Scientia et virtus. Un commentaire anonyme de la Consolation de Boece. Introduit et publié par Sándor Durzsa (A MTAK közleményei 5. Budapest, 1978)

20 psychiques et sprirituels qu'il faut interprêter "iuxta allegoriam", "iuxta spirituá­lém intelligentiam", "mystice, prophetice"; ce sont d'ailleurs les termes techni­ques les plus fréquemment employés de cette manière de voir. Le caractère platonicien de cette tendance est évident: elle cherche l'essence, l'idée derrière la réalité. C'est dans cet esprit qu'Isidore est conduit à constater que tout l'univers s'est formé sur le modèle de 1' Église: "Ad instar quippe ecclesie fabricatus est hic mundus." Rhaban Maur a composé une Encyclo­pédie volumineuse avec le titre de "De Universo", qui traite, selon ses paroles, "de rerum naturis et verborum proprietatibus nec non etiam de mystica rerum significatione". C'est également lui qui parle de l'interprétation double: "Quod idcirco ita ordinandum estimavi, ut lector prudens continuatim positam inveniret historicam et mysticam singularum rerum explanationem. "Cette manière de voir est formulée de manière très expressive par Jean Scot: "Nihil enim visibilium rerum corporaliumque est... quod non incorporale quid et intelligibile significat." Pierre Damien écrit au XI siècle que toute la nature est un "sacramentum salu­taris allegorie." A part quelques exceptions, on peut constater qu'avant le XII siècle, il n'est point question de l'autonomie de la nature, le ton catégorique est caractéristique avec lequel Manegold condame, au XI siècle, toute "philosophia mundana" en face de laquelle il insiste sur le "contemptus mundi" comme principe „ général. (48) Le XII siècle a apporté un changement fondamental en ce qui concerne cette manière de voir. Ce changement était le résultat d'un processus long et com­pliqué qui â commencé à l'époque de Jean Scot Erigène. C'est à partir de ce temps, donc depuis le IX siècle que commença à se répandre la cosmologie de Platon dont on fit la connaissance par le Timée qui fut transmis en partie par Cicéron et plus tard par Calcidius. C'est cette oeuvre qui représentait la source de 1* ensei­gnement cosmologique antique jusqu'aux temps où la physique d'Aristote en a pris la place dans la science occidentale. Dans le Timée on reconnut bientôt une affinité avec la Genèse de Moïse, surtout d'après le commentaire de Calcidius qui accompagnait la traduction. Cette traduction, expliquée par le commentai­re en question, a transmis, au moyen âge, un segment important de la science de l'antiquité à laquelle devaient puiser tous ceux qui désiraient dépasser l'al­légorisme moralisant des lapidaires et des bestiaires ou la cosmologie biblique aux contours incertains, pour marcher sur un sol plus ferme. Il résulte logique­ment de ce qui vient d'être exposé que la survie médiévale du Timée est en étroit rapport avec l'évolution de l'intérêt du moyen âge pour les sciences naturelles; il atteignit son point culminant plus tard, au XII siècle, dans le cercle des maîtres de Chartres, dans ce milieu culturel qui s'est développé auteur de la célèbre école de la cathédrale. Les différentes cosmologies du XII siècle concordent en ceci qu' elles tiennent le monde physique pour une "ordinata collectio creaturarum". Les créa­tures font donc partie d'une grande unité et ces parties correspondent en "con­sonantia" les unes aux autres. Ces cosmologies mettent en rapport la connais­sance des secrets de la nature avec la dignité humaine; dans son Microcosmus, Geoffroy de Saint-Victor , par exemple, mentionne la dignité humaine en rapport

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