H. Bathó Edit – Kertész Róbert – Tolnay Gábor – Vadász István szerk.: Tisicum - A Jász-Nagykun-Szolnok Megyei Múzeumok Évkönyve 12. (2001)
Rainer Babel: Comment documenter la politique de protection francaise á l'époque moderne: une reflexion
RAINER RABEL COMMENT DOCUMENTER LA POLITIQUE DE PROTECTION FRANÇAISE À L'ÉPOQUE MODERNE: UNE RÉFLEXION Sur les pages qui précèdent cette contribution, mes collègues médiévistes ont présenté leurs projets de documentation. Tous ces projets s'inscrivent dans de vastes cadres, où des hommes et des institutions coopèrent et qui sont destinés, quant à eux, à jeter les bases d'études détaillées. Je ne me trouve, quant à moi, pas dans la même situation. Les recherches dont je suis chargé, ont pour but la rédaction d'une monographie; le sujet en est „La politique de protection française à l'époque moderne". Monsieur Paravicini m'ayant demandé de me joindre à mes collègues pour monter cet atelier et de concevoir un projet de documentation accompagnant la monographie, j'ai dû adopter la démarche inverse de mes collègues. Il fallait donc réfléchir aux perspectives que cette monographie pouvait éventuellement ouvrir à un projet de documentation, c'est-à-dire, qu' il fallait examiner les types de sources étudiées dans le cadre de mes recherches pour en apprécier l'aptitude à constituer la base d'une documentation. Etant donné qu'une telle documentation prend tout son sens dans la mesure où elle élargit le champ de ce qui est dit dans la monographie même, il fallait en plus porter ma réflexion sur le service qu' elle pourrait rendre à ceux qui veulent reprendre les chemins qui sont pour l'instant les miens, mais dans une autre perspective. Dans le cadre d'un atelier, on peut se sentir autorisé à poursuivre cette réflexion qui n'est pas encore arrivée à son terme et profiter ainsi des vues exprimées pendant la discussion. Aussi cette contribution a-t-elle pour but de discuter de quelques possibilités pour la conception d'une édition de texte/documentation autour du sujet qu'est la „politique de protection". Mais d'abord il faudra bien sûr esquisser en quelques mots le projet en cours qui est destiné à aboutir à une monographie traitant de la politique de protection française à l'époque moderne. I. La „protection": un problème de l'histoire des relations internationales à l'époque moderne Quiconque s'occupe de plus près des relations de la France avec l'Empire - et aussi avec l'Italie - aux XVIe et XVIIe siècles se verra tôt ou tard confronté au phénomène de la politique de „protection" menée par les rois de France pour établir ou maintenir leur influence dans certaines régions ou pour unir des princes allemands ou des communautés à leur politique. A première vue, il paraît s'agir d'un fait très simple: un pouvoir veut masquer son désir de domination, voire d'annexion d'un territoire en prétendant le protéger. A y regarder de plus près, les choses se compliquent: La protection repose souvent sur un accord entre protecteur et protégé, en cas de nécessité, elle oblige le premier à l'action, mçme si le moment n'est pas propice. Elle constitue un lien qui confère au protecteur certains droits qui peuvent dans certains cas évoluer vers une souveraineté pure et simple, mais dont elle ne découle tout de même pas nécessairement. Tout cela est lié au fait que le rôle du „protecteur de la chrétienté" (qui est pratiquement celui d'arbitre des affaires européennes) est souvent revendiqué par la France comme une charge revenant au Roi Très Chrétien en raison de la gloire et de la magnificence de sa couronne. L'historien peut donc rencontrer des relations de type "protection" qu' il faut comprendre dans plusieurs sens: soit comme justification d'une politique de consolidation territoriale, soit comme justification d'une politique d'intervention dans les affaires internationales. Mais cette justification est toujours liée à une conception particulière du rôle et du devoir du Roi Très Chrétien. En termes modernes, on dirait peut-être qu'il s'agissait de justifications idéologiques à des actes politiques. Gaston Zeller fut le premier à évoquer le problème de la protection d'une manière plus approfondie dans son étude monumentale sur la réunion de Metz à la France, étude parue en 1926. Zeller suivit l'évolution de la présence française dans la ville impériale de Metz une évolution qui débuta en 1552 avec la campagne du roi Henri II en faveur des princes allemands groupés autour du duc Maurice de Saxe et contre Charles V. L'occupation de Metz - et d'ailleurs des villes impériales de Verdun et de Toul - fut présentée comme étant un acte de protection: le roi de France protégeait les villes contre une occupation menée par l'empereur „tyrannique" cherchant à abolir la liberté allemande, et contribuait ainsi à défendre et maintenir un ordre légitime, mais menacé. Au fur et à mesure, la notion de „protection" se précisa et s'assimila à une domination quasiment souveraine qui fut remplacée en 1648, dans les traités de Westphalie, effectivement par la fin de la souveraineté manifeste de l'Empire. Zeller supposa qu'il existait un lien entre cette „protection" établie à Metz, Toul et Verdun et l'institution de la garde royale du Moyen Age. Des lettres de garde purent être baillées, par exemple à des villes, des seigneurs, des corporations etc. qui n'étaient pas sujets du roi de France, et qui, 357