dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)
se trouve en face de ses tableaux, il ne pense aucunement à leur signification dans l'évolution de la peinture, mais il se sent dominé par la force émanante de ces toiles surprenantes. Les tableaux révèlent une âme étrange, touchant aux confins de l'infini et interdisant toute comparaison, paralysant l'intelligence et nous transportant, grâce aux jouissances de nos sens, dans un monde nouveau et transcendant. Dans la peinture hongroise c'est Szinyei qui est le représentant le plus important de; la joie juvénile de vivre. Mais cette joie de vivre est très éloignée du quotidien mesquin. C'est le bonheur d'une âme supérieure, se mêlant à la vie, mais restant toujours au-dessus d'elle. C'est une fête éternelle, exempte de tout désir avide, de toute agitation désordonnée, mais riche d'aspirations sereines et satisfaites. Cette joie de vivre est caractérisée par l'élévation et la distinction de l'âme. Le dégoût de la satiété et la contradiction entre le désir et son accomplissement lui sont étrangers car Szinyei régnait avec assurance sur la belle richesse de la vie et du monde. Sa patrie, c'était le Parnasse heureux de la jeunesse où résonnent les mélodies suaves de la joie libre et sensuelle. » István Csabai suit, dans une étude consacrée au paysage hongrois, les directions principales de ce genre de peinture : « La première est marquée par le nom de Szinyei, la seconde par ceux de Munkácsy et de Paál, la troisième se retrouve dans l'art de quelques peintres contemporains. Au point de vue des rapports artistiques, c'est Szinyei qui était le plus isolé, surtout dans ses oeuvres de jeunesse, parce que personne après lui n'a développé la conception qui était la sienne. On pourrait penser que la sérénité et le charme mozartiens qui rayonnent dans ses paysages, eussent moins saisi l'âme des peintres hongrois que les paysages sombres de Munkácsy et de Paál. Ce fait peut s'expliquer peut-être par le délicat lyrisme personnel du jeune Szinyei, complètement impropre à servir les autres. La moindre modification des nuances aurait pu gâter la suavité exempte de sensiblerie, charme suprême de ses tableaux ; une main non avertie aurait pu transformer cet art suave en un art sirupeux. Szinyei s'occupa, pendant des années, à exprimer cette sérénité intime de sa jeunesse jusqu'à ce qu'il y réussît parfaitement avec le Déjeuner sur Vherbe. L'idée fondamentale de ce tableau est la même que celle des oeuvres précédentes : l'existence insouciante de l'homme dans la nature, l'expression du bonheur radieux de vivre. 20. Pál Szinyei Merse (1845-1920) : Étude au crayon pour le Déjeuner sur l'herbe. Szinyei Merse Pál (1845-1920): Rajztanulmány a Majálishoz. 4 Nemzeti Galéria Évkönyve Szinyei a simplifié, autant eme possible, la composition du tableau. Et pourtant, quelle tentation do représenter, à propos d'une excursion, un riche panorama ! Mais Szinyei a choisi une solution de peintre. C'est par ce paysage infiniment simple, vaporeux, sans complication et mystère que le peintre nous communique le sentiment d'une existence sans problème, pareille à la vie heureuse des plantes, il se passe complètement de ces repoussoirs traditionnels, de ces arbres du premier plan destinés à donner de la profondeur à l'espace entre le premier plan et le fond, c'est-à-dire à créer la perspective, parce qu'il veut non seulement communiquer le sentiment de l'espace par des couleurs, par les modifications de leur intensité selon la distance, en un mot, par la perspective de l'atmosphère, mais aussi parce que la simplicité de la composition du tableau l'exige. » Elek Petrovich a consacré plusieurs études importantes à Szinyei ; l'une d'elles, parue en 1941 dans Budapesti Szemle, peut être considérée comme résu-