dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)
jamais supposée jusqu'ici. S/.iiiyei souffrait cruellement de la déception causée par l'accueil fait à son tableau. Mais toutes les souffrances, toutes les déceptions, le déclin même de son art no comptent pas à côté de la grâce qu'il avait eue de pouvoir créer ce chefd'oeuvre, le Déjeuner sur Vherbe. » Dans l'ouvrage « Histoire de la peinture hongroise moderne», par István Genthon, nous lisons, au sujet du Déjeuner sur Vherbe, des remarques substantielles : « Le Déjeuner sur Vherbe est une des plus importantes oeuvres de la peinture hongroise moderne. Le peintre réussit cette fois pleinement à réaliser ses projets. Le tableau est généralement considéré comme une oeuvre impressionniste, quoique cette définition souffre certaines réserves. U est impressionniste par sa composition d'optique, mais à l'encontre de l'impressionnisme mûr, il rejette l'éclairage uniforme, il conserve la structure réelle du monde extérieur et garde, sous la protection des ombres jouant le rôle de filtre, les couleurs locales aussi, et met au centre du tableau la variété pittoresque des figures humaines et l'harmonie délicate des couleurs de leurs vêtements. Du point de vue du style, il se place entre le naturalisme adouci pieturalement et l'impressionnisme dont il est plus rapproché par les problèmes de la représentation de l'atmosphère. On pourrait le prendre sans se tromper pour un ouvrage timide, précurseur de l'impressionnisme. Mais cette timidité fut dans son milieu et à son époque une grande audace comme certaines dates de l'évolution de la peinture moderne le prouvent. Les données dont nous disposons n'expliquent pas parfaitement la genèse du Déjeuner. Szinyei, sollicité plusieurs fois, en parla. Des explications que nous tenons de lui, il ressort qu'il n'a pas connu les impressionnistes français. Les déclarations ultérieures de ce genre ont, en général, une valeur assez hypothétique, mais celles de Szinyei se trouvent bien justifiées par deux faits. Le premier ouvrage en date de l'illusionnisme français, l'Impression de Monet, fut peint un an après le Déjeuner, donc il n'a pas pu l'influencer et, ce qui est plus important encore, le Déjeuner est exempt de toute influence française. On se demande si cet ouvrage, comme la déesse Minerve sortant tout armée du cerveau de Jupiter, n'est pas apparu, lui aussi, soudainement et d'une manière inattendue. Il est plein de mystères, mais il n'est pas inexplicable. Il ne doit rien à la peinture française, mais il a des rapports étonnants avec Böcklin. L'autoportrait de ce dernier, représentant l'artiste en compagnie de sa femme dans un paysage aux tons extrêmement délicats, est très rapproché de l'intimité et de la tendresse propres aux formes de Szinyei. C'est seule cette manière de présenter sans affectation, faisant une impression profonde: par I emploi de couleurs transparentes, peut être considérée comme précédant immédiatement le Déjeuner. (Le portrait de Böcklin date de 1868 et se trouve au Nouveau Musée de Berlin). (jette manière devient nouvelle et d'une importance capitale non pas par la forme d'expression que lui a donnée Böcklin, mais grâce à l'audacieuse transposition de cette expression picturale, ce qui fut le principal mérite de Szinyei. (Jar notre peintre, filtrant cette influence, n'en garda que certains éléments qu'il mit ensuite au service de tendances tout à fait différentes. Il mit l'accent sur le problème de l'atmosphère, s'attaqua hardiment à la lumière négligée ou reléguée au second plan par Böcklin. Le Déjeuner constitue une étape très importante dans l'histoire de la peinture européenne par le seul mérite et pour la seule gloire de Szinyei qui a été un précurseur original devançant ainsi la peinture allemande. » Citons un passage de la conférence d'Aurél Benrath faite à l'occasion d'une fête commemorative : «Si nous voulons nous représenter notre civilisation, c'est-à-dire notre conscience nationale et, cela faisant, notre regard embrasse les trois points de repère des géomètres qui peuvent en l'occurence aider une nation à se mesurer elle-même, parmi les figures, scènes historiques, idéaux pétrifiés et monuments artistiques qui nous reviennent à la mémoire, nous découvrons certainement le Déjeuner sur Vherbe de Szinyei aussi. J'ai réfléchi pourquoi je considérais et je considère toujours le Déjeuner dans notre musée comme une étoile fixe ayant parmi les oeuvres les plus belles même une place à part. Pourquoi ce tableau qui force naturellement notre admiration par ses qualités picturales, réchauffe-t-il encore notre coeur? Pourquoi est-il universellement considéré comme un représentant élu de la nation, le dépositaire des caractéristiques du génie national? Je regarde le Déjeuner en y cherchant les signes révélatours de cotte destinée. Je m'étonne en voyant sa supériorité assurée et l'arme acérée de sa simplicité par laquelle il réduit facilement à néant tout ce que la peinture peut avoir de remuant, d'enflé, de louchant vers ce qui n'est pas à sa portée. U a un trône dans notre musée et sur ce trône il règne simplement ... Dans son Déjeuner, Szinyei ne suit pas docdlcment le naturalisme. U a eu le courage de n'être ni naturaliste, ni impressionniste. Ou pour mieux dire, il a donné à ce qu'il y avait appris, un tel éclat que le naturalisme en a été ébloui, c'est à cela qu'il doit son caractère solennel. Quand je dis qu'il a donné de l'éclat à ce qu'il avait appris dans le naturalisme, je veux dire que Szinyei a réussi une transformation extraordinaire de la représentation picturale . . . Peindre