Folia Theologica et Canonica 11. 33/25 (2022)
Sacra theologia
38 CYRIL PASQUIER jusqu’á la condamnation définitive du Diable au jugement demier et l’entrée définitive dans 1’étemité. L’Antéchrist semble étre ainsi une expression particuliére du mal, celle qui se manifeste durant une eschatologie intermédiaire, distincte á la fois de Veschatologie initiée á partir de l’Incamation et de Veschatologie accomplie avec le jugement demier et Pentrée dans l’étemité. L’Antéchrist se distingue du mal vaincu par le Christ lors de sa premiere venue. Et il est aussi distinct du mal qui sera définitivement condamné au jugement demier. Et en mérne temps, il y a bien continuité et non opposition entre ces differentes expressions du mal. Le mal que Eon rencontre des aujourd’hui, en ce temps de l’Eglise, et depuis la vie terrestre de Jésus, correspond bien aux signes avant-coureurs de l’Antéchrist. Il est déjá de nature antichristique. Et la condamnation du Diable au jour du jugement ne sera que l’application définitive d’un décret étemel qui aura déjá été largement réalisé, accompli dans l’histoire, par la défaite de l’Antéchrist au moment de la parousie du Christ. Les séparations ou frontiéres entre ces trois temps de 1’« économie du mal » ne sont done pas strictes, absolues. II y a unité dans la distinction. L’Antéchrist tient a la fois de ce mai déjá vaincu par l’Incamation, ou en train de Létre, et de ce mai destiné á étre définitivement condamné au jugement demier. Mais il garde son caractére propre de figure historique qui surviendra á la fin du temps. En définitive, Irénée semble nous apprendre qu’une dimension importante de l’Antéchrist est inhérente á l’histoire. On ne peut pás l’évacuer en disant que ce n’est que le mai en général, qu’il sóit d’hier, d’aujourd’hui ou de demain. Saint Augustin a eu du mal ä reconnaitre cette dimension historique de l’Antéchrist. Il n’a pas pleinement reconnu ä l’Antéchrist sa position intermédiaire entre le mal vaincu ä l’Incamation et célúi qui est condamné au jugement demier. Pour l’évéque d’Hippone, l’Antéchrist est avant tout dans le coeur de chacun, maintenant40. Si tu aimes tes péchés et te complais en eux, tu t’opposes au Christ. Que tu sois dedans, que tu sois dehors [de l’Église], tu es un antichrist41. Que chacun examine sa conscience : s’il est ami du monde, qu’il change et se fasse ami du Christ, pour ne pas étre un antichrist42. 40 Badilita, C. (dir.), L’Antichrist, 26 : « Le schisme extérieur n’est qu’un effet secondaire de ce schisme originel, qui se produit á l’intérieur de nous-mémes. Avec Augustin, on peut dire que l’angoisse générée par la présence de cet antichrist “portable”, intériorisé, devient consubstantielle á l’ame occidentale ». Approche universaliste d’Augustin influencée par Tyconius : « Ubique antichristi sunt ». Cf. Daley, B. E., The Hope of the Early Church : A Handbook of Patristic Eschatology, Grand Rapids 2010. 129. 41 Augustin d’Hippone, InEpist. Iohan. Ill 9 (SC 75. 204-205). 42 Augustin d’Hippone, InEpist. Iohan. Ill 10 (SC 75. 204-205).