Scientia et virtus. Un commentaire anonyme de la Consolation de Boece. Introduit et publié par Sándor Durzsa (A MTAK közleményei 5. Budapest, 1978)
21 de sa réalité corporelle /"dignitas hominis etiam secundum corpus"/(49) Il est naturel que, dans ce milieu, l'autorité de l'enseignement de l'éthique de l'antiquité se renforce: elle est l'expression la plus authentique de cette "ius naturae" que le Créateur a inscrite dans l'ordre de la nature. Les gloses dont on accompagne le Timée au XII e siècle, attestent que les commentateurs du XII e siècle ont compris la relation entre la réforme éthique et politique de Platon, ils ont compris ce "prologue céleste" représenté par le dialogue cosmologique du Timée, dont l'objet est la "naturalis iustitia sive mundi creatio". Un motif qui revient souvent dans les 'accessus' qui introduisent le Timée, est que le sujet du dialogue est la "naturalis iustitia sive mundi creatio" dont la connaissance est indispensable pour établir la "positiva iustitia." Citons à ce propos Guillaume de Conches: "Consideraverunt enim administrât or es rei publiée qualiter per naturalem iustitiam ita equantur vires elementorum, quod vis unius et motus non aufert motum vel vim alterius. Simili modo per positivam iustitiam voluerunt vires hominum ita adequari quod unus non noceret vel auferret alii. Inde videre secundum naturalem iustitiam ita modulari cursus siderum quod unus non impedit alium." (50) Notre commentaire répète, pour l'essence, la même idée: comme au ciel, le mouvement d'un astre ne contrarie pas le mouvement d'un autre astre, de même un homme qui vit raisonnablement, n'empêche ou ne dérange pas la vie juste et équitable d'un autre homme.Et comme parmi les corps célestes, certains passent devant, et d'autres les suivent en paix en leur obéissant, de même dans la société des hommes, il y a des supérieurs, et il y en a d'autres dont la tâche est de leur obéir humblement. Il clot et résume cette idée avec une belle comparaison: cette relation est comme celui des rameaux d'une haie qui s'entrelacent les uns avec les autres. D'après ce que nous venons d'exposer, il est clair que notre auteur anonyme fait profession de principes — en ce qui concerne la définition de l'éthique et quant à la place occupée par elle parmi les connaissances — qui reflètent expressément la conception à ce propos du XII siècle. La relation étroite de la nature et de la morale, la reconnaissance de l'autonomie de la nature et l'exploration de ses secrets, sont autant d'éléments caractéristiques de la pensée du XII siècle. Toutefois, ce n'est pas seulement sous le rapport de la définition de l'éthique et de la reconnaissance du principe de la "iustitia naturalis" que notre commentaire dirige notre attention dans cette direction. L'intérêt pour la nature s'y manifeste à plusieurs reprises, notamment dans les chapitres où il parle sur la structure du monde, sur la naissance des vents et sur d'autres phénomènes naturels. Cette préoccupation n'est pas unique parmi les commentaires sur la Consolation, car nous rencontrons la même tendance dans l'oeuvre de Guillaume de Conches, et sous une forme naturellement encore plus originale et autonome. Les connaissances astronomiques de notre auteur anonyme ne sont guère originales. Ses passages sur la structure de l'univers, sur le mouvement des astres, sur les phénomènes météorologiques sont des explications scolaires qui aspirent à la simplicité. Sa thèse, par exemple, selon laquelle la "fabrica mundana" se construit de quatre éléments, notamment de terre, d'eau, d'air et de feu, est une tradition qui se maintient sans interruption depuis l'antiquité. Il n'a pas con-