dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)

Par contre, les costumes des personnages, costumes suivant la mode de l'époque, permettent d'établir un parallèle et peuvent être considéiés, dans le cas de la Balançoire aussi bien que dans celui du Déjeuner, comme une initiative hardie. Le goût d'alors ne tolérait en effet les vêtements de l'époque que dans les portraits et exigeait le travesti ou le costume populaire dans les autres tableaux figuiés. Il était tellement osé de peindre des figures habillées selon la mode de l'époque que la remarque d'un de ses collègues, c'est un » Modebild << (gravure de mode) découragea Szinyei à un tel point qu'il abandonna son projet d'exécuter le tableau en grand. Les vives couleurs du Séchage du linge, 1869 (fig. 6.) sont plus hardies que celles de la première esquisse du Déjeuner sur Vherbe en 1872 (fig. 7.). Le Couple d'amoureux, peint en 1870 (fig. 9.) représentant l'intimité heureuse de deux êtres au sein de la nature, s'apparente mieux au Déjeuner par son thème. Cepen­dant, dans ce tableau, l'élément dominant c'est la représentation des figures et l'homme ne s'unit pas encore à la nature aussi intimement que dans le Déjeuner sur Vherbe. Voilà tout ce qui avait dû précéder le moment heureux où, en juin 1872, Szinyei fit la première esquisse du Déjeuner. Il avait une vision si nette et si parfaite du tableau à faire qu'il iéussit à peindre cette esquisse en une seule matinée, sans hésitation aucune, sans recherche et sans changement. Il est extrêmement rare qu'une première esquisse s'accorde aussi complètement avec le tableau définitif que celle du Déjeuner avec l'oeuvre telle que nous la connaissons aujourd'hui. C'est une preuve de la force constructive de l'imagination de Szinyei qui pouvait se passer du secours de nombreux essais répétés. Les différences entre l'esquisse et l'oeuvre définitive se réduisent à ceci : l'homme au chapeau blanc qui sort la bouteille de la mouille, est à genoux sur l'esquisse, tandis que le tableau le représente accroupi ; sur le conseil de Böcklin, les deux femmes montant le versant de la colline sont reléguées, dans le tableau définitif, derrière l'horizon qui cache ainsi leurs jambes au­dessous des genoux. Il est clair que Szinyei se mettant au travail avait déjà une composition achevée. Mais, pendant le travail, il sut enrichir les détails et en dégager une atmosphère de sérénité et de bonheur assurant l'unité du tableau. La vision pure et simple d'où sortait l'harmonie des formes et des couleurs, permit une création pleine d'âme qui montre le plaisir et la jouissance que l'artiste eut en peignant cette oeuvre. Les tonalités brunâtres de la colline avaient disparu pour faire place au vert d'un gazon res­plendissant au soleil et taché d'ombres fraîches et bleues. Au milieu se trouve le bouquet eoloié de la­compagnie s'installant avec des expressions et des gestes si familiers qu'il nous semble entendre leurs propos. Ce n'est pas un tableau vivant figé qui s'étale devant nous, mais c'est une action qui se déroule. Les gestes sont si expressifs qu'ils révèlent le caractère même. La femme en blanc est pleine de sérieux et de réserve, son partenaire qui, appuyé sur ses coudes, lève les yeux vers elle, est un homme sentimental, rêveur (fig. 11.). L'autre cavalier est d'un tempérament beaucoup plus vif ; il vient de tenir un propos risqué à sa partenaire vêtue de rose (fig. 10.) ; celle-ci se détourne avec coquetterie et lait semblant d'être gênée par l'ardeur des assiduités de ce Monsieur (fig. 12.). La tranquillité de l'homme couché à plat ventre dans l'herbe, fait le contre­point de la vivacité de ce couple et représente la vie matérielle et réelle car l'homme, ne se laissant déranger par rien, s'adonne tout entier à la jouissance de la dégustation d'une cuisse de poulet. Les robes, les couleurs vaporeuses des jupes étalées, la nature morte à bouteille et à panier aux provisions (fig. PL), l'ombrelle mauve (fig. 14.) et les châles de couleuis pâles, sont autant de chefs-d'oeuvre. Sur le sommet de la colline, devant les champs de seigle d'un vert glacé, se dresse l'églantier, motif préféré qui revient encore une fois dans le tableau, un peu plus loin (fig. 15.). A droite, un taxus. Au fond, très loin dans le ciel bleu, une petite alouette. On la voit à peine, on entend à peine son chant. Szinyei travailla avec des arrêts plus ou moins longs, pendant neuf mois à ce tableau, sans perdre un moment l'inspiration, la faîcheur de la première conception. Il ne lui arriva point ce qui advient souvent même aux grands maîtres, il ne perdit pas, il put conserver au cours de l'exécution, la fraîcheur pleine de vie de l'esquisse. L'esquisse une fois achevée, le peintre ne s'attaqua pas au grand tableau, ayant l'intention de peindre tout d'abord quelques compositions de moindre importance, faciles à vendre. Pour commencer, il fit de son tableau Chant d'oiseau, ébauché déjà dans le parc; de Jernye, un Crépuscule aux tonalités roses. Il l'exposa même en automne 1872 à Munich, sans recevoir de la critique un accueil favorable. Après, il se mit à peindre le second tableau de cette période, la Cabine de bain qui est beaucoup plus profondément marqué du sceau de son talent original que la première composition. Le troisième tableau de cette même époque, la Tempête sur le lac Starenberg, est le souvenir d'une excursion. Mais, en léponse à une lettre de son père qui s'intéressait à ses projets relatifs à l'exposition internationale devant avoir lieu l'année suivante, il parla d'une grande compo­sition en vue, probablement du Déjeuner sur Vherbe,

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