dr. D. Fehér Zsuzsa - Kabay Éva szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 2. szám (Budapest, 1960)
sinon lo jeune poète du Déjeuner sur Vherbe, mais un homme parfaitement équilibré, enrichi d'une profonde philosophie et montrant au monde une personnalité marquante qui, pareille aux facettes du diamant reflétant en différentes couleurs les rayons du soleil, rendait richement la moindre impression. Cette sérénité retrouvée de sa jeunesse paraît à la fin de son autobiographie qu'il confia, au critique' d'art Malonyay : « Enfin, j'ai tout dit. J'ai même jeté tout mon venin. Mais je ne suis pas pour cela un homme amer, méchant. J'aime la bonne vie, bien boire, bien manger, je prends avec humour le bien et le mal parce qu'ils l'ouï partie de la vie qui en elle-même est, malgré tout, très belle. » Dans son exil volontaire, il semblait qu'il avait oublie la peinture, mais par bonheur, ses amis n'avaient pas oublié son art. En 1894, Elek K. Lippich, rapporteur à la section des beaux arts du Ministère de l'Instruction publique, accorda une bourse à Tivadar Zemplényi, jeune peintre originaire d' Eperjes, en lui demandant d'aller voir Szinyei à Jernye et de tâcher de lui faire reprendre le travail. Le petit complot réussit. Szinyei regardait son jeune collègue travailler, puis lui aussi prit le pinceau et il se mit à peindre à ses côtés. Il finit par envoyer au Salon quelques tableaux dont Oculi, acheté par le roi. Encouragé par ce succès, il présenta au public de l'Exposition de 1896, année du Millénaire hongrois, huit toiles, et parmi elles le Déjeuner, VAlouette, le Faune (fig. 26.), le Rococo, la, Fonte de neige (fig. 27.). En ce qui suit, István Csók nous fait le récit de la découverte du Déjeuner : « Ce fut dans l'année du Millénaire Hongrois. Me trouvant devant mon tableau Elisabeth Báthory, exposé non pas dans les salles de la Galerie d'Art, mais dans une annexe, je remarquai un homme distingué plongé dans l'étude de ma, toile. Tout à coup il m'adressa la parole, j'ignorais d'où il savait que j'en étais l'auteur, et il exprima en des termes très élogieux, son admiration. Je discernais tant de connaissances et de goût artistique dans ses paroles que je ne fus point étonné à l'entendre dire qu'il avait peint autrefois aussi. Oui, jeune homme, dit-il, autrefois je pensais aussi à faire des choses audacieuses et glorieuses, mon rêve, mon désir sont les mêmes que les vôtres, seulement vous avez pu les réaliser, et moi, j'ai dû renoncer à la, peinture. Je ne pus contenir ma curiosité et je lui demandai à qui j'avais l'honneur de parler. Oh, répondit l'inconnu, en poussant un profond soupir, j'aurais beau vous dire mon nom, cela ne vous dirait pas grand'chose car je suis oublié, il y avait tant de tristesse et de renoncement dans sa voix que, tout ému, j'insistai pour qu'il me donnât son nom en lui promettant de ne jamais oublier celui à qui je devais cette critique d'une qualité si rare. — Bien, qu'il en soit selon votre désir, répondit-il, je suis Pál Szinyei Merse. — Je ne voulais pas en croire à mes oreilles. Je vous demande pardon, balbutiai-je, ai-je vraiment l'honneur de parler au peintre du Déjeuner et de V Alouette ? — Il s'étonna à son tour. — Comment, il y a encore quelqu'un qui se souvienne de moi? Et encore un jeune homme comme vous? Mais surtout les jeunes, éblouis par le succès, n'aperçoivent pas leurs aînés. » - Alors ce fut mon tour de parler. Je lui ai épanché mon coeur en lui racontant avec l'effusion d'un enthousiasme juvénile, quelle poignante impression ces tableaux avaient faite sur moi dix à douze ans auparavant quand, élève de l'école des Beaux-Arts, je les avais vus pour la première fois, à l'exposition de la Galerie d'Art. C'était un événement inoubliable pour moi, je ne cessais pas d'en parler plus tard quand le silence s'était déjà fait sur eux si bien que j'avais beau m'intéresser à leur destinée, personne ne pouvait me dire ce qu'ils étaient devenus. Szinyei m'interrompit pour me dire qu'il les avait envoyés à l'Exposition du Millénaire et qu'il était curieux de savoir la décision du jury. — Là-dessus, je me suis précipité à la Galerie d'Art où je trouvais de nombreux tableaux posés dans un désordre indescriptible, contre le mur, attendant qu'ils fussent présentés au jury. Après de longues recherches, j'ai pu retrouver, dans un grand amas de tableaux, le Déjeuner sur Vherbe. Mon ami János T h orma, considéré alors après le succès de son tableau Les martyrs d' Arad, comme une nouvelle étoile de la peinture, se trouvait là. Mettant le tableau de Szinyei sous un jour favorable, j'appelais Thorma en lui disant : « Viens par ici, je viens de découvrir un débutant de valeur. » Thorma regarda longuement la toile, puis il me fixa d'un air interrogateur, après, reportant son regard sur le tableau, me demanda : « Qui est-ce qui l'a fait? Quelle fraîcheur ! U semble être enlevé du chevalet tout humide encore ! » Regarde la signature, lui répondis-je. Il la, lut à haute voix : Szinyei Merse 1873. Nous nous tûmes, et restâmes là, tout émus, sans parler. » (Magyar Művészet, 1926. Deuxième année, p. 32). Le récit d 'István Réti sur sa première rencontre avec le Déjeuner, constitue une suite naturelle à celui de Csók : « Thorma, plein d'enthousiasme, nous a conduits devant les toiles de Szinyei. Le nom du peintre ne nous disait rien, mais nous sommes restés longtemps devant ses tableaux, plongés dans une admiration muette mêlée d'incertitude. C'était quelque chose de nouveau ne ressemblant pas aux tableaux modernes que nous avions vus soit à Municdi, soit à Paris. Ce n'était ni naturalisme, ni impression-