Folia Canonica 11. (2008)

STUDIES - Emmanuel Tawil: Eglise catholique, Saint-Siege et Etat de la Cité du Vatican: une, deux ou trois personnes juridiques de droit international?

128 EMMANUEL TAWIL « dans leurs relations avec l’Eglise, les Etats n’ont jamais imaginé qu’ils créaient [...] un droit différent de celui qui régit les rapports internationaux »19. Selon une autre approche, qui semble être la plus conforme à l’état du droit international, la personnalité juridique du Saint-Siège, détenteur de la sou­veraineté spirituelle, est reconnue dans l’ordre juridique international sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur les critères de l’Etat20. C’est ainsi que la personna­lité juridique du Saint-Siège est généralement admise par les internationalistes21. Cette analyse trouve essentiellement son origine dans le fait qu’ « il est aisé de constater que, de 1870 à 1929, le Siège apostolique a continué à jouir pleine­ment de prérogatives qui relèvent du droit international : droit actif et passif de légation, statut diplomatique des représentants pontificaux, médiations interna­tionales et sentences arbitrales, signatures de concordats qualifiés de traités in­ternationaux et supposant donc deux contractants sujets souverains du droit in­ternational, réceptions officielles de chefs d’Etat de différentes confessions, etc., autant d’indices démontrant que c’était l’Eglise qui était concernée et non pas un ancien Etat »22. Dès lors, il paraît évident que la personnalité internationale du Saint-Siège est indépendante de l’existence d’un Etat. En cas de disparition de l’Etat de la Cité du Vatican, le Saint-Siège conserverait la personnalité ju­ridique de droit international23. Parce qu’il est ainsi « sujet pleno jure s24, le Saint-Siège peut exercer toutes prérogatives d’un Etat, notamment le droit de légation active et passive. Comme tout sujet de droit international, il « devient destinataire des règles communes coutumières de même que des règles conven­tionnelles »25. Certains auteurs fondent la reconnaissance d’une personnalité internationale sur la qualité de société parfaite de l’Eglise catholique. Une telle analyse con­fond l’ecclésiologie du droit public ecclésiastique et le droit international. En effet, si le Saint-Siège bénéficie de la personnalité juridique internationale, c’est nécessairement en vertu du droit international public. Mais, comme l’Eglise ne 19 Cherchi, cit., 195. 20 H. Donnedieu de Vabres, La souveraineté du Pape et la séparation des églises et de l’Etat, Paris 1914, 339-368. 21 Voir, récemment, ROUXEL, cit., 37; M.-P. LANFRANCHI, L’accord fondamental du 30 décembre 1993 signé entre le Saint-Siège et Israël, in Annuaire Français de Droit International 40 (1994), 328—329; Ch. Dominicé, L’accord de siège conclu par le Comité International de la Croix-Rouge avec la Suisse, in Revue générale de droit international public 1995/1, 16. 22 d’Onorio, cit., 17-18. Giovanni Maria Cherchi souligne également que «tout au long de la période de la question romaine, [...], l’histoire des rapports du Saint-Siège et des Etats nous prou­ve qu’il n’a jamais cessé d’intervenir dans la vie juridique internationale, par là il a continué à béné­ficier de la reconnaissance au moins implicite de la part des membres de la Communauté interna­tionale»; Cherchi, cit., 38). 23 d’Onorio, cit., 3 ; Rouxel, cit., 37; J. Joblin, Paul VI et les institutions internationales, in Actes du Colloque de l’Ecole française de Rome de 1984 (collection de l’Ecole française de Rome n. 72), Paris/Roma 1984, 538. 24 G. Barberini, Le Saint-Siège, Sujet souverain de droit international (Droit canonique), Paris 2003, 68. 25 Ibid.

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