A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 3. szám. (MNG Budapest, 1980)
ressemble à un phylactère sans texte, donc muet, pantomime accompagnant la scène. Il existe entre le retable de Cracovie et le panneau conservé à Budapest une similitude très frappante au point de vue de la représentation des plantes peintes autour du voile ou au-dessous de lui. Il est vrai qu'il s'agit cette fois encore de motifs et d'éléments qui, pareils au voile blanc, se retrouvent dans un grand nombre d'oeuvres. Mais ces deux compositions ont trois caractères qui ne sont communs qu'à elles. L'un consiste dans les dimensions du retable de Cracovie ; les plus grandes plantes peintes dans l'art du retable de l'époque sont celles du tableau d'autel de Cracovie 1 6 et de la Visitation. Les fleurs et les feuilles qui décorent le premier plan de cette dernière atteignent la même grandeur extraordinaire que celles du volet de l'autel de Cracovie. Elles sont représentées également dans le plan. La deuxième caractéristique commune c'est la manière de la stylisation. Les plantes qui semblent remonter aux « Kräuterbücher » suivent le principe de la représentation de la surface la plus grande, et rangées l'une à côté de l'autre sans se toucher, font l'impression d'une tapisserie. Les feuilles vertes contournées en spirale comme des flammes n'imitent en rien la nature. 1 7 Bien entendu, ces deux caractéristiques communes ne suffisent pas à prouver l'existence de rapports directs entre le retable de Cracovie et la Visitation de Budapest. Le troisième caractère qui leur est commun fait mieux preuve d'une relation étroite. C'est la manière dont furent peintes les plantes. Celles-ci paraissent presque immatérielles, leurs couleurs sont transparentes. Les formes vert clair tirant sur jaune clair et la surface peinte à effet décoratif baignent d'une lumière irisée bien insolite. La Visitation a le même premier plan de plantes vert clair phosphorescentes qui caractérise si bien certains panneaux du retable de Cracovie. Ces feuilles ou, pour mieux dire, ces idées de plantes proviennent du même herbier. Une définition plus exacte de cet herbier nous amènera à des conclusions importantes et s'impose dès maintenant comme l'objet d'une étude à part. Pour le moment, nous nous bornerons à affirmer que les plantes représentées dans La Visitation attestent l'existence de rapports très étroits avec la manière du retable de Stoss à Cracovie. LA NATIVITÉ DE HONTSZENT ANTAL La Nativité de Hontszentantal (Fig. 10) présente une composition plus traditionnelle que la Visitation. Peutêtre est-ce le panneau qui est le plus proche de Schongauer dans l'œuvre du Maître MS. La disposition des personnages, saint Joseph, la Vierge et l'Enfant, est connue à tout le monde par les Nativités de ce peintre allemand. Parmi ses œuvres qui auraient pu servir de modèles la première place revient à la Nativité qui décore l'autel de l'église saint Dominique à Colmar. Dans ce panneau aussi nous retrouvons la Vierge à genoux, les mains jointes, derrière elle saint Joseph debout avec une lampe à la main, l'Enfant et, au-dessus de lui, les animaux apparaissant l'un derrière l'autre, les bergers à gauche, dans le coin en haut et, tout en haut, trois anges aux draperies flottantes tenant à la main le rouleau déployé. Bien qu'il ne soit pas prouvé que ce retable de Colmar et précisément le panneau dont nous parlons soit sorti de la main de Schongauer lui-même, on ne pourrait pas mettre en doute sa parenté étroite avec la composition de Hontszentantal. Mais le Maître MS ne devait pas connaître nécessairement ces panneaux de Colmar conçus dans un style quelque peu provincial. Nous penchons plutôt à supposer qu'il était en possession de gravures de Schongauer qui présentaient sous une autre forme la composition postérieure de Colmar et qu'il avait aussi des dessins sortis de l'atelier de son collègue allemand. C'est un dessin appartenant à la collection de l'Université d'Erlangen (Fig. 9) qui semble avoir conservé avec la plus grande fidélité les caractéristiques de la composition originale de Schongauer, œuvre disparue qui avait certainement servi de modèle à l'auteur de la Nativité de Hontszentantal. Les principaux personnages du panneau de Hontszentantal évoquent, par leurs détails essentiels, le genre de composition propre à Schongauer, transmis par l'auteur du dessin conservé à Erlangen ou plutôt par l'original de celui-ci. L'Enfant couché sur le bout du manteau, touchant le sol, de la Vierge, le foin frais mis sous l'étoffe, la main droite de saint Joseph tendue au-dessus de la lampe, l'apparition des bergers à gauche, en haut, tous ces détails font preuve de l'adoption de la conception de Schongauer. La figure du berger aux mains jointes pour la prière, son chapeau de paille de la même forme que celui de saint Joseph sont des motifs très connus par un tableau de Schongauer : VAdoration des bergers (Berlin). Le dessin disparu a été probablement exécuté pour préparer un tableau, disparu lui aussi, du même genre que celui de Berlin. 18 Seuls les détails de l'architecture du panneau de Hontszentantal remontent à des modèles plus anciens, notamment à certains panneaux peints en Haute-Hongrie et en Pologne au milieu du siècle (Maître PN : Nativité, provenant du maître autel de Liptószentmária (Liptovská Mara) et datant de 1450 à 1460 environ. Galerie Nationale Hongroise, Budapest. — Maître du retable de la Passion des Dominicains, Múzeum Narodowe, Cracovie). Le style de l'architecture du panneau de Hontszentantal n'est peut-être dû qu'au respect d'une tendance archaîsante propre aux Nativités. De toute façon, on peut supposer sans risquer de se tromper que les dessins de Schongauer eurent une influence directe sur le peintre de notre