Pogány Ö. Gábor - Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 1. szám. (MNG Budapest, 1970)

capable d'évoquer et de transposer les impressions et les expériences. Aucun artiste —séduit par des impressions fausses ou futiles —ne pourra jamais tromper longuement le tribunal de la poésie par un raffinement d'optique et d'adresse manuelle. Par contre, des œuvres puissantes, très éloignées de nous dans le temps aussi bien que dans l'espace, nous bouleversent encore, non pas par une affinité du goût, mais plutôt par l'intensité de leurs idées, de leur message et aussi par le caractère moderne de leur souffle. Les artistes qui, autrefois, surent s'exprimer ainsi, avaient le don de pénétrer l'avenir, étaient poètes et artisans très soucieux de leur art. Mais nul ne devient poète et devin si ce n'est celui qui peut et veut exploiter son penchant à l'hypersensibilité au bénéfice de son art et, presque toujours, au détriment de ses nerfs, de son égalité d'âme et de sa réussite dans la vie. Au nomade solitaire s'il se trouve être peintre-poète, ils pourront s'offrir des paysages modestes, des villes, villages, cimetières, climats inconnus avec les visages, les destins et les époques qui leur appartiennent en lui découvrant leurs caractéristiques les plus intimes. Combien les beaux-arts en ont fait sortir de ces paysages de l'anonymat et combien d'œuvres plus ou moins évocatrices d'un pays et d'une époque sont nées, impérissables et symboliques, de ces rencontres, de ces impressions étroitement liées à un certain pays et à une certaine époque ! Et combien de telles œuvres sont ignorées, continuent d'être ignorées par les historiens de l'art ! La connaissance de l'art d'un peuple dépend de tant de facteurs — hasard, actualité, réclame, mode et d'autres facteurs étrangers à l'art — que nous éprouvons le besoin de donner, de temps en temps, des signes de vie au nom d'un petit pays, de faire entendre sa voix et de témoigner pour lui de sa coexistence avec l'Europe. Nous satisfaisons à ce besoin en parlant de l'œuvre de György Kohán, un de ces signes qui méritent d'être entendus et retenus. L'auteur amené à méditer sur l'œuvre d'un artiste con­temporain est rigoureusement tenu à la précision et à l'exactitude puisqu'il a la possibilité de contrôler les données biographiques rapportées par lui en s'adressant à la per­sonne la plus compétente, à l'artiste lui-même. En le faisant, il pourra pourtant rencontrer des suprises que les maîtres du passé ne lui ménageront certainement pas. En effet, il arrive souvent que les données biographiques exactes concernant un artiste vivant se révèlent dépour­vues, d'intérêt, déconcertantes même pour l'interprétation des œuvres. Pour la connaissance de la personnalité d'un artiste, fût-il d'une époque lointaine, il y a un point de départ plus sûr offert par les autoportraits. A l'exception d'une seule étude de jeunesse nous ne connaissons pas de portraits de György Kohán peints par l'artiste lui-même. Cela est d'autant plus surprenant que le peintre qui, durant plu­sieurs dizaines d'années vivait très difficilement et travaillait sans avoir de quoi manger à sa faim, ne devait pas ignorer que le moyen le moins coûteux de faire des études de caractère était de toute époque l'exécution d'autoportraits sans que les autoportraits d'un haut niveau artistique s'échelonnant même sur toute la vie de l'artiste le fassent passer pour un homme rempli de soi-même. On peut se demander si chacune des œuvres de Kohán ne soit pas en vérité un autoportrait malgré qu'elles ne reproduisent pas le visage de l'artiste, si ces œuvres prises ensemble n'apportent pas un témoignage plus vrai, plus profond que n'apporte un visage humain. Nous répondons affirmativement, car le visage réel, fermé, aux traits durcis du peintre, son regard pénétrant l'interlocuteur sans se révéler ne nous disait rien sur la contradiction qui existait entre sa vie de malheur et le caractère poétique de ses réactions, ne trahissait rien de son évolution d'artiste non plus. Ainsi, dans l'interprétation de ses œuvres, dans la re­cherche de l'origine de ses thèmes, l'auteur de la présente étude dut recourir à ses propres forces, à sa perspicacité et à son intuition, ce qui pourrait peut-être excuser l'im­perfection de ses analyses. Le sentiment de la vocation, l'attraction de la peinture étaient si forts en György Kohán qu'à peine âgé de seize ans il s'est arraché de son milieu, il a tout abandonné. Il s'est rendu à Budapest pour y étudier, après avoir donné preuve de son talent exceptionnel et reçu l'encouragement de personnes compétentes. Etonnée par la précocité de son imagination étrange, nous nous demandons quelle impulsion il dut recevoir pour s'engager dans cette voie, puisqu'à la campagne il n'avait vu qu'une seule exposition collective assez terne, des œuvres naturalistes empreintes de l'intimité d'un lyrisme provincial. Si une telle exposition put éveiller le sentiment de la vocation, il est bien probable que Kohán éprouvait déjà, malgré son jeune âge, plus de tension dans sa vision et dans ses expériences et qu'il trouvait plus d'émotion dans les thèmes que les compositions rencontrées ne pou­vaient en exprimer. Cette maturité précoce se manifesta sans tarder lorsque le jeune peintre âgé de seize ans ex­posait à Gyula, en compagnie de peintres renommés, un grand nombre de tableaux à des sujets bien divers. Ces premières compositions annonçaient déjà une car­rière d'artiste dépassant les perspectives locales, car, dans une province hongroise, devenir maître; de dessin et par­venir à se manifester était alors l'un des moyens connus et éprouvés de se consacrer, avec modération mais pour toute la vie, à la peinture, de s'adonner à ce divertissement innocent et de mener une vie de « bohème » sous le manteau d'une existence bourgeoise si modeste qu'elle fût. Kohán aurait pu, lui aussi, suivre ce chemin, mais seulement jusqu'au moment où au moins les sujets de ses tableaux respectaient encore le goût de l'époque qui ne tolérait pas que l'on troublât l'harmonie des foyers sereins. Parmi

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