A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 3. szám. (MNG Budapest, 1980)
tes de choses chères, avec une richesse des couleurs — ou mieux : de la couleur — qui est en soi un enchantement. 92 Ce mode de représentation pour plaire aux yeux, orienté vers tous les aspects du « beau » (qui constitue l'une des principales caractéristiques de l'art de Makart) apparaît dans ses grands tableaux de la période suivante tels « La peste à Florence » , « Catarina Cornaro » etc. comme autant de variantes, toujours plus marquées, de son exubérance solennelle, pompeuse et sensuelle. Le « ton des galeries » est le moyen qui s'est prouvé apte à rendre cette richesse cohesive, à équilibrer les contrastes, à atténuer les couleurs vierges (franches) et la réalité comme quelque chose d'insupportable ne pouvant être vu qu'à travers un voile — ce qui renvoie toute la représentation dans un monde de rêves. C'est dans sa façon de voir (outre la recherche du spectaculaire, l'absence de contenu et le refoulement conscient de la réalité bouleversante) qu'il faut chercher l'attrait extraordinaire qu'exerce la « décorativité » de la peinture de Makart. Les idées esquissées de l'artiste concernant la disposition, l'utilisation de certains de ses ensembles de tableaux comme éléments décoratifs de l'espace — ainsi que le montrent les trois tableaux de la peste, les « amourettes modernes » de même que ses projets de rideaux de théâtre de nature analogue — permettent de tirer nombreuses déductions relativement à l'élargissement du tableau proprement dit au moyen du cadre et de la décoration, à la valeur d'atténuation réciproque des éléments décoratifs, à l'harmonisation des couleurs les unes avec les autres. Dans les dernières années on remarque cependant que (sans doute sous l'influence du développement général) ses tableaux possèdent un coloris bien déterminé, une certaine variété de couleurs, à l'occasion des effets de couleur, surtout dans les teintes des chairs, en même temps que l'on constate un recul du brun chaud, mordoré, ton qui unifie, équilibre et embellit. Les projets que Makart exécuta pour les lunettes sont étonnamment clairs, nous avons déjà, dans l'entrée en matière, parlé de l'extrême finesse de leur coloris. Toutefois, nous ne pourrions pas vraiment comprendre ces esquisses, si nous ne savions pas que leur fond jaune clair ne doit pas être considéré comme tel, mais comme un fond or. Transposer les petits projets en grands projets exige, comme nous l'avons d'ailleurs mentionné, une palette différente, une palette bien plus lourde. Dans les tableaux terminés, le fond or influe encore plus nettement sur l'effet des couleurs : à la place du coloris léger, vaporeux, transparent des esquisses, on trouve de puissants contrastes de lumière entre les nus et les figures habillées, entre les couleurs des chairs différemment nuancées et les sombres draperies des vêtements, qui sur le fond or se dessinent comme des silhouettes ; en général les couleurs sont étouffées (et pas seulement foncées après coup), la plupart sont des bruns, des rouges sombres et des noirs ; il y a seulement deux tableaux où les vêtements sont bleus ; le rouge vif n'est employé que dans les tableaux allégoriques, pour les mettre en relief au milieu des deux côtés frontaux (ils ont d'ailleurs un fond bleu). Ici, c'est l'or qui donne le ton, c'est l'or qui, somme toute, joue le rôle du « ton des galeries » et, en éclairant d'un jour extrêmement irrationnel toute la réalité des perceptions de détail, en construisant sur la pompe solennelle ce que le peintre a à dire, il donne une unité à tout le cycle des lunettes, en même temps, il s'intègre parfaitement dans l'architecture ambiante. L'accord parfait entre l'effet de couleur du tableau et celui du cadre est tellement convaincant, que l'on a tendance à croire que le peintre a aussi exercé une influence sur le développement des couleurs du cadre architectural (cette impression est surtout donnée par les « fantaisies de palais » que Makart conçut dans les dernières années de sa vie), de toute façon il permet de supposer une collaboration étroite entre Hasenauer et le peintre. Les fonds or brillants — qui n'étaient pas exigés par les clauses du contrat se rapportant aux lunettes et qui apparemment ont été décidées par le peintre luimême — sont encastrés dans la riche dorure de la décoration murale ; 93 les puissants contrastes de lumière des tableaux trouvent leur correspondance parfaite dans l'association des couleurs des formes architecturales qui les encadrent ; la grande corniche en saillie et les colonnes de marbre d'un noir profond portant des taches mouchetées d'un blanc éblouissant sont la continuation et la transposition en dessins abstraits des génials effets de lumière des voiles et des plis d'étoffe entourant les modèles da Makart. Le contraire est également vrai : on peut dire que le contenu de couleur de l'ambiance se concrétise dans le tableau. Il faut que l'on soit conscient de la magnificence de l'ensemble de la décoration de Makart, de la théâtralité de ce monde visuel, pour que le tableau de plafond de Munkácsy soit situé dans son milieu, dans le développement artistique de son époque. Le coloris du plafond — avec ses couleurs nettes, avec sa « lumière naturelle » claire, avec son éclairage qu'on serait tenté d'appeler lumière du soleil — s'appuie sur une tout autre conception de la réalité. C'est le contraste avec Makart qui fait que beaucoup de contemporains ont mécompris le tableau de Munkácsy trouvé sans doute par eux trop nouveau, trop personnel, et qu'ils l'ont qualifié de « crayeux, de froid et d'excessivement sobre » . Il va de soi qu'il serait inopportun d'essayer (sur la base des projets que Makart a laissés) d'établir une autre conception (sûrement fausse) de la cage de l'escalier, dans le cas supposé où le tableau de plafond aurait été réalisé par ce dernier. Hasenauer, qui avait le sens de la grande décoration, attribuait une importance capitale au rôle de la couleur dans l'architecture et savait remplir, à merveille la fonction d'intermède entre le monde de la corniche principale de Ma-