Pogány Ö. Gábor - Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 1. szám. (MNG Budapest, 1970)
80. Tivadar Osont vary Kosztka (1853-1919) : Vieille. 1894. Munich Csontváry Kosztka Tivadar (1853—1919): Öregasszony. 1894. München bien que l'œil gauche ne soit pas fermé tout à fait. Pourtant, le visage labouré par des milliers de rides, le front dégagé, les rares cheveux argentés font un ensemble très beau. La taille de la vieille femme n'est pas courbée, elle semble moins usée que le visage. Le manteau épais la rend plus corpulente, le corps paraît plus grand que le visage le faisait prévoir. Le fichu lourd, attaché à la paysanne, fait disparaître ce contraste apparent et sur le dessin règne une grande harmonie que rien ne vient troubler. Le fond est bizarre. Il donne l'impression d'une femme assise dans une caisse, une sorte de cercueil posé parallèlement à la ligne de la taille. Ce fond fait bien ressortir le visage éclairé par un seul reflet; cependant, son rôle n'étant pas clair, il brise l'équilibre du dessin par ailleurs très beau. Le septième dessin représente un demi-nu d'homme vu de dos et tournant légèrement le visage à gauche (Fig. 81.). Le dos maigre, courbé, semble être fendu en deux comme par une hache. Les omoplates trop saillantes et le bras maigre, dur, nerveux sont en forme d'aile d'oiseau. Cette ressemblance à l'oiseau est encore accentuée par les doigts crochus. Les longs cheveux noirs crasseux et lourds forment, en retombant sur les épaules, le dos et recouvrant tout le cou, des boucles. Par contre, la moustache et la barbe sont grisonnantes et ont des poils secs. L'œil du modèle est visible seulement de côté, mais les points de départ supérieur et inférieur de la paupière déterminent l'axe optique et la direction du regard. Ce dessin de Csontváry dépasse de beaucoup le niveau supérieur des études académiques : c'est une composition très ferme et apparemment voulue qui embrasse tous les détails aussi. Sur le dos courbé et penché en avant, l'artiste a construit un véritable réseau de traits croisés. 11 a dessiné une demi-ellipse qui, partie de la hanche gauche et allant jusqu'à l'épaule droite sans être rompue, se détache vigoureusement sur la partie uniquement indiquée par des tons. Elle est croisée par la ligne vive de la colonne dorsale. C'est dans cette ellipse que débouche la demi-ellipse qui, partant de l'épaule gauche, s'avance vers la hanche droite. Les alternances de l'éclairage des lignes marquées seulement par le ton ainsi que la représentation des côtes de droite sont extrêmement belles. Les cheveux, nous l'avons déjà dit, cachent entièrement le cou, pourtant on sent bien la position de la tête sur le cou et l'attachement du cou au tronc. L'assurance avec laquelle Csontváry combine sur cette étude la représentation par le trait et la représentation par le ton est surprenante. L'œil et surtout les boucles de cheveux, le pantalon et les bretelles sont dessinés tandis que sut' Les autres pallies de la composition les contours et les surfaces sont marqués presque uniquement par leurs tons. Et ce mélange des deux techniques ne compromet nullement la composition ; bien au contraire, il en résulte d'heureux contrastes. Pour l'étude de l'œuvre de Csontváry, parmi les sept dessins exécutés à Munich, c'est ce dernier qui, à notre avis, a la plus grande valeur. Il révèle déjà l'individualité du peintre dans le sens le plus strict du mot. Quinze ans après, Csontváry a peint un tableau, L'instituteur marocain. La force extraordinaire de caractériser et de réduire à l'essentiel tous les éléments qui fait de VInstituteur marocain un des chefs-d'œuvre de Csontváry apparaît déjà visiblement dans ce dessin de Munich. Disons tout de suite que ce rapprochement est très arbitraire, nous pourrions citer d'autres œuvres ou plutôt nous pourrions retrouver certains motifs que les dessins nous ont rendus familiers sur des peintures ultérieures. En faisant connaître les sept dessins, nous avons aussi parlé, bien qu'accidentellement, de la technique de ces études au fusain. Ce problème mérite que nous nous penchions encore sur lui, au moins brièvement. Pour réussir les tons que nous voyons sur ses œuvres, Csontváry emploie diverses techniques du fusain. Il lui arrive même d'en employer plusieurs à la même œuvre, comme nous l'avons constaté à propos du dernier dessin S 2