dr. D. Fehér Zsuzsa - Pásztói Margil szerk.: A Magyar Nemzeti Galéria Közleményei 1. szám (Budapest, 1959)

acquisition nouvelle, «l'Autoportrait à la mitre» (Fig. 21.) exécuté en 19 2 3 74 . Il est composé de formes dures et sombres. La couleur du visage pétrifié rap­pelle le jaune écarlate de la feuille morte du sous-bois, le veston est de couleur sang coagulé et le fond du tableau est jaune verdâtre comme la bile. Une conster­nation profonde se peint dans les yeux. Le visage dur comme la pierre exprime la tension d'une iné­branlable résolution. Dans l'emblème de la version de gravure sur cuivre, il a indiqué la secte dont il est « l'évêque ». Sa vie et son oeuvre en témoignent : il est resté fidèle au peuple symbolisé dans l'insigne communiste et n'a jamais trahi la cause des paysans travailleurs et des ouvriers. Quant à la beauté pic­turale, cet autoportrait est loin d'égaler les portraits qu'il a exécutés d'après lui-même plus tard. Mais l'oeuvre est très expressive. Il serait cependant erro­né de la prendre pour une oeuvre expressionniste qui signifie autre chose dans le vocabulaire de l'historien de l'art. Pendant quelque temps, Derkovits conti­nuera encore à parler la langue surannée du Cubis­me expressif devenue provinciale par rapport à « l'évo­lution » de l'art occidental, mais ce qu'il dit est de plus en plus éloigné de ce que ses contemporains « les plus avancés », arrivés au point extrême du mysticisme ou de l'abstraction subjectiviste, se proposent d'ex­primer. La phase qui suit dans l'évolution de Derkovits est caractérisée par le fait que le thème de ses tableaux est étroitement lié à un espace et à un temps con­crets. Dans ses oeuvres exécutées pendant la période « panthéiste », il avait figuré des êtres qui n'exis­taient que dans un milieu abstrait et hors du temps. Dans les compositions peintes durant son séjour à Vienne, il y a déjà un contenu réel, mais les situa­tions sont encore beaucoup trop généralisées. Les tableaux de la période d'TJjpest (de 1927 à 1928) refléteront désormais les êtres et les choses de la vie qui l'entoure. Le changement est surtout manifeste dans les toiles comme « Moi et ma femme », les « Débardeurs » dont nous avons déjà parlé et la «Rue» (Fig. 24.) qui constitue, dans l'ordre chrono­logique, la troisième acquisition nouvelle du Musée 75 . Cette toile de grand format représente une rue typique de Pest, c'est-à-dire une rue de la rive gauche : des passants pris dans l'embouteillage de la sortie des usines, sur les murs et les colonnes de publicité des affiches criardes, à gauche, au premier plan, un marchand des quatre saisons et, au fond du tableau, un agent à cheval, figure caractéristique de Budapest à l'époque et symbole, aux yeux de Derkovits, du pouvoir d'État. En dehors de lui, toutes les autres figures de la composition représentent les petites gens citadins et provinciaux. Le choix des person­nages trahit l'intention de Derkovits. Ce n'est pas un tableau de genre qu'il avait voulu faire. I/oeuvre exhale la tristesse, les hommes regardent devant eux les yeux hagards, ils marchent, à peu près tous, la tête basse. Toutefois, cet accablement général n'a rien de commun avec la mélancolie hors du temps qui régnait si souvent dans ses tableaux du début, il est celui des prolétaires de la Hongrie d'entre les deux guerres. Le style de Derkovits est encore en formation, pourtant ces hommes ne sont plus des abstractions : ils tiennent de leur milieu et de leur époque ; la forme de leur tête et leur constitu­tion physique tout entière dénotent chez eux le milieu social d'où ils sortent et dont ils portent les caractéristiques de classe. Nous avons dit que son style de 1927 est un stylo de transition dont la « Rue » est la manifestation la plus complexe. Ici, dans le tourbillonnement de la composition, il se sert d'éléments de construction pour la diviser, mais ne réussit pas à la rendre moins encombrée ni à y introduire un ordre d'une disposition plus claire. La variante en gravure (1927) comptant moins de figures mais plus ordonnées, est une création graphique remarquable parce qu'elle est plus expressive et fait plus d'effet 7 ". L'artiste a un problème extra­ordinairement difficile à résoudre, il lui faut maintenir la composition dans la surface plane pour une repré­sentation qui s'étend dans la profondeur d'espace relativement grande de la rue ; la présence de la lumière solaire ne fait qu'augmenter les difficultés. Pour parvenir au but, il a recours à une figuration transposée et à un coloris parcimonieux — réduit aux variations du bleu, du brun et du jaune — des formes sommaires. Ce n'est qu'un demi-succès. Quant aux couleurs, le tableau fait l'effet d'un kaléidoscope. Der­kovits devait sentir les faiblesses de son oeuvre et ce fut probablement la raison principale — s'ajoutant à celle de la pénurie de toile —, qui l'a décidé à peindre les «Transporteurs de sable sur le Danube» au verso do la toile. Los fautes et les qualités que nous avons indiquées dans la « Rue », témoignent uniformément du revire­ment s'accomplissant dans son art et qui le poussera bientôt à essayer d'expliquer ses rêves et ses recher­ches non seulement dans ses oeuvres mais aussi dans une profession de foi concise qui s'oppose radicale­ment à la conception esthétique bourgeoise. Il la publiera dans le catalogue 77 de son exposition de 1927. Citons ce document d'une valeur incomparable: « Poindre un tableau — dit-il —, cela veut dire peindre sur une surface plane, donc dans deux dimensions et n'employant que des valeurs spéci­fiquement picturales : des lignes et des plans de couleurs et en respectant la surface plane comme la

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