Pogány Ö. Gábor - Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 1. szám. (MNG Budapest, 1970)
75. Tivadar Csontvary Kosztka (1853-1919) : Tôte d'étude. 1894. Munich Csontvary Kosztka Tivadar (1853—1919): Tanulmányfej. 1894. München pertinente d'Aurél Bernáth, les autodidactes s'adonnent au genre le plus facile de la création : ce n'est pas de la vision de la nature qu'ils tirent ce qu'ils ont à dire. Le type de leur vision ressemble plutôt à celui de l'art chrétien à cette différence près que dans celui-ci la représentation était imposée par la foi, tandis que les autodidactes sont contraints, par leur manque de préparation, à rester à ce niveau... Ils s'arrêtent net dès qu'ils ont épuisé les formes dont ils disposaient. (Aurél Bernáth : Ecrits sur l'art. 1947, p. 78.) Certains génies sans éducation artistique (j'emploie cette expression par laquelle on peut désigner d'une manière assez précise des cas individuels très divers) renoncèrent, un peu à dessein, à acquérir les connaissances du métier et à enrichir continuellement leurs motifs. D'autres n'en eurent ni l'occasion ni l'aptitude. Ils diffèrent encore par le talent et aussi par l'imagination sanguine. C'est pourquoi le type éternel du génie sans éducation artistique présente une très grande diversité allant d'Henri Rousseau jusqu'au dilettante sans aucune formation artistique, jusqu'à l'amateur fignolant qui se croit, lui aussi, un homme de génie instinctif. Sans doute, il n'est pas difficile de relever dans l'art de Csontvary une certaine parenté avec les naïfs. Quelquesunes de ses œuvres montrent l'émerveillement, l'oubli de soi caractérisant si bien la sincérité de la vision enfantine. Mais cela ne caractérise pas l'ensemble de ses œuvres. Csontvary possédait la connaissance des nombreuses lois régissant la vision d'une image en relief, avait la pratique de l'anatomie et une technique très approfondie ; pourtant, quelquefois il rend sa vision intense de la même façon instinctive que les peintres naïfs ou, pour mieux dire, il recompose son expérience comme eux. Mais il le fait toujours avec une maîtrise remarquable de son art. Pour faire un rapprochement ou, encore mieux, pour constater les différences, choisissons un exemple. Henri Rousseau et Csontvary, chacun de leur côté, ont traité le même sujet : une promenade en voiture. Promenade en voiture de Rousseau et Promenade en voiture à Athènes au premier quartier de lune de Csontvary. Ce qui distingue, à première vue, les deux tableaux, c'est que Rousseau représente la promenade statiquement, tandis que Csontvary avec un dynamisme extraordinaire. Considérons maintenant le cheval du tableau de Rousseau et les chevaux de Csontvary. Le cheval de la Promenade en voiture ne serait pas même un bon jouet tant il est faible malgré qu'il ait ses quatre pattes que l'on casserait facilement avec les deux doigts. Et la tête du cheval ? Tous les détails difficilement dessinables sont masqués par une touffe impossible de crins et par les œillères. Les chevaux de la Promenade en voiture à Athènes dont on ne voit que les silhouettes ont des mouvements si réels et surtout si dynamiques que nous attendons, nous épions le moment où la voiture qui descend de droite arrive dans le faisceau de lumière des lampes devant une porte bleue. Les chevaux de Csontvary restent en équilibre stable même s'il leur arrive de ne posséder que trois pattes (Une promenade à cheval au bord de la mer) . Les chevaux au repos ont des muscles qui semblent bouger ou bien, fringants, le poitrail bombé, ils se reposent réellement. Les chevaux des cavaliers se rendant au cèdre (Pèlerinage au Cèdre au TÂban) sont tellement vivants que nous nous attendons à ce que l'un d'eux s'élance au galop et que l'autre parte faire le tour du cèdre. Le cheval noir immobile sous le cèdre est extrêmement tendu. Le port de la tête, la ligne; du cou trahissent une grande force sur le point d'éclater. Csontvary dessinait avec virtuosité : la déformation, le mauvais tracé ne marquaient pas le défaut de la technique du dessin ni celui de l'exercice ; il y recourait pour simplifier, pour résumer ou bien pour grossir royalement lignes, formes et mouvements mille fois observés et étudiés. Les lignes, formes et incidents jugés essentiels à l'œuvre, il les mettait en évidence, il les soulignait ; par contre, il supprimait en partie ou totalement les lignes et formes jugées superflues ou secondaires. Qu'est ce qui fait quelqu'un artiste créateur si ce n'est pas ce talent de résumer