Szilágyi András (szerk.): Ars Decorativa 25. (Budapest, 2007)

András SZILÁGYI: Mercurius navigans. Un pendentif en forme de bateau provenant de la collection Esterházy

gramme latine de quatre vers ainsi que d’un lemme: un épigraphe de quatre mots. L’épigramme se composant de deux distiques évoque un héros de la mythologie classique: Jason et son navire légendaire Argo, bien connu comme l’emblème mythologique de toute entreprise aventureuse réussie. Cepen­dant, cette représentation est loin d’être une illustration fidèle du voyage de Jason vers Colchide. Sur le navire, en effet, que nous voyons comme à vol d’oiseau, il n’y a aucune figure. La signification facilement intelligible de l’image est précisée, dans le contexte donné, par le lemme, cette fois-ci un pro­verbe courant: Duce virtute, comité Fortuna.4 VEmblemata d’Andrea Alciati, ouvrage de référence de l’emblématique de la Renais­sance tardive, consacre tout un chapitre, intitulé Ars Naturam adjuvans, à l’idée que la mission de l’art savant (Ars) n’est autre que de corriger et de dompter les forces mysté­rieuses, capricieuses et souvent destructives de la Nature.5 Cette conception de l’art bien argumentée par Alciati et adoptée par ses contemporains et ses successeurs marqua pendant longtemps la littérature embléma­tique du baroque, ce à quoi contribuèrent les nombreuses citations tirées d’auteurs antiques prestigieux et de différents ouvrages de la littérature humaniste néolatine. Nous nous référons ici, à titre d’exemple, à un pas­sage significatif de l’ouvrage de Jean Baudoin (1594-1650), membre savant de l’Académie Française. Ce passage, qui porte le titre emprunté à Alciati: Que l’Art aide la Nature, comporte une illustration fort intéressante.6 Les deux éléments du titre (Art et Nature) sont représentés chacun par une figure mythologique. (Fig. 2.) La Nature qui est capable aussi bien de détruire ses créatures que de les protéger est personnifiée par la fi­gure de Fortune, déesse inconstante du hasard, se tenant sur le globe et tendant la voile. L’Art est symbolisé par la figure de son 2. Mercure et Fortune. Illustration au chapitre Que l’Art aide la Nature du Recueil d’Emblèmes publié par Jean Baudoin, Paris, 1639. Gravure en taille- douce de Marie Briot protecteur olympien: Mercure (qui prend la place d’Hermès). De cette façon, le motif que l’on aperçoit à droite en arrière-fond sur la gravure illustrant le chapitre - un navire voguant à pleines voiles (attribut habituel de Fortune)7 - acquiert une signification toute particulière : ici, c’est Mercure qui, comme pour servir de contrepoint à Fortune, mon­tre, d’un geste ferme de sa droite levée, la direction à suivre et le but à atteindre. Depuis la fin du 16™" siècle, la citation d’Alciati traitée ci-dessus a bon nombre de variantes dont plusieurs sont passées en proverbe. Telle est la variante In Dies Arte ac Fortuna que beaucoup d’imprimeurs et édi­teurs de différentes villes d’Europe mettaient en exergue sur leurs marques d’imprimerie.8 44

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