Hedvig Győry: Mélanges offerts a Edith Varga „Le lotus qui sort de terre” (Bulletin du Musée Hongrois des Beaux-Arts Supplément 1. Budapest, 2001)
CHRISTIAN JACQ: La conciliation des contraires comme aspect fondamental de la pensée égyptienne
La Conciliation des contraires comme aspect fondamental de la pensée égyptienne O n a souvent écrit que le dualisme était l'un des principes directeurs de la pensée égyptienne. 1 Il est aisé, certes, d'établir une liste de dualités, de dédoublements et de couples de toutes natures, mais accepter cette idée telle quelle serait, à notre avis, une erreur de perspective qui occulterait une dimension essentielle de la philosophie des anciens Égyptiens : le dépassement de la dualité par la conciliation des contraires. Si H. Frankfort parle de "la tendance profondément enracinée chez les Égyptiens à comprendre le monde en termes dualistes comme une série de couples, de contrastes en équilibre stable", il ajoute: "Les formes dualistes de la royauté égyptienne ne résultaient pas de certains accidents historiques. Elles incarnaient cette pensée spécifiquement égyptienne selon laquelle une totalité comprend des contraires". 2 Et G. Thausing, qui reconnaît l'existence d'une dualité esprit / vie, liée aux concepts d'être et de transformation, admet que cette dualité devient unité dans l'univers de la transcendance. 3 Les deux termes d'une dualité ne se présentent pas seulement comme deux pôles antagonistes et irréconciliables; bien au contraire, il s'agit de deux entités possédant leur nature propre mais qui, lors du processus de conciliation, sont transcendées l'une l'autre dans une harmonie supérieure. Les exemples sont nombreux, et le but de cet article consiste à en évoquer quelques-uns afin d'ouvrir un dossier. Commençons par le principe créateur, 1 Voir E. Otto, Die Lehre von den beiden Länden in der ägyptischen Religionsgeschichte, Studia Acgyptiaca. I, Rome 1938 = J. Sainte-Fare Garnot, Religions égyptiennes antiques. Bibliographie analytique, Paris 1952, p. 5-6; E. Otto, Dualismus, LA I, col. 1148-1150; T. Säve-Södcrbergh, LA II, 1976, col. 691-2. Pour plusieurs systèmes de pensée liés à la dualité, cf. W. Westendorf. Zweiheit, Dreiheit und Einheit in der altägyptischen Theologie, ZAS 100 ( 1974), p. 136141. Sur le problème des triades, J.G. Griffiths, Triads and Trinity, Cardiff 1996. II. Prankfort, La Royauté et les dieux. Intégration de la société à la nature dans la religion de l ancien Proche Orient, Paris 1951, p. 44. 1 G. Thausing, Die Konstitutionen der menschlichen Persönlichkeit im alten Ägypten, Kairos 3 (1961), p. 149-152. Du même auteur, voir aussi Über das dualistische Denken im alten Ägypten, WZKM 62 (1969), p. 22-29.