dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)
mûrs déjà dans la première partie de la seconde moitié du siècle passé. C'est grâce à lui que la peinture hongroise est devenue une peinture moderne, c'est-à-dire un art qui prend ses racines dans son propre temps, et aussi une peinture nationale, c'està-dire un art ayant des visées propres qu'il s'efforce d'atteindre d'une manière personnelle et par ses propres moyens. Avant S/.inyei, la peinture hongroise n'était qu'une ramification des peintures austro-allemande et française dont elle ne se distinguait tout au plus que par le choix de sujets nationaux. Il nous intéresse peu de savoir comment Szinyei a pu arriver au problème de la peinture moderne, ce qui nous importe, c'est de constater qu'il a fait ce pas détdsif au même moment que les peintres français. L'accent doit être mis non sur la priorité, mais sur la simultanéité. Le thème traité par Szinyei dans le Déjeuner sur Vherbe n'est pas un sujet nouveau dans l'histoire de la peinture, surtout dans celle de l'impressionnisme, mais le peintre hongrois dépasse, parla façon dont il a posé le problème de l'impressionnisme, tous ceux qui l'ont précédé par des oeuvres du même sujet, sans aller pourtant aussi loin qu'iront les impressionnistes venant après lui. Les personnages représentés par Szinyei ont encore une existence et une importance propres comme ceux des autres tableaux du même thème, mais ils sont mieux adaptés au paysage, au plein-air que les autres ...» Károly Lyka, dans le recueil d'études publié en hommage à Szinyei, s'occupe du Déjeuner d'un tout autre point de vue : « Au moment où Szinyei exposait en 1873 son oeuvre principale, son chef-d'oeuvre, il s'isola d'un seul coup de l'opinion publique, de la critique et de ses confrères parce que sa création ne correspondait en rien à la conception que ceux-ci avaient de l'art. Parmi les étrangers, il était aussi étranger, de même qu'il l'était parmi ses compatriotes. Semblable en cela aux enfants, Szinyei, en tant qu'artiste, n'a pas de biographie. Tout ce qui est arrivé à l'homme sur le théâtre de la vie, est resté sans effet sur l'artiste. Nulle trace ne peut en être, décelée dans ses tableaux. Ceux-ci ne parlent que d'une chose : de ses rapports avec le ciel et le sol de son pays natal. Il en était pénétré. Ses tableaux sont une confession de cet amour. Le peintre-poète donne une expression concise et vigoureuse à tout ce qu'il ressent profondément et c'est ce qu'il a fait jusqu'à la fin de sa vie. U n'a pas de tableaux prémédités. Pour s'exprimer, il n'emprunte ses moyens à personne, il les trouve en lui-même. » En parlant de l'homme, Géza Molnár, dans un discours solennel, prononce les paroles suivantes : « Szinyei contemplait la nature et la reprodusait sur la toile avec la même beauté émouvante que Gáspár Károlyi avait traduit les Saintes Ecritures. Dans ses oeuvres la beauté est intimement liée à la vérité, à la recherche passionnée de la précision dans la réalité. C'était un esprit cultivé, mais non une âme tourmentée qui aurait souffert des limites éternelles des connaissances humaines, que lui-même ne désirait pas élargir. Ce qu'il cherche, c'est la certitude ; celle du cerveau, de l'oeil, de la critique et de la parole. » Ervin Ybl apprécie l'importance de Szinyei dans une étude consacrée au paysage hongrois : « Vers la fin des années 00 ou plutôt vers le début des années 70, à l'aube de l'âge d'or de l'art hongrois, le paysage hongrois prend un grand essor. Nous pouvons y discerner trois tendances principales : la première est représentée par Pál Szinyei Merse, la seconde par László Paál et Munkácsy et la troisième par Géza Mészöly. De sa jeunesse passée dans le comitat Sáros, Szinyei apporta à Munich l'amour des couleurs du paysage natal et il se heurta à l'idéalisme de Böcklin intensifiant les couleurs et aux tonalités étudiées du naturalisme de Courbet. Il y a une différence énorme entre les conceptions artistiques de ses deux grands maîtres, pourtant la peinture de Szinyei est née de l'harmonisation instinctive et géniale de ces deux idées si différentes. Seul Szinyei était capable de la faire. Son âme et son oeil de peintre l'y prédestinaient. Le fils d'une ancienne famille de gentilshommes propriétaires terriens hongrois avait une âme plus distinguée que celle d'un Courbet d'une robustesse paysanne et grâce à ses origines, il avait plus de réalisme que Böcklin attiré par ses rêves dans les champs élyséens ou dans des précipices romantiques. En nous demandant si le Déjeuner sur Vherbe est un paysage, oui ou non, nous ne pouvons pas donner une réponse catégorique. Ce tableau est en même temps un paysage ci une oeuvre figurée. Les personnages n'y sont pas de simples figurants destinés à animer le paysage, mais ce sont des éléments indispensables et inséparables par leurs couleurs aussi bien que par leurs formes. Le Déjeuner est la manifestation d'un peintre génial qui s'est retrouvé, une oeuvre à laquelle nous pourrions donner le nom de composition de plein-air. » István Réti compare Szinyei à Munkácsy : « Szinyei a découvert la lumière, les couleurs, l'atmosphère de la nature avant et sans Paris. Toute sa peinture est une glorification du printemps et de l'été ensoleillés, du ciel bleu moutonné, des collines et des champs prin tamers brillant sous la lumière radieuse. Pareils à un bouquet fraîchement cueilli à l'aube d'un jour d'été, les tableaux de Szinyei respirent l'amour ardent des couleurs intenses. Pareil au vent ranimant la braise, son imagination ravive et colore ses impres-