Folia Theologica 2. (1991)
Brunó Tarmay: Le raisonnement par calcul et la "reditio completa"
82 B. TARNAY qu’un autre domaine, dont les éléments doivent être vrais, mais ne sont pas dérivables dans le système déjà constitué. La méthode de diagonale permet, en outre, de caractériser deux possibilités diverses. A savoir, celle de la construction des calculs et des machines, d’une part, et celle de la pensée humaine totale, de l’autre. Toutes les deux se développent indéfiniment et progressent de plus en plus. On se représente parfois ces deux lignes du progrès infini, par une métaphore étrange, comme une compétition, une concurrence entre deux rivaux: l’homme et la machine.3 Pourtant, l’application de la méthode de diagonale exclue la correspondance biunivoque des deux séries. Tandis que les systèmes formels ou calculs de plus en plus vastes ne sortent jamais du domaine du dénombrable, le terrain de la pensée en générale s’égalise, au contraire, a une puissance plus grande, malgré l’alternance apparemment ininterrompue des deux séries. 2. Un autre point de vue qui mérite une considération plus poussée, c’est que les procédés démonstratifs nous présentent les limites de la formalisation en excluant l’autoréfléxivité, précisément. Ils mettent au point par ex. un énoncé, affirmant sa propre fausseté, — Gödel fais correspondre des propriétés arithmétiques a certains prédicats métathéoriques, pour montrer l’indécidabilité d’une expression qui se pose comme indérivable dans le système, — la machine universelle combinée, décrite par Turing, refuse de fonctionner, si elle reçoit la préscription de déterminer une propriété essentielle de son propre „nombre de Gödel”. On sent la tentation d’inférer immédiatement que la différence entre le raisonnement aveugle et l’intelligence réside dans cette autoréflexion. Mais au lieu d’une telle précipitation on doit préciser les faits. Ce qui est impossible dans l’ordre objectif du raisonnement, ne peut pas être possible non plus par l’intellect, capable de réfléchir sur soi-même, — de même qu’une propriété arithmétique non-calculable ne peut jamais être déterminée par la pensée humaine calculante. La grandeur de l’humain ne consiste pas en des efforts de faire l’impossible, et la supériorité de la réflexion ne se fait pas par des ruses. 3 Voir A. M. TURING, Computing Machinery and Intelligence. In Mind 49 [1950]—Keith GUNDERSON, The Imitation Game.