Pogány Ö. Gábor - Csengeryné Nagy Zsuzsa dr. szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Évkönyve 1. szám. (MNG Budapest, 1970)
LAJOS VAJDA (1908-1941) Au printemps 1966, la Galerie Nationale Hongroise a organisé au Musée Ferenczy Károly à Szentendre une exposition commémorant le vingt-cinquième anniversaire de la mort du peintre Lajos Vajda. Lajos Vajda était un artiste solitaire n'appartenant à aucun groupe, se disant lui-même surréaliste constructif. Tl se créait un monde; à part avec les éléments les plus simples : maisons, clochers, assiettes. Mais, derrière les maisons, les clochers et les assiettes il cherchait toujours quelques chose de particulièrement humain et par les éléments les plus divers il exprimait en somme et toujours cette intimité qui venait du plus profond de lui-même. Ses portraits et ses compositions figuratives lui ressemblaient par quelque trait et on peut les considérer plutôt comme des autoportraits que des portraits, chaque; détail de ses tableaux reflétant sa personnalité directement. Par toute son existence, par chaque trait de crayon il niait ce monde trompeur dans le;quel il vivait et malgré cela, il a pu tirer de ce monde les éléments et les beautés nécessaires à la création de sa vérité à lui. 11 était en désaccord complet avec son temps ,car la forme de civilisation que son époque revêtait était étrangère à son activité créatrice. Par son intellectualisme il ne se sentait pas les coudées franches dans une communauté restreinte, il aspirait à une plus grande communauté, difficile à délimiter, et considérait le problème hongrois comme faisant partie du complexe Est-Ouest. « Moi, d'origine occidentale, je tends, dans le domaine de la culture, vers la Russie et la Serbie (C'est-à-dire vers l'Orient). De tout cela, il ressort clairement que nos tendances visent la création d'un art particulier à l'Europe centrale et orientale, sous les influences de deux grands centres culturels européens : le français et le russe. La situation géographique prédestine la Hongrie à servir de liaison entre l'Occident (français) et l'Orient (russe) ; nous voulons souder ce qui, aux deux pôles, représente, dans l'art, les deux types européens : nous voulons édifier un pont. » (Extrait d'une lettre de 1936.) L'extrait suivant est une preuve de plus de sa préoccupation constante de l'idée de la communauté : « Car nous, nous pensons à associer à notre travail les Slovaques et non seulement les peintres, mais aussi les architectes, les écrivains, les musiciens avec qui on pourrait constituer une petite- équipe internationale de travail en Europe Centrale » (Lettre du 27 août 1936). Nous ne croyons pas nous tromper en pensant que l'essence la plus intime de l'art de Vajda réside dans cette aspiration de caractère presque religieux à créer une communauté. C'est cette aspiration qui prête de l'intimité à ses portraits au regard mystique, insolite, étrange. C'est elle qui crée cette ambiance élevée, inimitable; de chacun de ses tableaux. Vajda est un artiste constructif tout en étant un peintre d'inspiration religieuse. Dans son époque il semblait presque anachronique de croire avec une aussi grande conviction à quelque chose de si difficile à fixer et qui échappe à toute conception dogmatique du monde. C'est ce sentiment religieux qui rapproche Vajda de Chagall: derrière la communauté des motifs et du style, c'est cette parenté de tempérament, de nature qui surgit. Pourtant, Chagall n'a joué le rôle de prophète qu'un certain te;mps, jusqu'au moment où il s'est libéré des liens qui l'attachaient à sa patrie ; après, il est devenu un peintre occidental qui n'est plus le porte-parole d'aucune communauté, tandis que Vajda reste le prophète de son époque malgré que ses prophéties ne soient entendues que par pe^u de gens. La destinée des autres pèse sur lui avant qu'il soit touché personnellement par l'horreur ; après, une fois atteint lui aussi, il exprime dans ses créations monumentales non pas sa propre épouvante, mais une épouvante collective. Vajda est par excellence un artiste d'esprit collectif à l'époque et malgré l'époque où il n'y avait alors aucune communauté vivante. 11 ressent dans tout son corps les événements extérieurs, il fait siennes les souffrances despays les plus éloignés de lui et s'identifie à eux en partageant les dures épreuves et les espoirs qui les trempent et les soutiennent. Chagall et Vajda avaient foi tous les deux dans la révolution russe, mais leurs réactions aux événements furent différentes. Ce qui peut nous paraître étrange et qui souligne encore le caractère prophétique du peintre hongrois c'est que Vajda, vivant en Hongrie, si éloignée de la Russie prend une part plus grande aux efforts du peuple russe que ne l'a fait Chagall dont la Russie est la patrie. De même, c'est Vajda et non pas Chagall qui ressuscite le visage endormi des icônes de l'Église; russe et les fait parler après un très long silence. Le nombre des motifs dont Vajda disposait, était assez restreint : quelques objets et souvenirs de Szentendre, petite ville silencieuse au bord du Danube. Dans la peinture de Vajda n'entrent ni l'humour, ni le plaisant, ni le grotesque : le peintre interprète tout avec une gravité extrême et d'une manière définitive. Les motifs