dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)
un éclat admirable. Bref, le Pique-nique de Mai marque un progrès incontestable dans la conquête de la lumière, et une histoire générale de l'art européen ne saurait négliger cette contribution géniale d'un peintre hongrois aux progrès de l'Impressionnisme. De pareilles anticipations étaient trop hardies pour être comprises. Le chef-d'oeuvre resta méconnu à Munich comme à Vienne : l'artiste fut considéré comme extravagant ; un critique l'accusa même d'être en proie au «delirium colorans». Découragé, Szinyei se retira dans ses terres et renonça pour un temps à la peinture. Il y revint sur le tard ; mais son élan était brisé, et les paysages qu'il peignit en ses dernières années ne font que répéter avec; un peu de lassitude le triomphal Pique-nique de Mai.» Nous trouvons dans l'ouvrage de Focillon ,,La peinture aux XIX e et XX e siècles» (Paris 1928), un jugement analogue en compagnie de remarques très personnelles et un peu saugrenues : « Le plus remarquable est sans doute Szinyei, dont l'histoire n'est pas sans tristesse. Ses premières expositions à Munich furent accueillies sans succès. Pendant des années il cessa de peindre, puis s'y reprit, plus faible et plus anecdotique que jadis, mais d'une touche habile et légère. Ses oeuvres plus anedennes montrent un mordant et une poésie de caractère dans l'interprétation du moderne qui le placent non loin de nos maîtres de 1863, Bazille par exemple, et non loin de la période moyenne de Leibi, mais avec une palette plus vive et riche en accords inédits (La Dame en violet, Budapest). Son oeuvre la plus connue, et d'abord la plus discutée, (Le Pique-nique, 1873, Budapest) nous charme aujourd'hui par le modernisme d'une composition imprévue et vraie, par le bouquet des tons, d'une fraîcheur qui va jusqu'à l'acide. Il ne semble pas qu'il ait connu Manet. U y a là, non pas influence, mais accord, et c'est remarquable. » Tibor Gerevich a découvert une analogie très intéressante en rangeant les tableaux impressionnistes de Szinyei parmi les oeuvres d'art hongroises telles que la statue de Saint Georges des frères Kolozsvári et les tableaux d'autel du maître aux initiales M. S., parus comme des météores précédant leur époque. Dans son étude «Le maître du Déjeuner sur l'herbe et des oeuvres ultérieures», Lipót Hermann écrit: « En peignant le Déjeuner, Szinyei ne suivait pas la mode de l'impressionnisme puisqu'il fit le tableau dans son atelier et presque exlusivement de mémoire s'aidant tout au plus de quelques esquisses rapides au crayon. Malgré toute sa facilité, la richesse et la sérénité de son coloris, ce tableau contient tout ce que nous considérons comme spécifiquement hongrois et qu'une comparaison avec d'autres tableaux fait ressortir encore davantage : son attachement au terroir et la profondeur de son contenu, ce qui pourrait constituer pour un étranger le caractère national du tableau, une sincérité spontanée, une franchise apportée des steppes asiatiques, une compréhension des autres et le plaisir inné d'exprimer la joie et le plaisir de vivre. Les tableaux de Manet sont marqués d'une réserve élégante qui s'explique peut-être par la distinction de sa manière. Le spectateur est séparé de l'artiste par une froideur distinguée, par une sorte de cloison en verre ; il peut tout voir sans avoir l'accès à l'essence du tableau. Le Déjeuner sur l'herbe de Szinyei respire l'affabilité hongroise. L'artiste s'exprime franchement, sans aucune réserve, il offre tout ce que son coeur contient et c'est presque symbolique qu'il est luimême présent dans la scène représentée sur le tableau. Là, pas de cloison de verre, le spectateur peut, s'il le veut, s'installer, il est chez lui dans cette compagnie saine, pittoresque, sereine, il peut aller se promener sur le versant de la colline, jouir du soleil et de l'insouciance heureuse à l'ombre rafraîchissante tout comme l'artiste et ses amis l'ont fait. Mais, à notre avis, nous devons étudier le Déjeuner sous un autre aspect aussi. Si nous regardons de près et d'un oeil non averti la composition de cette oeuvre, nous constatons qu'elle produit toujours un effet singulier parce qu'après tant d'années, nous n'arrivons pas à la classer parmi les normes admises de la composition, tant elle diffère sous ce point de vue des oeuvres du même genre. La ligne du ciel ne respectant pas la sectio aurea, délimite une bande excessivement étroite. Elle est coupée obliquement par la ligne de l'horizon comme cela arrive souvent en d'autres tableaux de Szinyei, puis elle redevient droite en se continuant au-dessus du champ de blé, à droite du tableau. Sur le versant de la colline, les personnes se reposant et groupées, en apparence, au hasard mais un hasard voulu, ressemblent, par l'harmonie merveilleuse de leurs couleurs, à un bouquet de fleurs. La première esquisse du tableau est très instructive pour nous. Nous y voyons une tache claire sans contour, appliquée d'une manière inconsciente sur une tache vert foncé. U nous semble y voir se manifester avec; force une instinctivité non gouvernée, mais nous savons par expérience que le peintre en posant au petit bonheur les couleurs sur la toile, suit pourtant toujours les lois de la composition qui lui est propre. Naturellement les mouvements personnels et caractéristiques de la main y jouent aussi un rôle. Dans le cas du peintre, cela se traduit par la direction de ses touches. Même un observateur superficiel est amené à constater chez le Tint oret les demi-cercles et les cercles s'interpénétrant, les triangles dans les tableaux de Raffael représentant des Madones, les contrepoints des ondes de Rubens, les touches verticales et to