A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 3. szám. (MNG Budapest, 1980)

kart et le plafond de Munkácsy ; il savait si magistrale­ment établir une liaison, qu'on est en droit de croire que pour lui, le tableau de Munkácsy signifiait, outre les pos­sibilités exploitées jusque-là, un développement certain, un enrichissement véritable à l'intérieur de toute la con­ception spatiale, l'accomplissement des souhaits les plus hardis que l'architecte pouvait attendre de la peinture, comme le couronnement de l'espace. 94 Il devient beaucoup plus facile d'apprécier le dévelop­pement qui eut lieu durant ces années, développement très subtile et pourtant intense, si nous prenons en con­sidération les travaux effectués pour la décoration de la cage de l'escalier par le groupe Matsch-Klimt. Il s'agit des tableaux des champs qui se trouvent entre les arcades du premier étage et la corniche principale entre les colon­nes et dans les écoinçons d'arcade, que nous avons appe­lés champs triangulaires, et qui furent commandés le 28 février 1890 à ce groupe de peintres, mais il est probable qu'ils ne furent exécutés qu'après la mise en place du ta­bleau de plafond — qui eut lieu en septembre 1889, et après les travaux de peinture et de dorure de la partie du plafond — et ils furent exécutés à même le mur. Ils é­taient donc la dernière contribution à la décoration pic­turale de la cage de l'escalier, ce par quoi les conditions préalables étaient données afin que les couleurs des ta­bleaux s'insèrent dans le projet d'ensemble. Huit ans avant, il avait été convenu avec Makart que les quarante tableaux seraient peints sur un fond or. Comme nous l'avons déjà dit, les esquisses en couleur que Makart réalisa pour les lunettes illustrent aussi ses idées en ce qui concerne les champs triangulaires des écoinçons d'arcade. Makart proposa une décoration de grotesques sur le fond or, mais il étendit l'idée du fond d'or aux tableaux situés au-dessus de la corniche principale auxquels on attribue une plus grande valeur — la Direction des Bâtiments de­vait sans doute partager le même avis. Au cours des pro­grès des travaux, l'architecte abandonna les motifs de grotesques, pour une décoration élargissant considéra­blement le programme fixé jusque-là et enrichissant no­tablement les couleurs : à la place de ce motif apparaît une ornementation véritablement décorative représen­tant « le développement de l'art et de l'art appliqué de­puis l'antiquité jusqu'aux temps modernes » , c'est-à­dire une sorte d'histoire illustrée de la culture et des sty­les en prenant surtout en considération la sculpture et les différentes branches des arts décoratifs, afin de con­trebalancer la peinture représentée dans chacune des lunettes. 95 Cependant l'idée originelle du fond d'or con­tinue à faire sentir son effet ; les jeunes peintres, malgré la différence d'âge qui les sépare de Makart (vingt ans en chiffres ronds), ont été, depuis le début liés à la tradi­tion, et ils se sentent encore obligés de rester fidèles aux lunettes de Makart et à la conception des couleurs de Hasenauer qui considérait comme particulièrement im­portant l'ensemble des parties au-dessus et au-dessous de la corniche encadrant la cage de l'escalier, bien que, dans les champs triangulaires des écoinçons d'arcade, les figu­res ne se trouvent pas devant le fond d'or uni, comme dans les lunettes de Makart. Dans de nombreux motifs (répartition architecturale, tapisseries, rideaux etc.), les fonds, en tant qu'éléments concrets limitant l'espace, se chargent de figures objectives. Là où la surface est « do­rée » , se développe une sorte de peinture à l'or qui, grâce au brun chaud de la feuille d'or, met en relief certaines parties de ce « mur de fond » (corniches, mo­tifs d'encadrement, rubans portant une inscription, mo­saïques, étoffes, dessins ornementaux etc.) et cela s'é­tend aux parties figuratives, aux formes mêmes (vête­ments, armes, armures etc.) en attachant un intérêt par­ticulier aux objets d'art faits de métal précieux, en bref, cette peinture à l'or donne aux tableaux plus de prix. C'est dans une mesure fort différente, d'une manière étonnamment picturale, que l'or prend place sur les ta­bleaux entre les parties peintes, soit dans un feu étouffé, soit dans un flamboiement inquiet, ici dans un embrase­ment tout de clarté, là dans de larges échappées de lu­mière, tableaux dont les couleurs (à une exception près) sont limitées encore plus exclusivement que sur les lunet­tes, à la gamme jaune, brun, rouge, noir, ce qui est dia­métralement opposé à la luminosité du jour du tableau de plafond de Munkácsy. Les trois artistes qui, des années auparavant, avaient formé un groupe de travail (avec un rendement diffé­rent, mais avec une même conception) s'associèrent pour l'exécution de commandes importantes telles les tableaux du grand escalier du Burgtheater (1886-1888) ; leur style pictural, dans la corrélation donnée, d'abord dans le rap­port entre la peinture et le plan du mur (naturalisme et monumentalité), est visiblement fort différent chez cha­cun. A première vue, la série de tableaux si on la juge superficiellement, donne l'impression de modèles for­mels des possibilités fournies par l'époque. En ce qui concerne la rigueur de la construction picturale exigée par le mur, Gustav Klimt a, sans aucun doute, l'avantage sur ses compagnons: ses figures qui font bloc et dont les contours sont nettement dessinés, se conforment au plan du mur (la plupart sont de profil ou de face) et, parallèle­ment au plan du tableau, elles s'insèrent devant les fonds, dans les découpures des arcs, d'ailleurs assez compli­quées. C'est chez Gustave Klimt qu'apparaît pour la première fois dans ces œuvres là une sorte de tectonique dans la construction du tableau, qui sera essentiellement utile au développement artistique ultérieur du peintre. Il est caractéristique, dit Novotny dans son livre sur Klimt, « que ce soit la première vibration d'un mode archaïsant et rigoureux de composition décorative . . . déterminé clairement par le plan de mur donné par l'architec­ture » . 96 Ernst Klimt (qui mourut immédiatement après

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