H. Bathó Edit – Kertész Róbert – Tolnay Gábor – Vadász István szerk.: Tisicum - A Jász-Nagykun-Szolnok Megyei Múzeumok Évkönyve 12. (2001)

Rainer Babel: Comment documenter la politique de protection francaise á l'époque moderne: une reflexion

moyennant une certaine somme, purent ainsi profiter de la „sauve­garde et protection spéciale" royale, comme c'était particulièrement le cas des trois villes de Metz, Toul et Verdun, qui, pendant le Moyen Age, recevaient à maintes reprises des lettres de garde. Comme Zeller le soulignait, la garde différait pourtant sur des points essentiels de la protection qui s'installa à Metz après 1552. La garde était une promesse de protection qui n'entraînait aucune présence militaire du protecteur dans les territoires protégés, elle s'exerçait quasiment à distance; la protection telle que Metz la connut au XVIe siècle et qui était lié plus tard à une présence française, sur le plan militaire et administratif. Mais le cas de Metz, Toul et Verdun n'est pas le seul problème posé par la protection. De nos jours c'est Hermann Weber qui souligne à son tour le fait que la protection reste à maints égards une institution mal connue. Dans sa grande étude intitulée „Frankreich, Kurtrier, der Rhein und das Reich", il a mis en évidence l'importance que revêtait l'idée de protection - la prétention de protéger un souverain, un prince, une communauté - pour la politique de Riche­lieu, en prenant comme exemple l'Electeur de Trêves et ses relations avec la France. Ce fut par la suite un élève de Monsieur Weber, Wolfgang Hans Stein qui publia une thèse remarquable sur les relations de protection entre la France et les différents états d'Alsace entre 1623 et 1642. Bien sûr convient-il de souligner qu' il y a des circonstances qui, d'une certaine manière, distinguent ces protections du cas de Metz, Toul et Verdun: là, les anciens liens de garde semblent jouer un certain rôle, ici la protection est d'abord un fait de la politique internationale, un lien qui unit des états ou des princes souverains. Néanmoins, la protection exprime l'idée que le roi de France doit agir en régulateur du système international, système dans lequel il a quasiment une fonction patronale. Nous voici au coeur de notre problème: Pour la France, la protec­tion a au XVIIe siècle deux aspects: elle est un moyen d'acquérir un territoire (Metz, Toul, Verdun) d'une part et de justifier une politique d'intervention de l'autre. Mais au-delà de ces aspects instrumentaux, répétons-le, elle est aussi liée à un fond idéologique, une conception du devoir et du rôle du Roi Très Chrétien au sein de la chrétienté. Les questions qui découlent de ces faits sont multiples, voici quelquesunes: Quelle était la genèse de la protection? Comment la notion et l'institution de la protection se sont-elles développées dans leurs différents aspects et comment ces mêmes aspects sont-ils imbriqués les uns dans les autres - ou éventuellement indépendants? Quelles sont les relations entre la garde du „moyen âge" et la protection „moderne'? Comment et dans quelles circonstances la protection prépare-t-elle la voie de la souveraineté? Qu'entendaient les contemporains, le protecteur et le protégé, à différentes époques quand ils prononçaient ce mot? Quelles étaient les circonstances précises dans lesquelles une politique de protection se concevait? Qu'est-ce que signifiait la protection pour la politique étrangère française et pour la perception du système international à l'époque moderne? Ces questions mettent en relief le programme qui est à la base de la monographie en cours. Quelles sont les documents à prendre en considération pour mener à bien ce projet? 358 II. Les sources: documents pour l'histoire de la protection Les sources à étudier sont - selon les différentes perspectives qu'offre le sujet - très variées: il y a par exemple les lettres de garde émanant des rois de France pour les villes échappant à leur souveraineté, notamment celles qui sont situées entre la Meuse et le Rhin - étude qu'il faut mener en suivant les chemins balisés par Gaston Zeller. Ces lettres sont - au niveau de l'histoire des notions ­des témoins pour l'évolution du mot de protection et des termes assimilés; elles témoignent aussi du rythme auquel une politique d'extension de l'influence française s'exerçait dans cette zone caractérisée par une complexité énorme en ce qui concerne les droits territoriaux. Les correspondances diplomatiques témoignent des circonstances concrètes dans lesquelles une politique de protection se conçoit et qui nous ramènent sur le plan immédiat de l'action politique: elles peuvent nous parler des intérêts très concrets en jeu et de leurs rapports éventuellement contradictoires avec la prétention d'agir en protecteur. On peut se renseigner sur les mêmes faits dans des documents qui circulaient parmi les „décideurs" dont s'entourait le roi. Mais le fait que ces documents ont été établis et lus par des gens avisés et familiers du „dessous des cartes" et qu'ils n'étaient, à priori, pas destinés à être publiés, à servir d'éléments de propagande, voilà ce qui les rend très précieux: ils peuvent d'autant plus nous aider à comprendre les véritables points de vue et conceptions des con­temporains en ce qui concerne la politique de protection, ils peuvent en révéler les aspects sincères ou les côtés „macchiavelliques". Et certes, comme autre grand groupe de sources, dont doit faire usage une telle monographie, citons les documents qui relèvent du domaine du droit des gens: les traités. Ils contiennent en détail les modalités des relations entretenues par deux états, et donc, le cas échéant, les modalités d'une relation de protection. Il s'agit là d'une source capitale pour l'histoire des notions et des idées en matière de relations entre les états - pour souligner ce fait, il suffit de citer l'étude monumentale de M. Jörg Fisch sur les notions de paix et de guerre dans les grands traités de paix. Et enfin, cette monographie nécessite l'examen de ce que les juristes du Bas Moyen Age et de l'Epoque Moderne ont eu à dire sur la protection comme élément juridique des relations internationales. III. Possibilités d'une documentation Comment concevoir un projet cohérent d'édition/documentation à partir d'une telle diversité de sources? Les correspondances diplomatiques ont été rassemblées en grand nombre pour la monographie, mais toujours dans le but d'aider à élucider des cas de politique de protection très précis; elles ne se prêtent donc guère à l'élaboration d'une publication cohérente. On peut certainement penser avec plus de raison aux nombreuses lettres de garde qui ont été baillées aux villes et communautés de l'espace entre Rhin et Meuse, surtout Metz, Toul et Verdun par les rois de France pendant le Moyen Age et aussi l'Epoque Moderne. Jusqu'ici les documents ayant trait à la garde de ces endroits n'ont été effectivement publiés que de manière plutôt dispersée et

Next

/
Thumbnails
Contents