A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 3. szám. (MNG Budapest, 1980)
sont soit en couleur, soit dorés. Ces formes architecturales peintes sont coupées par les têtes des figures symboliques, et il y a quelques têtes qui sont légèrement tronquées par la réelle corniche de marbre qui se trouve devant. Vers le bas, les tableaux sont bordés par les arcades en marbre blanc, lesquelles, telles un relief, se détachent nettement du plan du mur ; les socles anguleux des piliers ressortent encore davantage ; enfin, les lourdes colonnes de marbre noir, avec leur décoration de bronze et d'or, avancent jusqu'à se séparer presque complètement du fond. La plastique et la réalité des arcades de marbre sont encore accentuées par leur rapport effectif avec les figures qui s'y appuient et qui donnent l'impression d'être debout derrière etc. L'illusion de profondeur spatiale est aussi accrue d'en dessous, particulièrement dans les parties entre les colonnes, par les socles, les escaliers etc. disposés les uns derrière les autres. L'effet en trompel'œil obtenu dans le voisinage des colonnes massives — mais en ce qui concerne leur couleur amincies dans leur volume grâce à leur marbrure blanche — derrière lesquelles la peinture semble se prolonger à l'infini dans le contraste de la réalité picturale et de la peinture saturée de réalité, est encore plus irritant. Le buste de bronze (peint) de l'empereur Rudolf II, lequel, du coin d'une niche sombre, fixe le visiteur, possède une vie intense et, pourrait-on dire, plus de réalité sculpturale que les colonnes qui sont à côté ; une mosaïque, une auréole derrière une tête de femme, resplendissent avec plus d'intensité sur le fond d'un tableau que le chapiteau éclatant d'or qui est devant, et ainsi de suite. De même que pour la peinture murale baroque, les limites de la réalité s'estompent. Le relief des formes plastiques de l'architecture, pompeuses en soi, est amplifié par le jeu de la peinture illusionniste. Munkácsy, comme nous l'avons déjà dit, eut dès le début une liberté absolue quant au thème ; nous ne reparlerons donc pas (comme pour le groupe Matsch—Klimt) de l'influence qu'exerce le thème prescrit sur le style du peintre. Par contre, la commande en elle-même, c'est-àdire la tâche de créer un tableau de plafond pour décorer un espace représentatif, exigeait de l'artiste un énorme sacrifice, « un changement total de style », pour citer encore une fois les paroles du peintre, d'autant plus que Munkácsy — à l'opposé d'autres artistes, dont ceux nommés plus haut — n'avait jamais eu affaire à une peinture « décorative » déterminée par l'architecture. 97 Nous avons déjà mentionné plus haut que Munkácsy avait cherché une « nouvelle manière » (dernièrement à propos du coloris et de l'éclairage) aussi en tant que réaction contre l'éclairage spatial, donc à propos d'un domaine accessoire de sa peinture ; mais ce que l'architecte exigeait du peintre était en premier lieu une confrontation avec les problèmes posés par la peinture illusionniste « baroque » et leur solution ; il est évident que, conformément à la manière de penser de l'époque historisante éclectique, il fallait pour ainsi dire que cette solution, en tant que notion de genre, soit en harmonie avec la conception du tableau de plafond, comme par exemple l'idée de « palais » dans l'architecture. L'allégorie « Le cycle de la vie », exécutée par Canon dans le Naturhistorisches Museum, de même que les esquisses de Makart pour « Le triomphe de la Lumière sur les Ténèbres », projet du tableau de plafond pour le Kunsthistorisches Museum, prouvent cette manière de voir. Indépendamment de ces projets, Munkácsy choisit lui-même le thème : dans ses premiers essais, il a, par les figures allégoriques que l'on voit sur les nuages, cherché d'une manière analogue une possibilité de rattachement aux préfigurations baroques. Sans doute Hasenauer eut-il le même but en s'inspirant, pour la conception de l'escalier, de la disposition de celui du château de Caserta, en ce qui concerne le plafond (sorte de combinaison du caisson et de la voûte) ; mais tandis que Canon et Makart virent le domaine de leurs projets limité par l'encadrement carré du caisson, Munkácsy considéra, dès le début, le problème du tableau de plafond — déjà avant ses connaissances appropriées de l'espace — dans ses relations avec l'ensemble, c'est-à-dire avec l'architecture ambiante. La position heureuse du tableau dans l'espace bien déterminé de l'édifice, à savoir l'élaboration de la structure du tableau convenant à l'espace, est, à côté du développement de la composition du thème figuratif, le but artistique essentiel des projets. L'historien de l'art est heureux de suivre — dans la riche succession des projets et esquisses qui sont restés — à travers les différentes phases du travail, le développement de l'idée, le chemin suivi et les détours, depuis les troncs de colonnes installés avec une incroyable naïveté, qui, dans les coins du caisson, soutiennent la grande ouverture vers le ciel, depuis l'idée presque méconnaissable du tout premier essai (« le tondo »), jusqu'au remarquable chefd'œuvre minutieusement élaboré, à perspective illusionniste ; le tableau de plafond finement exécuté, résultat définitif de multiples expériences, né du développement de nombreux essais, s'est enrichi de son intensive intégration dans la situation spatiale donnée, et enfin, après la recette de Pozzo, il a pris avant tout la forme artistique indépendante d'une élaboration véritablement créatrice d'inspiration baroque, mathématiquement calculée. Malgré tout son effet et toute sa précision, cette architecture en trompe-l'œil, qui est d'autant plus univoque et qui devient d'autant plus puissamment le fixateur et le répartiteur du lieu où se trouvent les parties figuratives, que l'artiste pénètre plus loin et plus profondément dans la conception proprement dite (originelle) de la structure perspective, n'empêche pourtant pas de remarquer « l'autre chose » : la conception de Munkácsy en face de la peinture architecturale baroque authentique — tout comme le caractère individuel de Hasenauer dans son style de