Radocsay Dénes - Gerevich Lászlóné szerk.: A Szépművészeti Múzeum közleményei 21. (Budapest 1962)

GARAS, CLAIRE: Le plafond de la Banque Royale de Giovanni Antonio Pellegrini

INÍous savons fort peu sur les circonstances de la genèse du plafond en question. Apprenant la nouvelle de la mort de son beau-père Andrea Carriera, survenue en avril 1719, Pellegrini, travaillant alors dans la maison de campagne de Lord Cadogan, quitte l'Angleterre pour retourner à Venise. En route (en novembre) il rend visite à Paris au banquier Law qu'il connut déjà à Venise, et avec qui il s'arrangea pour décorer la Salle des Conseils de la Banque. John Law, d'origine écossaise, l'organi­sateur légendaire du premier grand agiotage capitaliste, fonde en 1716 — après des antécédants assez aventureux et obscures — une banque à Paris qui absorbera bien­tôt les différentes entreprises commerciales d'outre-mer. Avec les lettres patentes du roi, la banque commence son activité comme Banque Royale en 1719. La base de cette entreprise gigantesque est le système Law, fondé sur l'exploitation des colonies et particulièrement des plantations d'Amérique nouvellement installées, et promettant un profit fabuleux, et bientôt toute la France sera inondée d'actions. 8 Au milieu de la ruine économique survenue par suite du luxe démesuré, et des prépa­ratifs permanents de guerre, sous la Régence irresponsable et inconsistante, succédant au règne sévère et autocratique de Louis XIV, le vertige de la spéculation avec ses dangers encore ignorés entraîne, à partir du souverain jusqu'aux petits bourgeois modestes, pour ainsi dire toutes les couches de la société française. Law, dans la pre­mière étape d'un succès éblouissant de l'entreprise, fait tout son possible pour aug­menter le mirage par des moyens extérieurs : l'institution créée de rien et bientôt réduite en rien, transmet son siège à l'Hôtel de Xevers, rue Vivienné, autrefois Hôtel Mazarin, qu'il fait transformer pour une somme immense en un palais somptueux. Pour décorer la Salle des Conseils, il choisit Pellegrini qui, en Allemagne et en An­gleterre s'est déjà acquis une renommée et qui fut présenté au Régent et aux artistes français par l'illustre banquier et amateur d'art Pierre Crozat, l'ami de la famille Carriera. Le peintre vénitien était appelé à glorifier sur la voûte de la salle longue de 41,60 m et large de 8,60 m (27 x 130 pieds) par un appareil allégorique grandiose les bienfaits de la banque et l'essor que la France connaîtra grâce aux activités de celle-ci. La convention étant conclue, Pellegrini, se rend en hiver 1719 à Venise pour retourner en mars 1720 à Paris avec sa femme et sa belle-soeur, Rosalba Carriera pastelliste, en ces temps-là déjà fêtée par toute l'Europe. Ils demeurent à Paris un an pendant lequel Pellegrini, qui habitait dans l'édifice de la banque, termine le grand plafond. 9 Selon les comptes rendus contemporains il travaillait, comme d'habitude, très rapidement, or la fin tragique de l'entreprise de Law et du projet chimérique arrivait encore plus rapidement. Fin 1720 la faillite devint imminente et Law, pour éviter la fureur du peuple, s'enfuit à l'étranger, mais la débâcle économique ébranla la France dans ses fondations et hâta considérablement la chute du régime. Lorsque en mars 1721, Pellegrini retourne à Venise en passant par Füssen, per­sonne ne réclame plus le plafond juste achevé. La glorification du système Law dans la Salle Mississippi, non seulement qu'elle comptera pour un anachronisme, mais elle sera considérée comme une pierre de scandale, un souvenir provocant de l'affaire maudite. 11 est donc naturel qu'en transformant un an plus tard l'édifice en biblio­8 C o c h u t, : Law, son système et son époque. Paris. 9 Sur le séjour à Paris de Rosalba Carriera et le couple Pellegrini v. S e n s i e r, A. : Journal de Rosalba Carriera pendant son séjour à Paris. Paris, 1865, ainsi que Mala­m an ni, A. : Rosalba Carriera. Le Gallerie Nazionali Italiane. Roma, 1888. III, p. 27. Selon le Vénitien A. M. Zanetti (Deila pittura Veneziana e délie opère pubbliche de veneziani maestri. Venezia, 1771. p. 446) «vi lavoro per ottante mattine, e n'ebbe il valore di dieci mila ducati Veneziani correnti».

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