Alba Regia. Annales Musei Stephani Regis. – Alba Regia. Az István Király Múzeum Évkönyve. 22. 1982-1983 – Szent István Király Múzeum közleményei: C sorozat (1985)

Die Anjovinen in Mitteleuropa - Klaniczay Gábor: Rois saints et les Anjou de Hongroie. p. 57–66.

Cela est représenté d'une manière beaucoup plus nette par le culte d'un grand nombre de saints anglo-saxons que par le culte de saints mérovingiens. Ici, on peut discerner clairement les traits communs du culte paien d'alors et des cultes des VII e —IX e siècles, où surgissent et resurgissent les motifs mythologiques du culte païen du monarque (CHANEY 1970). En revanche, dans certains cas, quand il s'agit d'un roi saint plus populaire (par exemple saint Oswald et saint Edmond), on peut voir aisément que les initiateurs et insti­gateurs du culte étaient des descendants qui cherchaient à confirmer leur prétention au trône par la glorification de leurs prédécesseurs saints (HOFFMANN 1975, 28—46; Folz 1980). Et cela n'est pas tellement loin de la conception du charisme transmis par un ancêtre saint. Toutefois, le culte d'un roi saint pouvait être exploité non seulement par ses descendants directs mais aussi par des adversaires étrangers. A titre d'exemple, dans l'Angleterre du début XI e siècle, le monarque danois victorieux, Canut (II) le Grand embrasse le culte de ce même saint Edmond qui avait perdu sa vie justement dans une bataille contre les Vikings et, selon la croyance du peuple, c'était bien lui qui causait, avec son intervention personnelle, la mort du père de Canut, Sven Barbe fourche (HOFFMANN 1975, 46). Bien qu'il s'agisse dans ce cas aussi du culte d'un roi saint qui rehausse le prestige sacral du même trône royal, fut-ce possédé déjà par une autre dynastie, l'exemple en illustre bien quelles nouvelles possibilités furent créées par cette forme de légitimation chrétienne par comparaison avec le culte païen du monarque. L'image se dégageant des légendes des rois saints anglo­saxons est plus proche des croyances de la royauté sacrale que celle des monarques saints de l'époque mérovingienne. La plupart de ces saints sont des champions de la foi chrétienne et souffrent le martyre en défendant cette foi dans la lutte contre les païens, ce que les auteurs de légendes le plus souvent rapprochent de certains éléments de la Passion de Jésus-Christ (HOFFMANN 1975, 40—41). Une autre version de cette même histoire de martyr est celle où le roi tombe victime d'une conspiration. Un membre de sa famille ou l'un de ses sujets — que les légendes tôt ou tard feront porte-parole du paganisme — le trahira à la manière de Judas, puis le fait périr. On peut révéler le même motif dans l'hagiographie de plusieurs souverains saints d'Europe septentrionale et orientale aux X e —XI e siècles : par exemple, dans les cas de saint Wenceslas de Bohême (JILEK 1975) ou de Boris et de Gleb de Russie (MÜLLER 1975; Poppe 1981). Ceux des cultes de rois saints qui s'étaient produit en marge du monde chrétien des X e —XI e siècles, au sein des peuples qui se convertissaient au christianisme, se rapprochè­rent encore plus près à la conception de la royauté sacrale (GORSKI 1968). Dans la majorité des cas, ces nouveaux cultes dynastiques et d'État se forment autour de la per­sonne du roi ou du prince qui s'est converti à la foi chré­tienne avec son peuple ou bien autour d'un de leurs parents proches. Saint Wenceslas avec sa grand-mère, Ludmilla, établit le prestige idéologique de la dynastie Premysl (GRAUS 1975, 159—181). Saint Olav, convertisseur et premier saint de la Norvège, sur la tombe duquel on fera des sacrifices de fertilité au cours des siècles suivants* deviendra le patron principal, le "roi perpétuel" de son pays à partir du XII e siècle (HOFFMANN 1975, 55—88; Nyberg 1981). Dans la vie religieuse russe, Vladimir, fondateur de la grande principauté de Kiev, qui se convertit à la foi chrétienne, n'est déclaré saint que relativement tard — au XIII e siècle — tandis que ses deux fils assassinés, Boris et Gleb, étaient déjà des figures centrales du culte dans l'Église russe au XI e siècle (Poppe 1981; FEDOTOV 1946, 94—110). C'est parmi les monarques-saints du temps de la fondation d'État et de la conversion au christianisme que se rangent les trois saints du XI e siècle de la maison des Arpades: Etienne, Émeric et Ladislas. Il vaudrait bien la peine d'étudier de plus près, dans cette perspective com­parative, le culte de ces trois saints du sang royal, d'en examiner les similitudes typologiques, les motifs communs et la manière dont ces cultes ont été utilisés dans les crises successoriales — malheureusement, cela ne peut se faire ici par manque d'espace (pour en savoir plus, voir BOGYAI — BAK—SILAGI 1976). Au culte des saints rois de la maison d'Arpad est bien semblable celui qui s'était formé autour des membres fondateurs de la dynastie serbe Némanja aux XII e —XIII e siècles, où, de nouveau, la question d'un emprunt se pose: le fondateur d'État et introducteur du christianisme, Etienne Némanja (Simeon) avec ses deux fils, Rastko (archevêque Sava), organisateur de l'Église, et Etienne Némanjitch, le premier roi couronné, sont honorés comme saints (HAFNER 1962; 1976; Kämpfer 1973). Si ce n'est directement à la fondation d'un État ou à la conversion au christianisme que sont liés les cultes de saint Canut et de saint Canut Lavard de Danemark aussi bien que celui du saint Éric de Suède — ils rentrent néanmoins dans le cadre des crises de succession dynastiques: leurs des­cendants parvinrent à en sortir vainqueurs, non pas en moindre lieu parce qu'ils s'appuyaient sur le culte de leurs ancêtres saints (HOFFMANN 1975, 89—204; Rus 1977, 195—214). Sans entrer dans les détails, je voudrais souligner ici, que ces cultes sont nés comme le résultat des tranforma­tions culturelles et spirituelles de plusieurs siècles. L'aver­sion initiale de PÉgliese mérovingienne à une sacralisation extrême du pouvoir temporel fut succesivement obscurcie par les concessions qu'il fallait faire aux croyances des peuples toujours nouveaux convertis au christianisme et à leurs souverains qui décidaient la conversion. Aux XI e —XII e siècles, aux confins de l'Europe chrétienne du moins, le culte des saints était devenu le moyen de sac­ralisation de l'autorité royale. L'influence de tout cela devient perceptible même en Europe occidentale à l'époque. Alors que — avec ou sans approbation pontificale — s'établissent les cultes de rois saints en Europe centrale, orientale et septentrionale, la conception de la sainteté de la personne du souverain renaît dans les pays plus "évolués". C'est le temps où les dynasties royales anglaise et française commencent à clamer et pratiquer leur faculté thaumaturgique (BLOCH 1924, 27—50). Au XII e siècle, en 1146, l'empereur d'Allemagne Henri II est canonisé de même que sa femme, Cunégonde, quelque temps après (1200) (KLAUSER 1957). Tandis qu'à Robert II, qui fut le premier à faire des guérisons prodigieu­ses, on adopta "seulement" l'épithète Pieux bien que ses contemporains eussent souvent fait mention de sa sainteté 62

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