Folia Canonica 9. (2006)

STUDIES - Georges Ruyssen: Les positions des Eglies/Communautés ecclésiales en matiere de communicatio in sacris dans l'eucharistie

46 GEORGES RUYSSEN l’Eglise. Cette dimension ecclésiale de l’eucharistie fait que, pour nous, la com­munion eucharistique est normalement le signe de la communion ecclésiale. Po­ser ce signe là où n’existe pas cette communion,... c’est poser un signe trompeur. Ce n’est pas de cette manière que nous pourrons progresser vers l’unité.118 En ce sens la communion eucharistique est le point d’arrivée ou le sommet de la pleine unité visible entre les chrétiens, non un “viatique” en cours de route vers cette unité (plus ou moins lointaine). “L’intercommunion entre chrétiens séparés n’est pas la réponse à l’appel du Christ pour l’unité parfaite... (C’est 1’) unité dans la foi qui est la condition pour participer à l’eucharistie.”"9 D’ailleurs déjà lors du Concile, le Décret sur l’œcuménisme, avant même de poser les principes de la c.i.s., avertit dans une phrase prohibitive, qu’ “il n’est pas permis de considérer la communicatio in sacris comme un moyen à em­ployer sans discernement pour rétablir l’unité des chrétiens”. (UR n° 8)120 Mais encore, est-ce que la formulation paraît suggérer a contrario qu’un usage “dis­cerné” de la c.i.s. pourrait constituer un moyen légitime pour parvenir à l’unité des chrétiens?121 Théologiquement l’eucharistie présuppose et manifeste l’unité '18 Jean Paul II, “Les liens de l’Eglise locale avec l’Eglise universelle, Discours du Pape Jean Paul II aux Evêques suisses en visite ad limina (6 mars 1987)”, DC 84 ( 1987) 553-554. 119 Jean Paul II, “Allocution du Pape Jean Paul II aux Evêques des Etats-Unis en visite ad limina (5 octobre 1979)”, DC 16 (1979) 929. 120 “Attamen communicationem in sacris considerare non licet velut medium indiscretim adhibendum ad Christianorum unitatem restaurandam.” (UR n° 8) Indiscretim signifie “sans discernement” ou encore “sans faire les distinctions nécessaires”. Ce discernement s’impose sur le plan de l’intelligence théorique, comme sur le plan de l’agir pratique. 121 En effet, immédiatement après le premier Directoire œcuménique de 1967, certains au­teurs étaient d’avis qu’une intercélébration et une intercommunion seraient des moyens utiles, afin de promouvoir et de parvenir à l’unité visible de l’Eglise. Cf. J.L. Witte, “The Basis of Intercommunion”, Gregorianum 51(1970) 107-108; I. Gordon, “De communicatione in sa­cris sub luce Concilii Vaticani II”, Periodica 57 (1968) 460. Du point du vue historique, il est intéressant de noter que dans des cas exceptionnels, pour restaurer l’unité rompue, des papes, tels Grégoire IX en 1233, puis son successeur, Innocent IV, avaient permis aux Franciscains et aux Dominicains, envoyés auprès des orthodoxes d’Orient, de pratiquer la c.i.s. Cf. A. Coquart, “Communicatio in sacris et restauration de l’unité”, L'Année Canonique 15 (1971), 147-148. Plus récemment certains auteurs, tels que Ilona Riedel-Spangenberger, dé­veloppent ce qu’on appelle une approche ecclésiogénétique de la c.i.s. A côté d’une approche individuelle de la personne qui demande la c.i.s. et d’une approche confessionnelle honorant la consistance ecclésiologique de l’Eglise ou de la Communauté ecclésiale séparées, notam­ment sous l’angle des éléments ecclésiaux que celles-ci possèdent et, dès lors, de leur degré de communion graduelle avec l’Eglise catholique, se profilerait une troisième approche ecclé­siogénétique du partage sacramentel qui mettrait en œuvre avec discernement une pratique de c.i.s. “pour rétablir l’unité des chrétiens” (UR no 8). Cf. I. Riedel-Spangenberger, “C.i.s..: Zur kordiádon zwischen geistlicher und kirchlicher Gemeinschaft in ökumenischen und rechtsgeschichtlichen Bezügen”, in B.J. Hiberatii - D. SATTLER (Hrsg.) Vorgeschmak: öku­menischen Bemühungen um die Eucharistie, Mayence 1995, 482-500 et A. BORRAS, “L’Eglise catholique et la communicatio in sacris appliquée à l’eucharistie”, Irenikon 72 (1999) 371-375.

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