A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 3. szám. (MNG Budapest, 1980)

tendresse avec laquelle sainte Elisabeth tient, comme si c'était un oiseau, la main de sa parente (Fig. 6). La scène du baisemain est assez rare dans les re­présentations de la Visitation bien que notre panneau n'en soit pas l'unique exemple ; par contre l'idée de représenter sainte Elisabeth portant à sa bouche la main gauche de la Vierge, idée que le Maître MS avait empruntée à Rogier (la Déploration du Christ) et à Schongauer (la Mise au tombeau), est, à ma connaissance unique dans l'histoire des représentations de la Visi­tation. 7 Un autre geste, celui d'Elisabeth tenant la Vierge par le coude, rappelle les mains levées en signe de douleur, mais dans la scène de la Visitation il aune autre fonction : il exprime qu'Elisabeth prend part à la joie de la Vierge. Cette conception remonte également à Schongauer. Dans la gravure représentant le Christ de douleurs avec la Vierge et saint Jean (B. 69) l'Évangéliste saisit le coude du Christ de la main gauche dans l'attitude de présenter, pour ainsi dire, le Sauveur. 8 L'exemple donné par cette gravure a été suivi par Veit Stoss à cette différence près que lui, il représentait ces mouvements accomplis par deux personnages dans une même composition. Une scène de la Passion de l'autel de la Sainte Vierge à Cra­covie nous fait voir l'une des deux Maries debout sur le côté gauche, portant la main gauche à ses yeux du même geste que Marie de la gravure, tandis que de la main droite elle tient le coude de la sainte Vierge en larmes tournée vers elle. 9 Conformément à la technique du relief, le sculpteur représente les draperies et les gestes étendus dans le plan. Il semble que ces deux figures du retable provenant de Cracovie constituent une des préfigurations de la Visitation du Maître MS. En effet, il y a entre ces deux figures et les deux saintes du ta­bleau conservé à Budapest une analogie assez accusée due, malgré une certaine lourdeur de la ligne, au rythme des rondes décrites par les mains. Ce mouvement de tenir le coude qu'il avait dû connaître par la gravure de Schongauer, le Maître MS l'a utilisé aussi dans le fond du Portement de Croix d'Esztergom. Dans ce tableau, saint Jean l'Évangéliste tient le coude de la Sainte Vierge qui se tord les mains comme dans la gravure dont l'influence est attestée aussi par les traits tirés du visage de l'Évangéliste. La figure de la Sainte Vierge de la Visitation fut conçue en partie sous l'inspiration de Schongauer, en partie sous celle de Dürer. Son modèle plus ancien fut la gravure de Schongauer, Deux Vierges sages. Le plus récent, le Maître MS l'a certainement trouvé dans la fi­gure de sainte Anne telle qu'elle apparaît dans une gravure de Dürer (B. 29) : La Vierge avec l'Enfant Jésus et sainte Anne (Fig. 2). 10 La Vierge de la Visitation prend visiblement l'attitude des personnages de Schon­gauer et de Dürer que nous venons de mentionner, à cette différence près que son bras droit et, quelque peu, sa main gauche ont été modifiés. Le bras droit décrit le même mouvement que le bras de sainte Agnès du maître de Colmar (B. 62) 1 1 , par contre, les traits du visage nous font penser à la Vierge d'une gravure déjà men­tionnée : Le Christ de douleurs avec la Sainte Vierge et saint Jean l'Évangéliste (B. 69). Il est très instructif pour nous que le peintre, en s'inspirant aussi de Dürer, a pu donner de l'actualité à son modèle qu'ü avait trouvé dans l'œuvre de Schongauer. Il a dû représenter Marie plus jeune que sainte Anne ou la mère du Christ de douleurs. Par sa tête coiffée d'un voile, la Vierge res­semble à la figure de Dürer, mais son visage évoque mieux celui de la figure de Schongauer. Le rajeunissement s'est accompli dans le respect des traits du visage du per­sonnage qui apparaît dans la gravure antérieure. Grâce à son nez long légèrement arqué, ses lèvres gonflées au dessin ondé, son menton, tout son visage et malgré son attitude qui rappelle celle d'Anne de Dürer, la Vierge de la Visitation est une variante très personnelle, de style maniéré go misant, du modèle donné par Schon­gauer. Bien qu'il présente une scène idyllique, c'est le tableau du Maître MS qui rend le mieux la violence des émotions. Ce surplus de lyrisme est particulièrement souligné par le voile blanc de la Vierge : il semble s'envoler comme un pétale. 12 Ce voile flottant est un motif de composition banal dans la peinture et le dessin du gothique tardif. Mais ici l'artiste a su lui donner un caractère très personnel : stylisé d'un dessin calligraphié, revêtant la forme d'un pétale, on ne le voit tel ni chez Dürer, ni chez Schongauer, ni, non plus, dans les œuvres des contemporains au début du XVI e siècle bien qu'il fût fréquemment employé par eux. 13 Cette re­présentation en forme de pétale d'une draperie flottante de grandeur insolite par rapport à la taille du personnage est caractéristique des ouvrages, y compris les gravures, exécutés par Veit Stoss à Cracovie. 14 L'analogie la plus frappante nous la trouvons peut-être dans la scène Noli me tangere du retable de la Ste Vierge à l'église Notre­Dame de cette ville. Le voile blanc de la sainte femme y forme, pareillement à celui de la Vierge, une sorte de fleur à trois pétales dont les plis intérieurs très brisés sont bordés d'un liséré lisse. Cette stylisation de la dra­perie qui est une des caractéristiques de la manière de Veit Stoss fut poussée jusqu'à son dernier degré par le Maître MS. Dans son panneau le voile a également une bordure lisse, mais vers l'intérieur il se fronce subitement et fait l'impression d'une sorte de mousse. On ne pourrait pousser plus loin le jeu des lignes : il commence derrière la tête de la Vierge, contourne son cou, descend jusqu'à la taille passant sous le bras, puis iï monte un peu, des­cend de nouveau et fait un retour en direction du corps. 15 Il paraît avoir acquis une existence autonome,

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