dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)

« Quel merveilleux crépuscule ! C'est son crépuscule à lui ! Au loin, on voit encore le halo aveuglant d'un soleil embrasant une partie du firmament. Le soleil va se coucher, mais si vous ne saviez pas que c'est l'après-midi, vous seriez tenté de croire qu'il va se lever. A l'horizon le ciel moutonne, des nuages dé­chirés volent rapidement ; dans les champs fleuris de coquelicots, une belle fille s'avance vers le village. Elle va frapper à la fenêtre du petit atelier à Jernye. Laisse-moi entrer. Qui es-tu? Je suis la gloire. Ils se sont enfin rencontrés. » József Keszler donne, dans Újság (6 janvier 1905), un long compte-rendu plein d'admiration pour les tableaux Pin résineux, Bouleaux, Pleine lune, Fonte de neige, mais il passe sous silence les toiles exposées pour la première fois : la Balançoire, le Séchage du linge, la Promenade à Tutzing, le Tourbillon, la Femme à la robe violette puis, en parlant du Déjeuner, il prétend à tort qu'il aurait été peint à Jernye, dans une grange. Dans Pesti Hírlap (8 janvier 1905), László Kézdi Kovács se souvient d'avoir été, tout jeune, à la Galerie d'Art et d'y avoir assisté à une scène au cours de laquelle Keleti et ses amis seraient partis d'un rire énorme devant V Alouette de Szinyei, blâmant les couleurs soi-disant barbares du tableau et son tond pareil à un «paravent» et comparant ironique­ment le groupe coloré du Déjeuner à un amas de linge mis au séchage mais roulant sur la ponte abrupte de la colline. Dans Pester Lloyd (8 janvier 1905) .Miska Rothauser constate que Szinyei est certainement le premier peintre du plein-air et que sa toile imposante, le Déjeuner sur Vherbe dont le moindre détail est plein de vie, fournit la preuve éclatante cpie son auteur a réussi à se libérer de toute influence étran­gère et à trouver sa personnalité. Dans Magyarország (8 janvier 1905) un critique qui signe B. G y., rapproche la manière des études en couleurs de Szinyei do celle d'un peintre anglais, Bonn ing ton. Selon le critique de N'eues Pester Journal qui signe Dr, le premier tableau sortant de l'école française du plein-air, fut peint en 1870, par Manet. Mais Szinyei avait peint déjà en 1869 deux tableaux, la Mère et ses enfants et le Couple d'Amoureux, dans lesquels il se révélait comme un plcinairiste parfait. (Notons que le critique ne dut connaître ces deux toiles que d'après des reproductions). Ces oeuvres furent suivies par le charmant Déjeuner sur Vherbe et par le chef-d'oeuvre du plein-air, V Alouette. Dans Alkotmány (8 janvier 1905) László Márkus écrit comme suit : « L'exposition rétrospective con­sacrée aux oeuvres de Pál Szinyei Merse et qui sera inauguiée demain au Salon National, sera une révé­lation pour le public. Les visiteurs y verront un art puissant devançant en beaucoup l'art européen et devançant de quelques dizaines d'années les courants se manifestant dans la civilisation hongroise. Us y verront aussi les débuts d'une tragédie, les intrigues de l'art officiel dominant, le découragement de l'ar­tiste qui s'en est suivi, puis, à la fin, les signes de son énergie indestructible, la renaissance de son ambition qui lui a fait produire, à nouveau , dans les dernières années, des toiles magistrales. » Dans l'hebdomadaire Hét (15 janvier 1905), un écrivain sous le pseudonyme Marco, croit devoir rendre justice à Szinyei : « Le délire colorant que Keleti comptait parmi les sept péchés capitaux, est pour nous une passion sacrée pareille à l'extase du prophète délivrant les âmes et, dans le jour insolite, presque sensuel du Déjeuner sur Vherbe, dans le velours de ses ombres, nous voyons flamber le feu inextingui­ble de Johanaan annonçant la rédemption . . . Szinyei se trouve maintenant à l'après-midi précoce de son art. L'air est devenu plus frais, les couleurs pleines des champs et des verdures sont comme recouvertes d'un voile à peine perceptible. Ce n'est pas un déclin, c'est un apaisement naturel après les hosannas retentis­sents, une résignation au son de violon plus étouffé, l'acceptation d'une mélancolie virile et chaude née d'un passé encore proche et d'un présent plein du sentiment noblement modéré de la victoire et que l'artiste exprime parfaitement par les touches d'une main rêveuse et pourtant énergique. » Le correspondant anonyme, aux initiales K. S. du journal Nap (8 janvier 1905) émet, probablement sous l'influence de l'exposition îétrospoctive de Károly Ferenczy, une opinion très personnelle et unique dans la riche littérature consacrée au Déjeuner sur Vherbe : ,.L'amour de l'air, l'alliance chaude des tons, la reconnaissance absolue de l'importance de la lumière et du soleil, source de toute vie, que nous constatons (diez Szinyei, s'accordent parfaitement avec la con­ception de notre 1 grand Ferenczy dont la nette supé­riorité en peinture ne lui nuit pourtant pas. Szinyei n'a pas su inventer la technique propre à cette nouvelle conception. Il avait un cerveau et des yeux tout mo­dernes, mais la main restait hésitante et peut-être trop attachée au passé. Au premier plan du Déjeuner sur Vherbe, la pente de la colline sur laquelle des taches d'ombre et des taches de lumière éclatantes se succèdent, est douce et accueillante, cependant les contours des figures couchées dans l'herbe ne ressor­tent pas du paysage. Et là où la colline s'élève de quel­ques mètres, nous avons le sentiment de respirer l'air froid et sec de la montagne. Et le champ à moitié

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