Szilágyi András (szerk.): Ars Decorativa 16. (Budapest, 1997)
MIKLÓS PÁL HETVENÉVES
PÁL MIKLÓS A SOIXANTE-DIX ANS Qu'est-ce qui transforme une institution en atelier intellectuel au caractère particulier, quel est le plus qui confère à un lieu de travail, pour reprendre les mots de l'écrivain László Németh, «l'atmosphère d'un laboratoire plutôt que celle d'une galère»? Comme il n'est guère possible de donner une réponse catégorique à ces questions, nous nous efforcerons donc d'en éclairer l'essence par un exemple particulier. Le Musée des Arts Décoratifs de Budapest compte, dans sa collection de livres artistiques, un somptueux exemplaire d'un volume richement illustré des poèmes de John Keats, publié en 1897. Il s'agit de l'une de ces précieuses oeuvres d'art qui "requièrent", ou même "exigent", de par la qualité et la finesse de leur reliure, qu'on les prenne en main et les feuillette de temps à autre. Ce livre rappelle probablement automatiquement à la mémoire de ceux qui ont répondu à son invitation l'article, intitulé La fiancée de la quiétude (=Ars Decorativa 6.1979, pp. 5-10) et écrit par Pál Miklós au sujet de l'Ode à un vase grec; l'essai qui pose une question cardinale pour tous les muséologues: «Est-il possible de "donner la parole" à une oeuvre d'art ou faire parler un objet décoratif créé à une époque plus ou moins reculée, et si oui, comment?» Cette question semble être intemporelle. Elle fut déjà formulée au temps de Jakob Burckhardt, et tout porte à croire qu'elle occupera encore les générations à venir. Elle a déjà donné naissance à nombre de réponses issues d'approches extrêmement diverses fondées sur des bases théoriques impressionnantes, ou de réponses convainquantes par leur éloquence, comme celle fournie par l'article de Pál Miklós mentionné plus haut. D'autres réponses encore ont été formulées dans la langue de la "muséologie appliquée", sous forme d'expositions à l'organisation inventive basée sur une conception bien définie et une mûre réflexion, comme celles réalisées - toute partialité exclue - au Musée des Arts Décoratifs ainsi que dans les institutions s'y rattachant (comme par exemple le Musée Ferenc Hopp) entre 1975 et 1985, à l'époque où Pál Miklós en était le directeur. Il serait fastidieux et probablement inutile de faire une liste de toutes ces expositions; nous nous contenterons de faire remarquer que leur composition, harmonieuse sur différents plans, a permis aux objets exposés de "se trouver", de briser leur silence intrinsèque en "prenant parole" dans une langue - la leur et celle de leur époque - grâce à l'ordre dans lequel ils étaient arrangés. Le mérite de cette heureuse alchimie revient en grande partie, conditions et circonstances externes mises à part, au rôle déterminant et instigateur joué par le directeur. En effet, celui-ci remplissait sa fonction à la tête de l'institution du point de vue administratif aussi bien que pratique: pour lui, une direction et une animation assidue du travail muséologique impliquant une conception claire de l'objectif à accomplir, ainsi que, lorsque cela s'avère nécessaire, une prise de position bien définie dans les questions théoriques et pratiques («quelles sont les informations intéressant les visiteurs?», «quelle est la for-