Scientia et virtus. Un commentaire anonyme de la Consolation de Boece. Introduit et publié par Sándor Durzsa (A MTAK közleményei 5. Budapest, 1978)

19 de l'intérêt pour la nature. A cette évolution de grande envergure de l'éthique se rattache très étroitement aussi le fait que, pendant ce siècle, de nombreux traités sont consacrés aux problèmes de l'âme et que les catégories psycholo­giques aussi se développent notablement pour être appliquées dans la classi­fication des facultés de l'âme. Le résultat de toute cette évolution est l'appari­tion des ouvrages qui peuvent être considérés comme des manuels d'éthique proprement dits, tels par exemple l'oeuvre int. le Verbum abbreviatum de Pierre le Chantre ou le Moralium dogma philosophorum dont l'attribution est discutée, mais qui est présumablement l'oeuvre de Guillaume de Conches. L'intérêt porté à l'éthique par le commentaire de Budapest est extra­ordinairement apparent. Il mentionne en premier lieu Socrate parmi les créateurs de l'éthique: "Manus philosophye sunt philosophi, per quos ipsa o­perata est contexendo artes, sicut per Platonem et alios multos physicam, per Soeratem et alios multos ethycam... " Il déforme le nom de la ville d'Elée et y fait résider Socrate: "Eleasis locus fuit, in quo Socrates de ethica scripsit." Dans le même passage, il classe Platon aussi parmi les auteurs d'ouvrages d'éthique: "Academya vero locus fuit in quo Plalo de ethica scripsit."(47) Voici, après ces considérations historiques, la définition qu'il donne de l'éthique dans sa classification des sciences dont nous avons parlé déjà plus haut: "Per ethicam vero comprehendit imperfectorum disciplinam, que est seeun­dum iustitiam naturalem." Dans sa définiton de l'"ars", il désigne clairement l'objet de l'éthique: "Sic enim physice materia est natura, ethice vero materia estmos...". Cette deuxième définiton n'exige pas d'explications; elle est intéressante parce qu'elle atteste que dans la classification des connaissances, l'éthique avait une place solidement constituée. D'autant plus importante et intéressante est, dans la première définition, la notion de "iustitia naturalis", que nous devons éclairer avec de plus amples détails. Portons notre attention, avant tout, sur le fait que "natura", comme objet de la science de la physique, paraît sous une forme autonome dans notre texte. Ce détail est très important, car il peut être situé dans une période déterminée de l'évolution. C'est que pendant de longs siècles du moyen âge, ce fut une conception allégorique et symbolique de la nature qui dominait. Selon saint Augustin, il faut envisager la nature comme un texte à lire qui avait été écrit par Dieu, et il faut la lire avec la même technique herméneutique que 1' Ecriture Sainte, avec la différence, naturelle­ment, que la Bible, l'histoire sainte ne peut être complètement dissoute dans les interprétations symboliques et allégoriques, car cela compromettrait la réalité de la révélation. Dans le livre de la nature, par contre, les possibilités du symbolisme sont illimitées. L'oeuvre int. De rerum natura d'Isidore explique les processus de la nature avec cette même méthode et, à sa suite, cette concep­tion sera étendue aussi sur les astres et sur les phénomènes célestes. Ainsi par exemple, en ce qui concerne les éclipes solaires, Isidore renvoie bien aux explications des physiciens et des sages, mais il croit reconnaître leur véritable signification dans la mort du Christ. Le Soleil est le symbole du Christ et la Lune celui de 1' Église. L'alternance des nuits et des jours figure la transition du mal au bien. Dans ce sens, le cosmos devient le transparent de différents phénomènes

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