Folia Canonica 5. (2002)

STUDIES - Dominique Le Tourneau: Le caractere personnel et territorial de la potestas des Patriarches Orientaux

86 DOMINIQUE LE TOURNEAU 1. L’avance du droit canonique oriental sur le droit canonique latin en matière de juridiction personnelle En matière de juridiction personnelle,1 les Églises d’Orient ont une bonne longueur d’avance sur l’Église de rite latin. Cette dernière a, certes, reconnu que le territoire n’est pas un élément constitutif d’un diocèse2 et s’est engagée peu à peu, au cours duXXe siècle, sur la voie de la reconnaissance des juridictions per­sonnelles, avec les Ordinariats aux armées,3 puis les Ordinariats pour les catholi­ques de rite oriental,4 les diocèses personnels, et enfin les prélatures personnel­les,5 figure juridique qui n’a été appliquée, pour le moment, qu’à la prélature de l’Opus Dei.6 Mais l’Église de rite latin semble craindre la pluralité de juridiction sur le même territoire, alors même qu’elle dispose d’instruments juridiques ap­propriés pour éviter les conflits de compétence, telle lajuridiction cumulative7 à laquelle il a été recouru pour les Ordinariats aux armées et pour certains Ordina­riats des orientaux. En revanche, l’Orient a vu rapidement fleurir lajuridiction personnelle. À vrai dire, dans un premier temps, avant de pouvoir bien s’organiser, l’Église ne connaît que cette juridiction. C’est avec l’institution du chorépiscopat, au Illème s., que lajuridiction de l’évêque va peu à peu prendre un caractère territorial. Ce­pendant, en Orient, l’évolution s’accomplit plutôt dans le sens d’une personnali­sation de lajuridiction. En premier lieu, les croisades et les conquêtes territoria­les qu’elles entraînent aboutissent à créer des juridictions latines, ce qui produit un dédoublement hiérarchique sur un même territoire.8 Curieusement, cette évo­lution est aussi indirectement le résultat des hérésies et des schismes qui ont se­1 Nous employons de façon équivalente les termes «juridiction» et «potestas» ou «potes- tas regiminis'», ces deux derniers étant davantage usuels en droit canonique oriental. 2 Voir A. VlANA, Territorialidady personalidad en la organizáción eclesiástica. El caso de los ordinariatos militares, Pampelune 1992; Id., Derecho Canonico territorial. Historia y doctrina del territorio diocesano, Pamplona 2002. 3 Voir D. Le Tourneau, La juridiction cumulative de l'Ordinariat aux Armées, dans Revue de Droit Canonique 37 (1987) 171-214; Id., La nouvelle organisation de l’Ordinariat aux Armées, dans Studia Canonica 21 (1987) 37-66 (et la bibliographie). Voir D. LE TOURNEAU, Le soin pastoral des catholiques orientaux en dehors de leur Eglise de droit propre. Le cas de l’ordinariat français, in Ius Ecclesiae 13 (2001) 461-474. ' Voir G. Lo Castro, Les Prélatures personnelles. Aperçus juridiques, trad, de l’italien par D. Le Tourneau et J.-P. Schouppe, Beauvechain 1993; A. de Fuenmayor, Escritos sobre prelaturas personales, Pampelune 1990; D. Le Tournf.au, Les prélatures personnelles dans la pastorale de Vatican II, dans L’Année Canonique 28 (1984) 197-219. 6 Voir A. de Fuenmayor- V. Gômez-Iglesias - J. L. Illanes, L’Itinéraire juridique de l’Opus Dei. Histoire et défense d’un charisme, trad, de l’espagnol parD. Le Tourneau et J.-P. Schouppe, Paris 1992; D. Le Tourneau, L ’Opus Dei, Paris 1998 (et la bibliographie). 7 Voir C. Soler, Jurisdicción cumulativa, dans Ius Canonicum 28 (1988) 131-180.

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