici dans son acception narratologique, étant donné qu'Henri ne devient, ä aucun moment, narrateur ; il renvoie au röle de protagoniste que remplit, le personnage. La situation est tout autre dans le cas d'Anne : narratrice et héroíne, eile est effectivement dotée du pouvoir de la parole. 3 2 Mérne si seul un espoir incertain peut jaillir a la fin : « [Anne] Qui sait ? peut-étre un jour serai-je de nouveau heureuse. Qui sait ? » (II, 501). 3 3 Dans une de ses conférences, Beauvoir semble affirmer ce fait : « Si j'écris un roman je peux trés bien soutenir ces deux thémes [la joie de vivre et le sens du tragique] ä la fois, comme on soutient plusieurs thémes ä la fois dans une Symphonie, dans une sonate, en contrepoint, en les mélant et en les faisant exister ensemble et en appuyant Tun sur l'autre. C'est par exemple ce que j'ai essayé de faire dans Les Mandarins ». Voir Mon experience d'écrivain (conférence donnée au Japon), in Francis-Gontier, op. cit., 444.

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