Folia Theologica et Canonica 11. 33/25 (2022)
Sacra theologia
24 CYRIL PASQUIER que fait le Christ d’aprés le Ps 90 et Irénée ? II marche sur le péché et la mórt, il foule aux pieds PAntéchrist et le dragon. Nous avons done quatre animaux, quatre expressions du mal, et deux actions du Christ qui sont synthétisées par deux verbes : evacuaretur et conculcaretur qui renvoient eux-mémes de maniére symétrique aux deux verbes du Ps 90 : ambulabis et conculcabis. Adelin Rousseau, dans la traduction des Sources chrétiennes que nous employons ci-dessus, introduit une troisiéme action ä partir de « et enfin que (...)». Le fait de her le dragon serait une action indépendante de celle de fouler aux pieds PAntéchrist. Le latin, qui est la source la plus habié en l’absence du grec original, emploie deux participes présents pour décrire cette action, adligans et subiciens. II y a done la une certaine incertitude, voulue peut-étre par Irénée lui-méme. Y a-t-il une seule action sur rAntéchrist et le serpent, tout comme il n’y en a qu’une sur la mort et le péché, dans la perspective d’un parallélisme strict ? Dans ce cas, le fait de lier le serpent et de le soumettre au pouvoir de 1’homme est dépendant de Paction fondamentale de piétiner PAntéchrist. Une traduction de Keble au XIXe siécle va dans ce sens8. L’avantage de cette solution est que le parallélisme entre le Ps 90, 4 et le propos d’Irénée est respecté. Ou bien, autre hypothése, il existe une troisiéme action - indépendante - sur un serpent qui est distinet de PAntéchrist. Et c’est ainsi l’idée sous-jacente á la traduction de Rousseau. Ce dernier est persuadé que le traducteur latin, ou un copiste, a fait une erreur en employant des participes et qu’á Porigine, en grec, il y avait un verbe conjugué au mérne temps que evacuaretur et conculcaretur9. Nous aurions alors une troisiéme action, indépendante des deux premiéres. L’étude qui va suivre essaiera de répondre á cette incertitude : deux ou trois actions dans la bitte contre le mai ? Une demiére remarque avant de passer á Interpretation. Pour la premiére action, evacuaretur, les animaux du Psaume - l’aspic et le basilic - sont liés á des concepts : le péché et la mort. Tandis que pour la seconde action, conculcaretur, les animaux du Psaume - le bon et le dragon - sont en relation á ce qui semble étre d’autres creatures, des individus : PAntéchrist et le serpent. Ainsi PAntéchrist páráit étre plus du cöté d’une creature que de célúi d’une notion, d’un concept universel et collectif. L’Antéchrist n’est peut-étre pás Péquivalent du mal en général. Cette observation a priori sera ä conhrmer. 8 Irénée de Lyon, Five books of S. Irenaeus bishop of Lyons, With the fragments that remains from his other works (ed. Keble, J.), Oxford 1872. 301 : « He should in the last times tread down the Lion who should leap upon the race of Man, i.e., Antichrist: both binding the Dragon, that old Serpent, and putting him under the power of man, who had been conquered, so as to trample on all his might» [C’est nous qui soulignons], 9 Rousseau, A., SC 210. 385-386, apropos de SC 211. 465, note 2.