dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)
sions réelles. Il compose par couleurs, mais c'est à la nature qu'il emprunte l'art d'harmoniser ses couleurs. Avec Munkácsy, il représente le sommet le plus élevé de l'art hongrois. A eux deux, ils constituent les deux pôles de l'âme hongroise d'où est r.é tout notre art, expression variée, momentanée et éternelle du génie national. Tandis que la gravité sombre de Munkácsy est la manifestation instinctive du pessimisme du Hongrois accablé par le destin, Szinyei est l'expression de la confiance radieuse, de la force vitale, de la saine joie de vivre, en un mot, d'une conception hereuse du monde qui redonne au Hongrois un optimisme triomphant de tous les maux, de tout orage, de toute tristesse dans lesquels le sort le jette. » Au milieu des années 20, des critiques d'art français s'occupèrent aussi de Szinyei. Le premier qui parla de lui fut Léonce Bénédite, dans son ouvrage « La peinture au XIX e siècle ». Après lui, Foeillon apprécia le Déjeuner sur l'herbe de Szinyei dans un chapitre de son ouvrage magistral, paru en deux volumes. Mais le critique d'art français le plus important de notre point de vue, c'est Louis Réau, un des collaborateurs de l'Histoire de l'Art, éditée par André Michel. U vint personnellement à Budapest pour étudier l'art hongrois et voir le Déjeuner sur l'herbe de Szinyei. A la suite de ce voyage, il consacra au peintre hongrois une étude à part dans son «Histoire de l'expansion de l'art français», publiée en 1928 à Paris:» «Le cas de Paul Szinyei Merse (1845 — 1920) est encore plus caractéristique, en ce sens qu'il subit indirectement et à distance l'influence des maîtres français, avant même de les connaître. Elève de Piloty à Munich, admirateur et ami de Böcklin, il semblait aussi peu préparé que possible à accueillir 1 le nouvel évangile. C'est cependant à Munich qu'il reçut le coup le foudre. U lui suffit d'entendre les récits enthousiastes de ses camarades qui s'étaient rendus à la grande Exposition parisienne de 1867 pour s'enflammer à leur contact. « Mes amis peintres, raeonte-t-il, qui avaient visité l'Exposition universelle de Paris, disaient merveille des peintres français. Us ne se plient à aucune règle de composition et sont dans la couleur d'une sincérité absolue. Mais alors, pensai-je, ils font tout justement ce que moi, je voudrais faire ! C'est ainsi que je devins le disciple des peintres français sans avoir jamais vu aucun de leurs tableaux. Je les ai imités, ab invisis. » U n'alla pas à la montagne, mais la montagne vint à lui. Deux ans après cette conversion indirecte, il put admirer à Munich, à l'occassion de la fameuse exposition de 1869, quelques-uns des chefs-d'oeuvre de Courbet. Son attente ne fut pas déçue. U écrit à son père : « Cette exposition est extraordinairement grandiose ; elle dépasse toutes nos prévisions et elle est pour moi d'une importance capitale, car c'est aujourd'hui seulement que j'ai l'occasion de comparer notre école avec d'autres et de constater l'indiscutable supériorité des Français.» Sans renier son ancienne admiration pour Böcklin dont les mosaïques de couleurs rutilantes l'avaient séduit, il l'associe ou le subordonne désormais à Courbot, maître de l'unité de ton dans l'atmosphère, et sous cette double influence naît le Pique-nique de Mai de 1873 : véritable tableau de plein-air qui date dans l'histoire de la peinture hongroise.» En 1929 parut le tome VIII de l'Histoire de l'Art d'André Michel. En y parlant de Szinyei, Louis Réau écrit: «Bien qu'il soit peu connu à l'étranger, ce peintre est peut-être celui dont la Hongrie est à juste titre le plus fière. Plus aristocrate et plus affiné que Munkácsy, il a sur Paál l'avantage de savoir associer harmonieusement la figure au paysage. Sa formation ressemble à celle de ses contemporains. U commença par subir des influences germaniques : celle du peintre d'histoire Piloty chez lequel il fit son apprentissage à Munich, puis celle du Suisse Böcklin avec lequel il se lia d'amitié et dont il admira passionnément le panthéisme puissant et le coloris intense. Son premier tableau imposant, le Faune, procède visiblement des chèvre-pieds böckliniens. Mais on voit tout d'un coup l'influence française l'emporter sur ces influences allemandes ; fait d'autant plus remarquable que Szinyei n'était jamais allé à Paris. C'est indirectement et, comme il dit lui-même, ab invisis qu'il éprouva à Munich le coup de foudre.» Dans ce passage Réau redorme les propres paroles et le texte de la lettre de Szinyei au sujet de l'exposition de 1869 et de l'impression des tableaux de Courbet sur lui, puis il continue : ,,Dès lors, le culte de Courbet se superposa à son admiration pour Böcklin, et c'est de la fusion de ces deux influences antagonistes que naîtra en 1873 le chef-d'oeuvre de Szinyei, l'oeuvre maîtresse de toute la peinture hongroise : Le Pique-nique de Mai (mufée de Budapest). La composition de cette toile éveille le souvenir d'une scène du Décaméron ou d'une Fête galante de Watteau, transposée dans le costume moderne. Par une belle journée de mai, des jeunes gens et leurs amies sont partis en excursion ; ils se sont arrêtés pour déjeuner à l'ombre sur le versant d'une colline. Audessus de cette pente gazonnée que veloutent par endroits des rayons de soleil, luit un ciel bleu pommelé de quelques nuages blancs. Comme le Déjeuner sur l'herbe de Manet, avec lequel l'on l'a souvent comparé, ce tableau a été peint à l'atelier ; mais il donne davantage une impression de plein-air ; les couleurs, encore un peu ternes dans le tableau de Manet, prennent ici