dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)

«Szinyei a donné une définition durable du type hongrois — écrit Antal Hehler. Il était conscient de ce que l'art a un autre rôle dans la vie humaine que celui de reproduire des surfaces ; c'est une confession, une prise de position de la conscience humaine. Szinyei a prouvé plus d'une l'ois lui-même que la représentation artistique ne sera une création, un art que si elle s'unit à la force de l'expression. Déjà dans sa, jeunesse il formait et nourrissait son imagination par des compositions figurées rapidement esquissées et l'imagination créatrice qui en résultait, ne tardait pas à jouer un rôle important dans la conception de ses paysages aussi. Grâce à cette imagination créatrice synthétique, il savait reconnaître le tout dans la partie, l'universel dans le singulier ce qui l'a rendu le digne repiésentant de son pays natal.» Dans une étude, «Szinyei et ses contemporains», Edit Hoffmann doime une analyse minutieuse du génie créateur de Szinyei : « Ce qui caractérise le plus l'art de Szinyei, c'est le manque de transitions. Tandis que Manet et Monet s'avancent pas à pas dans leurs découvertes, en produisant un grand nombre de tableaux, Szinyei lui, peint très peu et avec presque chacune de ses oeuvres si personnelles il fait un bond en avant. Ce fait s'explique peut-ête par la rapidité fulgurante de ses réactions nerveuses aux impressions venues de l'extérieur. La première impression de ce genre, il l'a reçue de Böcklin. Mais il n'y a qu'un seul tableau, le Faune et la nymphe qui montre que l'in­fluence étrangère sur son évolution a eu de l'impor­tance et a produit un effet heureux. Et il est signi­ficatif que ce tableau a été la première composition qu'il a achevée. Mais Szinyei, plus jeune que Böcklin et ayant une conception plus moderne que lui, a eu une idée plus nette de la voie où s'engagerait la pein­ture. Dans son tableau Mère et ses enfants, exécuté en 1868, il fait un saut brusque : il commence à employer des couleurs claires comme une conséquence naturelle des problèmes posés par le Faune. Il va tout naturelle­ment de soi pour Szinyei que ce pas décisif vers le naturalisme doit être fait non pas par l'emploi de symboles et d'un revêtement mythologique dans le but de représenter la nature, mais par le naturel lui­même. Le peintre doit représenter non pas des nym­phes et des faunes, mais des hommes d'aujourd'hui, vêtus selon la mode du jour. Cette découverte lui permet de dépasser l'art de Böcklin. » Après cette introduction, Edit Hoffmann compare les esquisses de Szinyei, la Balançoire et le Séchage du linge aux tableaux de Courbet, Demoiselles de village (1851) et Les demoiselles au bord de la Seine, puis au Déjeuner sur Vherbe et à Dans le parc de Monet, sans oublier les tendances modernes, italiennes et alle­mandes. « Ces deux esquisses de Szinyei sont d'une nouveauté étonnante. On croirait le voir bondissant dans l'impressionnisme. Le thème même rappelle les impressionnistes, p. ex. Manet qui, quelques années plus tard, traitera un sujet très ressemblant dans son tableau Le linge. Les esquisses de Szinyei donnent l'impression d'oeuvres impressionnistes, mais (dies sont redevables de cette merveilleuse impression insaisissable au fait qu'elles sont restées à l'état d'esquisses. Exécutées en grand elles feraient le même effet que le tableau Mère et ses enfants, c'est-à-dire (Iles feraient l'impression d'une tendance moins avancée. Si ces tableaux avaient été peints à Paris, on ne les considérerait pas comme des esquisses mais comme de vrais tableaux qui, en cette aimée de 1869, auraient trouvé leur place dans l'évolution de la pein­ture 1 . C'est l'année où Monet va s'installer à Argcn­teuil pour se consacrer entièrement à l'étude de la, nature. » Au cours de cette comparaison, Edit Hoff­mann constate que « le Déjeuner sur Vherbe de Szinyei est la solution la plus heureuse de ce thème de Déjeu­ner, même en tenant compte de toutes les oeuvres au même sujet des peintres français. Le Déjeuner sur Vherbe n'est pas seulement la plus belle toile hongroise, mais il est tout simplement la plus belle toile que l'art universel a produite dans ces années. Et il l'est non seulement par sa composition, mais aussi par la manière de peindre de son auteur. Les tableaux que Manet a peints à Argenteuil un an après le Déjeuner, produisent un pur effet de plein-air dans le sens courant du mot sans réussir toutefois à résoudre mieux le problème que Szinyei ; Monet, à son tour, trouve une solution ingénieuse bien que toute méchani­que, en décomposant les couleurs. Seul Szinyei par­vient à une vraie solution, mais celle-ci ne peut être ni generálitée, ni rendue permanente. Dans son tableau, les vapeurs d'un jour d'été font perdre aux contours des formes et du dessin leur netteté, et nous avons le sentiment que l'air absorbe les figures et embrasse, en une seule unité, le paysage, les personnes, l'atmosphère et les taches d'ombre. Pourtant ce n'est pas à l'incom­parable éclat des couleurs, mais plutôt à la composition et à l'intensité singulière du vert du gazon que le tableau doit sa puissance agissant d'une manière étrange sur l'oeil aussi bien que sur l'âme du specta­teur ; ce vert, tout en enchantant l'oeil, l'éblouit à tel point que le spectateur croit voir vibrer le champ avec toutes les figures humaines. Tout comme en pleine nature. Szinyei n'a pas décomposé les couleurs, mais il a réussi à influencer la vue de façon que le spectateur voit dans le tableau les choses tout autrement qu'il les verrait par exemple un jour d'automne sous un ciel couvert. Voilà le grand tour de force de Szinyei clans la peinture ! Par ce moyen il a pu établir entre l'oeu­vre et le spectateur une communauté de sentiments

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