dr. D. Fehér Zsuzsa - N. Újvári Magda szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 4. szám (Budapest, 1963)
lité et de la sphère d'intérêt et d'activité du peintre nous ne constatons aucune contradiction entre ses oeuvres anciennes ou récentes. Le fait que Berény en changeant de style, de manière, n'a point renoncé à ses moyens d'expression révolutionnaires et que sa peinture continuait, sous sa nouvelle forme aussi, de servir le progrès, prouve une fois de plus son assurance et son esprit de suite daus le domaine de l'éthique et del'art. N'oublions pas qu'il était indépendant matériellement aussi bien que moralement. Le succès que donnent les journaux et les expositions, ne l'intéressaient pas. Il était à même d'essayer les unes après les autres les conceptions nouvelles de la peinture, ses techniques et ses moyens d'expression, de goûter les sensations que ces sortes de recherches ne manquent pas de procurer. Mais dans ses essais il était toujours attiré par le même désir, hanté par la même idée de découvrir le vrai de la peinture. Son ami et contemporain, Milán Füst, écrivain remarquable, a pu écrire de lui qu'il était aux prises avec l'idée comme l'était Jacob avec l'ange. Lui-même s'en rendait compte quand il présentait ses nouveaux tableaux, dans le Catalogue de l'exposition des Huit en 1912, dans les termes suivants: «J'exprime par eux de nouvelles pensées mêlées à d'autres que je trouve pertinentes et que j'ai déjà exprimées par mes anciens tableaux. Tous mes tableaux sont différents et identiques à la fois. Le sentiment qui me pousse à les créer, c'est celui que j'éprouve en percevant l'univers dans son ensemble et en un instant, c'est mon vif désir d'embrasser le cosmos et de le serrer dans mes bras. C'est ce sentiment que je m'efforce d'exprimer continuellement. Je veux me donner tout, entier, avec toutes mes pensées et tous mes sentiments. » Cela revient à dire qu'il portait un intérêt universel aux forces de la nature, à leurs rapports réciproques et que sa peinture se ressentait de toutes les manifestations de la vie. Il cherchait au fond de tous les problèmes qui s'imposaient à lui, les causes finales de la philisophie. Ainsi, en parlant de scepticisme, d'inquiétude et de changements de manière dans sa période de jeunesse, nous devons le faire avec réserve, sans perdre de vue les faits que nous venons de mentionner. Le rôle que Berény a joué à l'exposition des Huit en 1912, sera suffisamment éclairé si nous ajoutons à ce qui vient d'être dit à ce sujet, quelques observations touchant les broderies de Madame Berény faites d'après les dessins de son mari. En effet, cette année Berény a exposé, à Budapest, comme il l'avait fait un peu avant à Vienne, ses coussins brodés et ses tapisseries murales. Zoltán Felvinczi Takáts les a fait connaître dans un article publié par la revue Nyugat (Occident): «Les broderies de soie de Berény, ou, pour être juste, celles des époux Berény, sont plus que de simples articles d'art décoratif. Elles s'assimilent à merveille à la matière dans laquelle elles sont exécutées, et elles ne sont en rien inférieures, ni par sa composition, ni par le dessin, à la peinture.» 47 En 1912 la revue Magyar Iparművészet (Art décoratif Hongrois) ne tarit pas d'éloges, elle non plus, sur les broderies et tapisseries présentées à Berlin, tout en relevant ce qu'elle considère comme une erreur de présenter ses oeuvres commes issues d'un art spécifiquement hongrois, puisque l'art de Berény, écrit-elle, n'a presque rien de commun avec l'art populaire hongrois, sa manière s'étant développée en partie sous l'influence de Gaugin, en partie sous celle d'artistes japonais bien connus, ce qui, ajoute la revue, ne diminue en rien le talent de Berény. 48 Une lettre de la première femme de Berény nous renseigne également sur ces expositions de broderies et de tapisseries. Nous lui empruntons le passage suivant: «A la seconde exposition des Huit, nous avons envoyé des broderies dessinées par Róbert et exécutées dans notre petit atelier sous ma direction personnelle. Nous en avons vendu beaucoup. En 1913 nous en avions fait parvenir toute une collection à l'exposition de Rio Grande de Sol, mais cette exposition, à ce qu'on dit, est devenue la proie d'un incendie. . . » 49 II serait utile de réunir et de faire connaître les broderies éparpillées de Berény. A partir de 1912, les membres du groupe des Huit se dispersent. Quand en 1913, à l'exposition internationale des postimpressionnistes organisée au Foyer des Artistes, les Huit, Berény, Czigány, Czóbel, Kernstok, Márffy, Orbán, Tihanyi, Fémes Beck, Vedres et Marie Lehel réapparaissent, ils se trouvent déjà en compagnie de 45 artistes hongrois et étrangers. Berény en se faisant une manière fondée sur la composition et le modelé s'efforçait aussi de conquérir une technique d'un caractère plus expressif, nébuleux, d'un flou lumineux. La meilleure réussite qu'il ait connue au cours de ces efforts, dans les années de sa jeunesse même, c'est le portrait très précieux de Béla Bartók, présenté en 1913 à l'exposition des postimpressionnistes au Foyer des Artistes. 50 (Planche I.) Bartók avait alors 32 ans, Berény 26. La première femme du peintre, établie à Londres, nous donne les renseignements suivants sur les relations des deux artistes: «. . .Je ne me rappelle plus si c'est par l'intermédiaire de Weiner ou de quelqu'un d'autre qu'ils s'étaient connus, mais je sais que Róbert lui a demandé la permission de faire son portrait. Bartók fréquentait l'atelier de la rue Városmajor et mon mari était intime avec lui si l'on peut parler d'intimité à propos de Bartok.» 51 A partir de 1912, Bartók vivait retiré de la vie musicale publique. Dans son autobiographie écrite en 1921, il justifie ainsi sa décision: «. . .Mes oeuvres à partir de l'Op. 4, se heurtaient à une vive opposition à Budapest. Cette incompréhension pouvait s'expliquer en partie par le fait que mes oeuvres pour orchestre étaient connues dans des interprétations imparfaites, faute de chef d'orchestre I I