Pogány Ö. Gábor - Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 1. szám. (MNG Budapest, 1970)

QUELQUES DESSINS DE CSONTVARY EXECUTES À MUNICH Dans la monographie de Csontvary écrite en 1964 par le critique d'art Lajos Németh nous lisons à la page 194 la remarque suivante : « Après avoir mis la dernière main à notre manuscrit, nous avons appris que quelques œuvres qu'on croyait perdues, notamment des études académiques, avaient été retrouvées. » Les dessins en question, au nombre de sept, lurent exécutés par Csontvary pendant son séjour à Munich. Après être retrouvés, ils sont revenus à la collection de leur ancien propriétaire, l'architecte Gedeon Gerlóczy. Précédemment, les dessins ont déjà dû être exposés (ainsi, par exemple, à l'exposition des œuvres de Csontvary au Musée Ernst en 1930) ; Lajos Németh, dans le catalogue des œuvres complétant sa biographie de Csontvary, fait allusion à cette possibilité. Mais nous n'avons aucun ren­seignement sur des études et des reproductions éventuelles. En tout cas, elles ne sont pas mentionnées dans la mono­graphie consacrée à Csontvary par Ferenc Lehelen 1922, bien que leur valeur artistique l'eût motivé. Pour apprécier l'importance de ces dessins et la place qu'ils tiennent dans l'œuvre de Csontvary, nous devons connaître les circonstances peu communes dans lesquelles notre peintre fit ses débuts. Les circonstances fortuites de ces débuts donnent souvent lieu à des remarques ironiques. 11 est à regretter que les circonstances secondaires soient plus généralement connues que les luttes héroïques qui les suivirent et qui ne sont nullement de nature à provoquer le sourire. Le 13 octobre 1880, Tivadar Kosztka, âgé de 27 ans, stagiaire dans une pharmacie, entend, comme il le racon­tera lui-même, une voix céleste lui dire qu'il sera le plus grand peintre naput (plein air) du monde, plus grand que Raphaël. Sous l'effet de cette hallucination, le jeune homme, mû d'ailleurs par une ambition inassouvie, se met aussitôt à dessiner, sans y être préparé. Pour lui, tout s'accordait. Avant d'entendre la voix, il avait dessiné un chariot trainé par un bouvillon. Il le montra à son chef qui, à la vue du petit dessin, s'écria : Mais vous êtes né peintre, mon ami ! Un mois après cette scène, il envoie un paysage d'hiver au peintre Gusztáv Kelety et demande son opinion, solli­cite son appui. Dans la lettre, il fait savoir au destinataire qu'il s'est juré de faire un tableau à l'huile d'après le dessin mais quatre fois plus grand et de le terminer avant la fin de l'année. La réponse de Gusztáv Kelety n'a rien d'encourageant. Le peintre le met en garde contre le dilettantisme et lui dit sans ambages que ses « dessins ne dépassent pas le niveau des premiers essais d'un enfant de 10 à 12 ans. >> Mais Csontvary est décidé à devenir, coûte que coûte, le plus grand peintre du monde. Cette critique accablante ne le décourage pas ; il comprend qu'il a beau se sentir capable de dessiner n'importe quel édifice grandiose — comme il l'a dit dans sa lettre à Gusztáv Kelety — il doit d'abord étudier et s'exercer pour pouvoir exprimer « ce qui en lui, couvert d'un voile sombre, désire voir le jour. » Dans la lettre adressée à Kelety, on pourrait voir une belle assurance, une grande fatuité. Csontvary y prend de haut, mais la réponse droite et pondérée de Kelety le ramène à la raison. Désormais, le bon sens jouera un rôle très important dans sa vie : il le préservera de devenir un dilettante de génie ou de rester à jamais, faute d'édu­cation artistique, un homme de génie instinctif. Il ne se contente donc plus d'être conscient de sa voca­tion : il ne cesse plus de travailler pour arriver à vaincre quelque difficulté, quelque problème technique de la pein­ture. Pendant qu'il croit « copier des paysages choisis, il fait des découvertes dans la peinture la plus moderne, il progresse lentement en suivant les enseignements qu'il tire de la réalité et fait une peinture autonome, pure, d'un genre nouveau. » (Gábor ö. Pogány : Les révolutionnaires de la peinture hongroise. 1947, p. 51.) Sa maîtrise du dessin, ses efforts de résoudre les pro­blèmes surgissant sans cesse dans la peinture moderne l'isolent des naïfs et aussi des primitifs en vogue à son époque et même après ; ils le distinguent de tous ceux dont les formes d'expression sont déterminées par leur dilettantisme. Chez les peuples civilisés, l'expression naïve, primitive est, en général, la caractéristique des dessins d'enfant. Cette naïveté constitue un état transitoire, une étape sur le chemin qui conduit à la connaissance et au savoir dans le domaine de la perspective et de l'anatomie. Chez les adultes, je veux dire chez les artistes dits naïfs ou primi­tifs, chez les autodidactes, en un mot, chez les génies in­stinctifs, perdus dans la foule faute d'éducation artistique, la forme d'expression constitue un état définitif qu'ils ont conservé parce que leurs connaissances de la perspec­tive et de l'anatomie ne dépassaient pas celles qu'ils avaient acquises dans leur enfance. D'après une définition

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