Radocsay Dénes - Gerevich Lászlóné szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 32-33. (Budapest, 1969)
POGÁNY-BALÁS, EDIT: Une aquarelle de Pinelli récemment acquise
les illustrations de l'Enéide 16 qui se sont répandues aussi hors d'Italie et ont exercé une grande influence sur l'évolution de toute la peinture européenne de l'époque. Eugène Delacroix, dans son Journal, écrit avec enthousiasme des eaux-fortes de Pinelli. 17 C'est en 1824 qu'il les a vues chez son ami, le peintre Comairas, et il en était tellement impressionné qu'il les emprunta pour les étudier d'une manière plus approfondie. En confrontant la «Liberté sur les Barricades» de Delacroix avec les illustrations de l'Enéide de Pinelli, on est frappé de voir l'effet que ces gravures ont produit sur l'art de Delacroix, et en comparant l'attitude de quelques figures de Pinelli à celles de la «Liberté» et du «Gavroche» de la «Barricade», on observe des solutions analogues très intéressantes des mouvements opposés et identiques. C'est sur les 20 e et 26 e feuilles de l'album de Pinelli contenant les illustrations de l'Enéide, qu'on retrouve le modèle qui dut aider Delacroix à développer les figures de son célèbre tableau. Sur la 20 e feuille (fig. 104) illustrant un détail du VII e Chant de l'Enéide la figure féminine centrale, bien qu'elle soit représentée dans le sens contraire, avance de la même façon que la «Liberté» : les bras tendus et nue jusqu'à la taille, dans sa main droite levée le torche et levant la main gauche, elle conduit, la tête tournée à gauche, le groupe de femmes possédées des Furies. La femme marchant près d'elle tenant également d'un bras la torche levée et dans l'autre main le javelot monté sur une verge, sert de modèle à la «Liberté» qui des ses deux mains tient haut levés l'étendard et le fusil à la baïonnette. Sur la 20 e feuille de l'Enéide la Furie apparaît également sous une forme dynamique, en tant que modèle du petit «Gavroche» (fig. 103). Son bras levé continue en une torche flamboyante. Avec sa bouche ouverte, ses boucles enroulées comme des serpents, son manteau rejeté à travers l'épaule, elle ressemble à «Gavroche» qui, de ses deux mains tendues lève les deux pistolets dans deux directions. Sa bouche noire ouverte, sa large écharpe, le rythme de son geste et la passion qui pénètre toute sa figure évoquent la Furie de l'eau-forte de Pinelli (fig. 103). 18 Selon la littérature d'art Delacroix a développé la figure de la «Liberté» dans son allégorie intitulée «La Grèce sur les ruines de Missolounghi» (fig. 101), toutefois, la beauté fragile de la figure de la «Grèce» dut subir bien de modifications pour devenir la personnification robuste et monumentale de la «Liberté», comme aussi le geste impuissant des bras retombants pour devenir le geste des mains agitant l'étendard et branlant le fusil. On constate en général de la figure allégorique s'élevant, au milieu, de la fumée de la poudre, qu'elle est la fille du peuple, une plébéienne au profil classique (fig. 105). 19 La figure de la parisienne majestueuse et héroïque 20 est le mieux caractérisée par la description souvent citée du poète allemand Heine qui la considère comme un 16 L'Enéide di Virgilio tradotta da Clémente Bondi, inventata ed incisa all'aequa forte di Bartolomeo Pinelli. Roma, 181 1. 17 Journal d'Eugène Delacroix. Tome I, p. 109. Paris, 1893. — Il ressort du Journal que Delacroix s'est occupé avec enthousiasme des oeuvres de ses contemporains. Il a puisé ses motifs et impulsions partout où ceux-ci s'offraient, écrit Günther Buse h : Die Freiheit auf den Barrikaden. Stuttgart, I960, p. 12. Nous devons constater en accord avec Günther Busch, que les influences extérieures ont fortement marqué de leurs empreintes l'art de Delacroix, ce qui ne fait pas tort à son art, ni à celui d'autres artistes, s'ils les adaptent à leur propre personnalité. 18 Dans la littérature d'art cette figure est en général mentionnée comme «Gavroche», bien que le roman de Victor Hugo ait paru bien plus tard. Cf. F o c i 1 1 o n, IL: Delacroix et l'art moderne. Revue de l'Art Ancien et Moderne, 1930, p. 98. 19 E s cholie r, R. : Delacroix. Paris, 1926, p. 271. 20 L ü d e c k e, H.: Eugène Delacroix und die Pariser Julirevolution. Deutsche Akademie der Künste zu Berlin, 1965, p. 12.